Vous connaissez tous l'acteur. C'est à l'écrivain et à l'homme que je me suis intéressée. D'ailleurs, son actualité est littéraire, puisque Richard Bohringher a sorti en septembre un nouveau livre : Traîne pas trop sous la pluie", que j'ai chroniqué ICI. Ce livre m'a bien plu, m'a bouleversée et j'ai voulu en savoir plus, développer quelques sujets avec l'auteur.
Alors, via Gilles Paris, son attaché de presse, j'ai demandé une interview par internet, comme je fais d'habitude. Richard Bohringer est d'accord mais par téléphone. Je me jette à l'eau et j'accepte. On verra bien ! RDV est pris pour lundi 17H.
Je suis morte de trouille, je n'ai jamais fait ça. Heureusement, Liza de Biblizavient à mon secours et m'informe qu'il existe un logiciel qui permet d'enregistrer des conversations sur PC. Je télécharge ce logiciel, m'entraîne, fais des essais. Me voici à peu près au point logistiquement !
Lundi 16H50 : je tourne comme un lion en cage chez moi, j'ai relu dix fois mes questions, j'en suis à mon 3ème carré de chocolat. Trop peur qu'avec le stress, mes troubles du langage réapparaissent.
Lundi 17H00, je compose le numéro de portable 06... (Nan, vous l'aurez pô
Et voilà ce que cela a donné : (en bleu, c'est moi, en orange, c'est Richard Bohringer)
1/ Vous écrivez dans votre livre " Faut que je grimpe cette putain de montagne et que je devienne l'homme que je veux être". A quoi ressemble -t-il votre Richard Bohringer idéal ?
RB : Ahah.... Il ressemble à quoi... A quoi voudrait on ressembler ? Bah... Euh.. A mieux, à mieux. Mais ça n'a rien à voir avec l'orgueil, justement, c'est le contraire de l'orgueil.
G : Et comment fait on pour être mieux ?
RB : Ah ben je pourrais vous reverser la question, j'en sais rien moi.
G : Je n'ai pas la solution non plus, je pensais que vous l'aviez !
RB : Non non, je n'ai pas la réponse à ce genre de question. Disons qu'il y a certainement des gens qui ont la grâce naturelle d'être au dessus de la ligne de flottaison. Oui, je pense qu'il faut tendre à avoir la tête au dessus de l'eau, oui, quand même.
G : Et comment sait on si l'on est devenu l'homme qu'on voulait devenir ?
RB : C'est conséquent, et puis c'est injuste parce qu'il y a des choses sur lesquelles la nature humaine individuelle est comme elle est alors... Il faut tenter de pas trop plonger, de garder la tête droite. Enfin, c'est compliqué. Question compliquée et donc réponse un peu à la mord moi le noeud par ce que c'est très compliqué.
2/ Vous écrivez : " Fièvre, je veux que tu m'emmènes là où mon rêve sera compris". Quel est donc ce fameux rêve ?
RB : Ah ben ça aussi c'est une question difficile apparentée à la question d'avant. C'est à dire que l'on n'est jamais aussi bien qu'on le voudrait et on n'est jamais aussi moche qu'on le dirait quoi. Donc euh... Trouver ce rêve d'humain, oui c'est dans l'endroit de la compréhension.
3/ Vous avez écrit "J'ai vécu mille vies". Laquelle fut la plus forte ? Et quelle est celle dont vous vous seriez bien passé ?
RB : Celle où j'ai fait du mal aux autres.
G : Et la plus forte, la plus belle ?
RB : Celle où j'ai fait du bien aux autres.
4/ Vous dites que vous trouvez les mots "généreux". Mais sont ils toujours suffisants ? En vous relisant, vous arrive-t-il de vous dire "non, ces mots ne sont pas encore assez forts ?"
RB : Oh oui, des fois, c'est la question fondamentale. Oui, c'est tout le temps, bien sûr, évidemment.
G : Et comment fait on quand le mot n'est pas assez fort ?
RB : Ben, on le garde quand même, on cherche jusqu'au bout et puis si c'est celui là qui reste, et bien il restera.
5/ Il y a 20 ans, dans "c'est beau une ville la nuit" vous écriviez "Vie je te veux, je t'ai toujours voulu, je n'ai jamais eu le mode d'emploi". Depuis, vous l'avez trouvé ? Il est écrit en Français limpide ou en Suédois sous-titré en Coréen ?
RB : Ahah ! Il est multiracial, muti- éthnique, multi linguiste ! Mais pas trouvé encore !
G : Et vous le cherchez toujours j'imagine ?
RB : Oui oui, on dirait bien.
G : Et est-ce que la valise est plus légère qu'avant ?
RB : Euh..... Non, elle est lourde, elle est lourde. Ouais ouais.
6/ En lisant votre livre, j'ai eu la sensation de lire les mots d'un grand photographe. L'êtes-vous ? Un livre de photos "le monde de et par Bohringer" est il envisageable ?
RB : J'y ai déjà pensé.
G : Et le projet est pour quand ?
RB : Je ne sais pas, mais j'y ai déjà pensé, parce que j'ai fait beaucoup de photo à l'Instamatic et des appareils jetables. Ils ne peuvent pas traiter de tous les sujets ces appareils. Mais il y en a des pas mal. Et de temps en temps, l'Instamaticfait de forts belles surprises. Et j'avais envie, effectivement à un moment, de classer toutes ces photos et d'en faire un album de photos jetables quoi.
7/ Pour vous, c'est l'Afrique. Est-ce que cela aurait pu être l'Asie ?
RB : Oui
G : Qu'est-ce que cela aurait changé dans votre vie ?
RB : Ah, ça, je n'en sais rien !
G : Ces deux continents ont une mentalité différente
RB : A oui, totalement.J'ai pas voyagé tant que ça en Asie.
G : Et c'est vous qui avez choisi l'Afrique ou c'est elle qui vous a choisi ?
RB : Euh. J'crois que ça c'est fait comme ça quoi. C'est mo. C'est moi.
G : Et ça continue ?
RB : Oh oui ! Mais l'Asie, je connais très peu l'Asie. Je connais un peu Pondichéry, un peu Maddras, un peu l'Océan Indien. Donc on est aux portes de l'Asie, on est face à l'Asie. Mais bon voilà, j'ai eu un grand choc attention. C'est bouleversant.
G : En Asie, on trouve la philosophie bouddhiste. Est-ce que quand on cherche à être mieux, ça ne peut pas être intéressant toute cette philosophie là ?
RB : Par rapport à ça, je suis toujours très précautionneux. Je pense que certaines choses appartiennent au peuple dont elles sont issues. Vraiment. On essaie de la faire sur la terre où l'on est né. Enfin, c'est une impression.Je n'affirme pas. C'est pour ça aussi que l'Afrique restera quelque chose... avec le même sentiment. Mais c'est pas Africa c'est tout quoi. Même si tu as de l'amour ! Tout ça, c'est pas Africa. Mais ce n'est pas désobligeant. C'est comme ça, c'est que les terres sont si fortes, si puissantes qu'il faut être enfanté par ces terres pour complètement les habiter.
8/ Vous êtes un grand voyageur. Vous arrive-t-il d'être encore ce touriste "qui empêche de voir" ?
RB : Non, je ne pense pas ça.
G : Une fois que l'on est voyageur, on ne devient plus jamais touriste ?
RB : Si ! Si ! On ne va pas avoir la vanité perpétuelle. Ca veut dire que qui met les mots qu'il veut à celui qui s'arrange, celui qui récompense son orgueil ou sa vanité. Mais en fin de compte, on visite. Alors on visite avec plus ou moins d'acuité, plus ou moins de respect, plus ou moins de profondeur. Mais on visite quoi. On aura toujours au fond de sa poche le billet de retour si la vie est trop difficile.
9/ Vous dites que vous ne savez pas écrire des livres à la 3ème personne du singulier. Si vous aviez su, quel est l'auteur que vous auriez aimé être ?
RB : Jack London.
G : Et avec des titres en particulier ?
RB : Oh, presque tous : Martin Eden, Carnet du trimard, L'appel de la forêt, Le vagabond des étoiles...
10/ Quel genre de lecteur êtes vous ?
RB : De hasard.
G : Vous les choisissez comment vos livres ?
RB : Oh, à l'instinct.
11/ Vous dites "Cher lecteur, ce livre est dans la liste des contes cabossés. On sort d'une période où il y a eu beaucoup de liste ( prix littéraires)... Aimeriez vous être sur la liste d'un grand prix littéraire ou est-ce que vous vous en fichez ?
RB : Ben, c'est pas le fait de ne pas être sur les listes qui m'emmerde quand je suis de mauvaise humeur. Non, c'est pas ça. C'est le fait que je trouve qu'il y a beaucoup plus de lecteurs ou des gens comme vous qui reconnaissent cette écriture que de gens dont c'est le métier quoi . Voilà.
G : Et vous suivez la rentrée littéraire à la télé, dans la presse... ?
RB : Je suis content que Houellebecq leur ait fait un gros pied de nez, ça me fait assez plaisir oui.
G : Et si ça avait été Virginie, ça aurait été bien aussi ?
RB : Oui, je pense aussi. Bien sûr, bien sûr. Ca aurait été un gros pied de nez aussi, voire un plus grand encore !
12/ Une mauvaise critique de votre livre, ça vous blesse ou, le coeur léger, vous vous dites qu'on ne peut pas plaire à tout le monde ?
RB : Ca dépend des jours. Y'a des jours où je me dis "ouais, je ne peux pas plaire à tout le monde" et il y a des jours où ça me fait de la peine.
13/ Vous écrivez "Ecrire, c'est attendre la vie." Finir et clôturer un livre, c'est avoir retrouver la vie alors, ou est-ce que ce n'est pas si simple que ça et que c'est un trop gros raccourci ?
RB : Ah c'est un trop gros raccourci.
G : Remarque, a-t-on jamais fini d'écrire ?
RB : Voilà, voilà. C'est ça, on a jamais fini d'écrire.
G : Là, vous êtes déjà sur autre chose ?
RB : Oui oui, là, je suis sur un livre depuis le mois de juin, un gros livre je crois. Sur les anciens territoires et les nouveaux territoires.
G : Et est-ce que tout ce que vous écrivez est publié ou est-ce que vous écrivez pour vous ?
RB : Oh non, tout est publié.
14/ Vous écrivez : "Richard a les clés du trésor de l'âme de Bohringer. Quel est donc ce fameux trésor Monsieur Bohringer ?
RB : L'enthousiasme !
15/ Dans votre livre, vous vous adressez à votre lecteur que vous voyez, que vous tutoyez. Dans votre esprit, à quoi ressemble votre lecteur ?
RB : Hah !(le fameux ha de Richard Bohringer, avec un H aspiré !!!)
G : Ca peut être au féminin aussi, le preuve !
RB : Oui oui, donc euh... voilà ! Pas de visage précis.
16/ On a tous un petit coin de paradis sur terre. Le votre, à quoi ressemble t-il ? Et où est il ? (Pas besoin des coordonnées GPS !)
RB : Ah... J'aime la montagne ! J'aime le spectacle de la montagne en toutes saisons.
G : Je suis surprise, je m'attendais plus a un paysage africain.
RB : ben justement, j'ai fait exprès de sortir un peu de ça. Je voulais donner quelque chose de plus proche. J'aime la neige, j'aime le printemps, j'aime les fruits qui sont donnés par la nature, j'aime l'odeur de la montagne. Voilà !
17/ Quelle serait la question que vous aimeriez hurler au monde ?
RB : Pourquoi ?!
18/ Vous passez souvent pour un homme en colère et vous vous dites "désespéré et pas joyeux". Qu'est-ce qui consolerait définitivement et radicalement l'homme que vous êtes ?
RB : Ahah(rire). J'en sais rien.
19/ Vous êtes en quête de romanesque. Pourtant, votre vie est déjà bien romanesque. La preuve, des parties de votre vie figurent dans vos romans. Votre propre dimension romanesque ne vous suffit pas ?
RB : Elle suffit jamais. Justement c'est le fondement même du romanesque !
G : C'est de vouloir toujours aller plus loin, plus fort et plus haut ?
RB : Oh oui !
20/ Est-ce qu'il y a une question que vous auriez aimé que je vous pose ?
RB : Ben elles sont pas mal celles que vous avez posées.
G : Est-ce qu'il y a une question que vous auriez aimé que je ne vous pose pas ?
RB : Euh non, je les ai toutes trouvées tout à fait intéressantes.
21/ Vous avez joué sur scène votre dernier livre à Paris. Est-ce que des dates en province, et notamment sur Rennes, sont envisageables ?
RB : Oui, bien sûr. Oui. Mais ce n'est pas encore prévu.
22/ Vous écrivez "Barrons nous, je t'emmène. Si nos chagrins nous suivent, nous irons plus loin". Jusqu'où faut il aller pour échapper à ses chagrins.
RB : Euh... Impossible ! C'est le malentendu de tout le monde ça, de penser qu'on part sans ses valises. On part forcément avec ses valises. Et on revient avec.
23/ Vous écrivez que comprendre est une ambition mortelle. En tant que lectrice, j'en déduis que c'est parce que c'est une démarche veine et que même si on l'atteint, on réalise que c'est insupportable. Ma déduction est elle bonne ?
RB : Ben, il dépendra du jour, il dépendra de l'état, tout dépend toujours de l'état des lieux au moment où, voilà !
Il n'y a pas d'uniformité, c'est pas scolaire la vie. L'instant n'est pas répertorié. On pourrait le même dans une colonne avec un titre, alors qu'il pourrait être dans une autre colonne avec un autre titre. Rien n'est en place tout de même.
24/ J'ai une petite blaguounettepour la route, une petite blague que vous devez connaître : Savez vous quel est le pont le plus léger du monde ?
RB : Et bien non !
G : Le pont Faidherbe à St Louis du Sénégal.
RB : Ah ben non, je ne savais !
G : Vous ne la connaissiez pas ? Je suis contente de vous l'appendre alors !
RB : Merci Mam'zelle !