
La crainte n’était tout de même pas loin derrière la satisfaction, car le seul film vu jusqu’ici était Die Bad, vu il y a quatre ans à Paris Cinéma, qui m’avait laissé froid. Ce premier long-métrage (en fait plusieurs sketches assemblés) est par ailleurs l’un des films retenus par le FFCF… peut-être lui aurais-je laissé une seconde chance si le programme du festival avait été moins chargé, mais ma priorité a été mise sur les deux autres œuvres de Ryoo Seung-Wan présentées.
La première est arrivée jeudi soir après avoir souffert devant The Room Nearby, et le spectacle que m’a offert Crazy Lee – Agent secret coréen correspondait parfaitement à ce dont j’avais besoin en tant que spectateur ce soir-là. Une bouffée d’air purement délirante aux effets salvateurs dans le contexte post-mauvais film. Pourtant dans les premières minutes du film, j’ai douté. J’entendais les coréennes rire à gorges déployées derrière moi pendant que je me demandais ce qu’il y avait de si drôle dans une des scènes d’ouverture.

La fameuse séquence qui au début du film me laissait perplexe voyait les comploteurs réunis, coréens, chinois, japonais, pour mettre au point leur plan. Les coréennes riaient tellement dans la salle que j’avais du mal à prêter attention à ce qui se disait et comment cela se disait… Puis en tendant mieux l’oreille et en faisant abstraction des rires, j’entendis mieux les chinois et les japonais parler… et ceux-ci parlaient en réalité coréen. Ils dialoguaient en prenant des accents chinois ou japonais ultra appuyés, mais en coréen. Sur le coup c’est désarçonnant, mais une fois qu’on a assimilé le trait d’humour, c’est irrésistible, et l’on se délecte des accents traînants et chuintants des coréens parlant chinois (en coréen).
Le film est à l’image de ce type d’humour, moqueur et irrésistible. Tout y contribue. La musique qui consiste parfois en des standards occidentaux modernes réorchestrés, les scènes d’action étirées jusqu’à l’absurde, et bien sûr Dachimawa Lee lui-même, interprété par un acteur au physique plus que banal, Im Won-Hee. Mais ce standard n’a pas lieu d’être dans ce monde où Dachimawa Lee est un sex-symbol ultime qui fait tomber les plus belles filles de Corée. Aaaaaah qu’il fait bon s’aventurer en Mandchourie sur grand écran avec Dachimawa Lee… Ryoo Seung-Wan est remonté dans mon estime en un film.
C’est donc avec plaisir que je venais découvrir Crying Fist sur grand écran. Le film suit les destins parallèles de Gang Tae-Shik et Yoo Sang-Hwan. Le premier est un ancien champion de boxe qui a passé la quarantaine et vient de se faire viré par sa femme. Il se retrouve à vivre dans une cabane sur le toit d’un immeuble et vivote en tant que punching-bag humain, se laissant boxer par les passants dans la rue contre 10,000 wons. Yoo Sang-Hwan est lui une petite frappe de 19 ans commettant méfait sur méfait et finissant en prison, où il va commencer à monter sur le ring.
Si j’ai un moment pensé que les chemins des deux protagonistes allaient rapidement se croiser, je me suis finalement ravisé. Il apparaît finalement assez clairement que ces deux hommes ne pourront se croiser que sur un ring lors du climax du film. Cette rencontre tant attendue n’en est rendue que plus forte, et elle permet au film de tisser en profondeur les portraits de ces deux hommes. Ryoo Seung-Wan a beau être un réalisateur connu pour son cinéma d’action, Crying Fist l’affirme pourtant comme un cinéaste capable de laisser l’action de côté pour composer un drame humain et social fort.
Il y a trois jours, je n’avais vu qu’un film de Ryoo Seung-Wan, un film que j’avais préféré oublier. Aujourd’hui, avec deux bons films de plus au compteur, ma perception du cinéaste coréen a changé. Il serait peut-être temps que je me penche sur les DVD de ses autres longs-métrages…