Paru au Seuil en septembre 1993, L'Invention du Monde d'Olivier Rolin illustre parfaitement ce que la littérature ne sait plus faire : s'incarner à travers une forme frappante qui prolonge le texte et le rend à son absolue nécessité. Selon la perspective de Kerouac, qui voulait "faire tenir une ruche balzacienne sur la pointe aigüe de l'instant".
Dans cette ambition folle de faire tenir toute une journée dans un même récit, le texte de Rolin échappe à l'enchaînement lourd des causes et des effets, à l'intrigue, à la sainte connerie du point de vue et de la fabrique des personnages. Il offre cet à-plat de toutes les simultanéités ensemble, l'infinie horizontalité ouverte qui sort du temps pour frapper la conscience du vivre. Où le mot atteint parfois le souffle de la tempête.
Bien sûr au risque de l'illisible. Bien sûr au risque de la panique. Mais voilà : même en mode échec, même en mode maladroit, c'est cela, la littérature. On ne peut avoir d'autre ambition pour elle.