L’assassinat en rטgle de la littיrature grגce au Goncourt 2010
Les récents nominés au Goncourt et Renaudot – Houellebecq et Despentes -, sont, sans conteste, les représentants de la société actuelle.
Michel Houellebecq, désormais adulé par le monde entier, l’univers, et la galaxie jusqu’à l’infini, a gagné, assurément, et comme le titre Raphaël Sorin - « Il parino » de la littérature germanopratine et de Michou, surtout - sur son blog : « Houellebecq, il les a tous niqués. Et profond ».
Classe.
Nos deux ambassadeurs de notre monde sont donc sacrés. Tout un programme. Michel Houellebecq est apprécié par l’hystérie collective et la pensée soviétique (et sarkosyste) parce qu’il incarne notre société en la révélant dans son état brut.
Ecriture neutre et plate, structure linéaire, mise en abîme à tout va, égo ultra développé et description wikipédienne de notre société malade, régressive et très peopolarisée, « La carte et le territoire » est à l’apogée d’une société totalement oedipienne, au fond, où tous s’y vautrent comme des petits garçons en mal de relation fusionnelle maternelle.
Société régressive ou en perpétuel mouvement, ouverte à une vision constructive et nouvelle ?
C’est clairement notre société dépressive qu’il décrit là. Nul ne le conteste, on est tous d’accord.
Là où le bât blesse, c’est que la littérature, dans tout cela, y perd ses lettres de noblesse. Si L’écriture sans style et la réflexion purement descriptive de Houellebecq est revendiquée et même aujourd’hui défendue, il reste néanmoins une question sous-jacente qu’on ne peut ignorer.
En posant les lauriers sur ce crâne exhibitionniste de Houellebecq, l’Académie Goncourt marque par ce geste hautement symbolique un tournant dans la littérature.
Ces dignes lettrés ont en réalité une mission assez facile : « L'objet étant de décerner chaque année un prix pour « un ouvrage d'imagination en prose paru dans l'année » selon Wikipédia, et selon les statuts de leur propre site, c’est tout simplement le néant sur les objectifs à atteindre par la sélection d’un ouvrage en vue d’être goncourisé ; du moins, la lambda ne peut en avoir connaissance par simple recherche personnelle.
L’ère de la littérature moderne et sans style est désormais consacrée…
La question serait de se demander s’il est encore nécessaire d’encourager les écoles quant à l’apprentissage de la littérature aux élèves, s’il est encore nécessaire de leur inculquer l’histoire des grands écrivains ou de chercher à les ouvrir à un style.
Finalement, on pourra aussi se dire que les maisons d’édition adopteront la tendance à se calquer sur la mode houellebecquienne caractérisée en cela par la promotion des romans encyclopédiques au contenu régressif et scatologique, voire empreint uniquement d’obsessions sexuelles. Ca fait vendre, c’est certain.
Il ne reste plus qu’aux aspirants écrivains et écrivains actuels de clavarder sous forme texto ou style mail, sans tenir compte de la syntaxe et de l’orthographe, car le Goncourt les attend, représentatifs de la nouvelle société qu’ils forment.
J’admets, j’exagère et je caricature un peu. Mais, si personnellement je n’ai rien contre Houellebecq, je m’inquiète cependant de ce prix : ce Goncourt décerné n’est-il pas tout bonnement l’assassinat de la littérature ?
J’entends par là une littérature où la langue française est maîtrisée et dont le maniement habile permet de la soumettre au lecteur dans toute sa splendeur : elle nourrit l’âme par sa musicalité et son contenu par là-même sublimé.
Qu’est-ce qu’une bonne ou une belle, ou encore une vraie littérature ?
N’est-ce pas celle qui émeut dès lors qu’un texte est écrit avec une telle perfection que la langue française semble toucher au divin ?
N’est-ce pas celle qui parvient à élever le lecteur tant par l’harmonie du style que le contenu développé (peu importe le sujet), réfléchi, et abouti ?
Si un style plat décrivant une société décadente, un type de roman devenu le symbole de la littérature dans le monde, est récompensé par le Goncourt, doit-on pour autant craindre pour la littérature, celle qui rehausse, celle qui possède encore ses quartiers de noblesse ?
Le Goncourt 2010 vient d’assassiner la littérature française …
N’est-ce pas le rôle des anciens, les adultes, à savoir ceux qui ont l’expérience de la vie, la sagesse acquise au fil des ans, que de proposer une ouverture à quelque chose de plus grand ?
N’est-ce pas le rôle des académiciens que de traiter la littérature adolescente et infantile issue de notre société, en vue de permettre de la conduire à plus de maturité, à la perfection, à la joie, en choisissant justement un texte digne de ce nom ?
En consacrant Houellebecq, les académiciens ont tout simplement suivi le mouvement, subi lâchement la pression d’une société en mal de reconnaissance et ont été incapable d’exercer une résistance face au milieu ambiant, tout comme Houellebecq rendu malade des années auparavant parce qu’il n’était pas encore décerné par le Goncourt.
Non seulement le Goncourt attribué assassine la littérature, mais il y a un fond bien plus troublant : il semblerait aujourd’hui que les adultes que nous sommes, les académiciens qui le sont, ne soient plus en mesure de tirer la littérature vers le haut, de posséder le caractère, la personnalité, la vision littéraire et la réflexion intellectuelle de poser des choix crédibles.
Qu’est-ce que la littérature ? Qu’est-ce que la vraie littérature ? Vaste question.
Le tournant depuis le Goncourt 2010 conduit à opérer un coup de volant à 180°. Soit nous nous inclinons face à une littérature subissant le diktat de notre société telle qu’elle est aujourd’hui représentée et sommes définitivement modernes et ouverts, voire progressistes, soit nous relevons la tête en tâchant de sauver ce qui peut encore l’être en littérature en considérant un passé des lettres qui furent les heures de gloire de la littérature, tout en sachant que celle-ci est en parfait décalage avec notre monde hic et nunc, avec le grand risque non seulement de paraître réactionnaires, mais aussi fermés et sourds à toute évolution, quitte à ressembler à des autistes.
Qu’est-ce que la vraie littérature ? La question ne peut que se poser encore et encore, surtout aujourd’hui.
Savina de Jamblinne