Il a pu utiliser son nouvel A330-200, un joli joujou à 176 millions d'euros, plus une trentaine de millions d'euros de frais annuels, si gros qu'il faut le stocker à 90 kilomètres de Paris. Avec un aller-et-retour expresse de quarante-huit heures, dont l'essentiel dans sa nouvelle chambre aérienne, le président français a fait le service minimum à Séoul. Ce voyage clôturait une semaine où il n'avait pas ménagé ses efforts de « re-présidentialisation » : droit et grave devant la tombe du général, sérieux et concerné par sa promulgation de la réforme « difficile mais nécessaire » des retraites ; admiratif et fidèle à l'héroïsme des soldats du 11 novembre ; passionné par l'ampleur de la tâche de la présidence française du G20.
Chaque apparition, chaque discours était l'occasion de nous faire croire que Sarkozy était devenu président.
L'homme du Fouquet's
Dominique de Villepin a failli tout gâcher. Lundi 8 novembre, il fallait feindre d'ignorer sa violente attaque de la veille. Sarkozy, l'un des problèmes de la France ? Quel affront ! Le servile Dominique Paillé, porte-parole de l'UMP, a qualifié Villepin de fou, Frédéric Lefebvre d'outrancier. Copé s'est dit choqué. Et l'Elysée envoya les anciens villepinistes Bruno Le Maire et George Tron tacler leur ancien mentor.
Mardi, trêve de plaisanteries ! Sarkozy rendait hommage à Charles de Gaulle, dont c'était le 40ème anniversaire de la mort. En son temps, le général avait voulu des obsèques sans chi-chi ni bling bling. Quarante ans plus tard, Sarkozy avait prévu les choses en grand : une tente immense, des caméras d'Elysée.fr, 1000 invités triés, une large tribune avec son petit pupitre orné d'une croix de Lorraine, et un décor en fond figurant une campagne de la « France éternelle ». Dehors, devant la tombe du Général, Sarkozy se tint droit, sérieux, sombre. Il faisait gris, il pleuvait à peine. Sarkozy était filmé. Il fallait qu'on le voit se recueillir. Quelques minutes plus tard, il avait tombé le manteau, et affichait une mine radieuse. A chaque paragraphe lu du discours écrit par Henri Guaino, il ne pouvait s'empêcher tantôt une pause, tantôt un gros sourire, presque un clin d'oeil vers celles et ceux devant lui, comme pour souligner le parallèle insistant et indécent que chaque auditeur devait faire entre le héros du 18 juin et lui-même, la vedette du Fouquet's : « dans tout ce qu'il avait dit et dans tout ce qu'il avait fait, il avait cherché à ce que la France restât toujours fidèle à elle-même, à ses valeurs, à son histoire, à son génie. » Ou : « il avait toujours su aussi que lorsque rien ne change il n'y a pas d'autre issue que le déclin.» Mieux : Il avait voulu que le chef de l'État soit l'Homme de la Nation et non d'un parti. » Sarkozy voulait que l'on comprenne que sa tâche, y compris la réforme adoptée en force sur les retraites, était tout à fait comparable aux actes passés du général de Gaulle.
A Colombey-les-Deux-Eglises, Sarkozy se prenait donc pour de Gaulle, lui qui n'a sauvé que le bouclier fiscal et ruiné le dialogue social. Avait-on besoin d'une leçon de gaullisme par la plus girouette de nos présidents de la Vème République, par l'homme du ralliement à l'Otan et des dérapages « bling bling » ? De Gaulle avait son appel du 18 juin, ou son discours de Bayeux. Sarkozy n'a que celui de Dakar, en juillet 2007 sur l'homme africain pas assez entré dans l'histoire, ou celui de Grenoble, et sa funeste équation immigration égale insécurité. De Gaulle pensait à l'image de la France, Sarkozy à l'avenir du Premier cercle.
Cet hommage-boomerang n'a pas fait illusion.
Espionnage et obstruction
Il était un sujet sur lequel Sarkozy est resté fidèle à l'héritage gaulliste : la Françafrique, installée par Jacques Foccard, l'homme de l'ombre du Général. En Conseil des ministres, Sarkozy a adopté deux projets de loi de ratification des nouveaux accords de défense avec le Gabon et la République Centrafricaine. Mais mardi, le parquet a eu la mauvaise surprise d'apprendre que la Cour de Cassation rejetait son appel du printemps dernier contre la poursuite de l'instruction sur les détournements de fonds de 3 chefs d'Etat africains. A l'époque, le parquet s'était opposé à une magistrate qui avait jugé recevable la plainte déposée par l'ONG Transparency international contre les « biens mal acquis », évalués à quelques 160 millions d'euros de biens mobiliers et immobiliers détenus en France par les familles Bongo (Gabon), Nguesso (Congo-Brazzaville) et Obiang (Guinée-Equatoriale). La Cour de Cassation relance donc une enquête qui dérange jusqu'à l'Elysée.
Sarkozy mobilise des moyens incroyables pour bloquer les gêneurs. Dans l'affaire du Karachigate, le président de l'Assemblée Nationale en personne a écrit mercredi au juge d'instruction Marc Trividic, en charge du dossier, qu'il ne livrerait pas le contenu détaillé des auditions réalisées par la mission parlementaire jusqu'au printemps dernier. Il invoque la séparation des pouvoirs. Dans ces auditions, le juge aimerait comprendre s'il y a un quelconque lien entre la vente de sous-marins au Pakistan par le couple Balladur/Sarkozy en 1994 et un attentat qui coûta la vie à 14 personnes dont 11 Français en mai 2002. Un autre juge, Renaud van Ruymbeke, a a décidé d'enquêter contre l'avis du parquet sur des «faits de corruption active et passive», soupçonnant un financement politique illégal de la campagne balladurienne de 1995.
Autre obstruction, on sait que le secrétaire général de l'Elysée a coordonné, en coulisses, la riposte aux révélations médiatiques de l'affaire Woerth/Bettencourt. Claude Guéant a même porté plainte contre Mediapart : le site d'informations n'avait fait que relayer une information du Canard Enchaîné (qui fait lui l'objet d'une plainte pour diffamation du patron des services de contre espionnage Bernard Squarcini) selon laquelle l'Elysée faisait systématiquement enquêter sur les journalistes trop curieux à son encontre. Deux journalistes de Mediapart travaillant sur les affaires Karachi et Woerth/Bettencourt ont affirmé avoir été filés et géolocalisés par la DCRI. Guéant, comme Squarcini, ont-ils sur-réagi ? France Info a révélé mardi que Matignon avait cru bon rappeler à l'ordre, en octobre dernier, les services de l'intérieur qu'ils ne pouvaient procéder à des interceptions téléphoniques sans autorisation...
L'association Anticor, déboutée il y a 15 jours de sa plainte pour favoritisme dans l'affaire des sondages de l'Elysée, s'obstine. Le parquet avait classé sans suite la précédente action, au motif « que le Directeur de cabinet de la Présidence qui a signé la Convention passée entre le cabinet d’études Publifact et la Présidence n’a juridiquement aucun pouvoir en propre » puisqu'il dépend du président de la République, pénalement intouchable. On croit rêver. L'Elysée compte 900 collaborateurs, 900 personnes... judiciairement irresponsables. Quelle République ! Anticor réédite, et porte sa plainte contre Publifact, l'agence du conseiller Patrick Buisson, qui gère les sondages présidentiels. L'irresponsabilité présidentielle s'étendra-t-elle aux fournisseurs de l'Elysée ?
Cette affaire de sondages clandestinement financés par l'Elysée n'est pas terminée : on redécouvre aujourd'hui que l'essentiel des enquêtes d'opinion présidentielles est financée par ... Matignon. En 2009, quand la Cour des Comptes avait relevé la débauche de moyens d'enquêtes (3 millions d'euros pour plus de 150 sondages en une seule année !), le cabinet du Monarque avait promis de réduire ses dépenses. En fait, il a tout transférer sur le budget du Service d'Informations du Gouvernement. Ce transfert n'est pas le seul : Air Sarko One plombe les comptes de la Défense.
Sarkozy cache ses dépenses les plus douteuses avec une opiniâtreté déconcertante.
Dilettantisme à Séoul
La photo était belle, et ridicule. Une brochette de chefs d'Etat s'affichaient souriants, agitant la main comme s'ils étaient à la fête foraine. Nicolas Sarkozy avait l'air presque reposé malgré une dizaine d'heures de vol, en retard, dans son nouvel avion A330. Il n'est arrivé que pour la fin des discussions, et le constat d'un échec. Les membres du G20 ont signé une belle déclaration de principes, une de plus. La guerre des monnaies a bien eu lieu. Les Etats-Unis ont décidé de dévaluer leur devise à coups de 600 milliards de dollars d'émission de billets, et la Chine tient à son yuan déprécié. Dans ce choc des titans, Nicolas Sarkozy a une carte à jouer, mais elle demande un talent diplomatique que le chef de Sarkofrance n'a jamais démontré, trop occupé par son propre narcissisme.
On pouvait d'ailleurs se demander pourquoi Nicolas Sarkozy est arrivé si tard au G20. Les cérémonies du 11 novembre étaient un prétexte facile. Mais si la guerre économique et monétaire est déclarée, le chef de Sarkofrance avait autre chose à faire que déposer quelques couronnes de fleurs, inaugurer une stelle et raviver la flamme du soldat inconnu. En fait, Sarkozy place toujours son agenda personnel au-dessus de tous les autres, tout en criant le contraire sur tous les toits. Il y a 15 jours à Bruxelles, il expliquait que son « agenda international extrêmement chargé » l'empêcher de répondre dans l'immédiat à l'inquiétude sociale du pays. Deux semaines plus tard, le voici qui tarde à se rendre à une réunion internationale qu'il annonçait lui-même comme décisive. La semaine écoulée fut toute entière consacrée au souvenir : 40ème anniversaire de la mort du général de Gaulle, armistice de 1918, jeunes résistants de 1940, que nous manquait-il ? Sarkozy voulait dresser coûte que coûte un parallèle entre sa situation personnelle du moment et ces actes passés d'héroïsme et de résistance.
A Séoul, Sarkozy s'est quand même permis une conférence de presse. Il s'est dressé quelques lauriers : La France « a été la première a souligner les déséquilibres des changes ». Il ne pouvait que commenter des décisions minimalistes prises sans lui, comme celle de négocier un « mécanisme de surveillance des déséquilibres persistants » en matière d'échanges extérieurs. Le G20 de Séoul a confié « à la présidence française le soin de mettre en place ce mécanisme ». Et « la première étape sera l'élaboration d'indicateurs. » On n'est pas sorti de l'auberge !
Piètre manager de son gouvernement
Le suspense va prendre fin. Mercredi dernier, nombre de ministres et secrétaires d'Etat assistaient à leur dernier conseil. Depuis des mois, le gouvernement est paralysé, gelé, statufié par l'attente. Nombre de conseillers de cabinet cherchent un boulot. Si l'on excepte Christine Lagarde et Brice Hortefeux, assurés de demeurer dans le dispositif, ou François Baroin, occupé par l'examen du budget, les autres ministres font peine à voir. Certains comptent leurs jours (Woerth, Borloo), d'autres préparent leurs valises (Bussereau, Morin, Amara); d'autres encore cirent les pompes du Monarque (Bockel, Besson) ou du favori du moment. A l'extérieur, les envieux se placent. Alain Juppé reprendrait la Défense, Xavier Bertrand les Affaires Sociales. Frédéric Lefebvre, porte-flingue de Sarkofrance habitué aux multiples communiqués de presse quotidiens, s'est imposé un silence médiatique total depuis lundi 8 novembre au soir. Son blog n'est plus à jour depuis le 14 octobre. Il y a un an déjà, il avait confié à un journaliste combien il espérait une reconnaissance ministérielle. On lui prête désormais de viser ... le secrétariat au Tourisme... Pour voyager ?
Lundi ou mardi, Nicolas Sarkozy annoncera, par l'habituelle voix de Claude Guéant sur le perron de l'Elysée, les heureux gagnants du prochain gouvernement. A voir les mines réjouie de François Fillon et déconfite de Jean-Louis Borloo, on croit comprendre que l'actuel titulaire du poste de « premier » collaborateur du chef de l'Etat se succédera à lui-même. Quel suspense !
Cette semaine, Fillon a encore avancé quelques pions en sa faveur. D'abord, il a fait fuiter à France Info l'existence d'une note de son directeur de cabinet au ministère de l'intérieur sur les écoutes téléphoniques : en octobre dernier, Jean-Paul Faugère a ainsi rappelé par écrit que les services de renseignement ne pouvaient procéder directement à des interceptions de sécurité sans autorisation préalable. Cette fuite bien opportune est une manière un peu voyante de signifier à Sarkozy que Fillon en sait beaucoup sur les pratiques de Sarkofrance. Vendredi, Marianne publiait un sondage présidentiel favorable à Fillon : l'actuel premier ministre battrait Martine Aubry au second tour du scrutin !
Pour Sarkozy, reconduire Fillon sera un échec, la preuve qu'il s'est fait imposer un choix, lui qui aime rappeler, y compris mardi dernier, que le Président sous la Vème République doit être maître de ses nominations. Mais il n'a plus le choix. L'élection présidentielle se prépare. Ce remaniement raté est une opération interne à l'UMP pour consolider son camp.
En prévision, l'UMP a retiré du Net l'abécédaire des promesses de Nicolas Sarkozy en 2007. On n'est jamais trop prudent. Heureusement, quelques blogueurs avaient fait des sauvegardes.
Ami sarkozyste, te souviens-tu de 2007 ?
Magazine France
184ème semaine de Sarkofrance : Sarko voulait nous faire croire qu'il est devenu président
Publié le 13 novembre 2010 par JuanDossiers Paperblog
- Politique
- Politique
- Politique
- Sites
- Voyage
- Personnalités politiques
- Journaliste
- Politique
- Politique
- Personnalités politiques
- Personnalités politiques
- Actu
- Personnalités politiques
- Personnalités politiques
- Personnalités politiques
- Europe
- Personnalités politiques
- Monde
- Politique
- Hommes d'affaires
- Films
- Finance