La mochitude des choses

Par Joelcrest @JoelCrest

Nous avons tous eu ce genre de réflexion, un jour où nous trompions l’ennui dans la file d’attente d’un cinéma. On regarde les affiches des films qui se jouent dans les salles voisines de la nôtre, et on se demande pourquoi tel film est encore à l’affiche. C’est vrai, on a déjà vu cette affiche des mois avant sur cette même façade. A moins qu’il ne s’agisse d’un autre film. Pourtant l’affiche ressemblait furieusement à celle-ci.

Et oui, ami lecteur, tu viens de toucher du doigt l’un des principes directeur du marketing cinématographique : une affiche immédiatement identifiable fait un succès assuré. Du moins, le pense-t-on …

Rejois-toi, ami lecteur ! En ce jour glorieux, je vais donc te dévoiler les secrets jalousement gardés par quelques avides marketeux désireux de faire preuve d’originalité dans la création des superbes affiches qui ornent les facades de nos multiplexes préférés.

Et c’est partie pour une revue du pire de l’affiche de ciné, à travers trois exemples édifiants, symptomatiques de la paresse créatrice de certains affichistes.

A tout seigneur, tout honneur, commençons par l’affiche de comédie. Ce spécimen est apparu dans les années 90 et a eu, ma foi, un bel impact sur les entrées ciné. Du moins, au début. La recette est d’une simplicité enfantine : prenez quelques têtes d’affiches (justement), face caméra, 2 ou 3, pas plus pour ne pas nuire à la lisibilité de l’ensemble. Ajoutez quelques accessoires permettant d’identifier les personnages, une bible pour le curé, un sac à main pour la shopping addict, un flingue pour le bad guy, et ainsi de suite.

Jouez sur l’attraction/antagonisme entre les personnages. Ici deux solutions : soit les personnages s’enlassent, soit ils se tournent le dos. Collez tout ça sur un fond blanc. Je ne sais pas pourquoi, mais le fond blanc, c’est le détail in-dis-pen-sa-ble, répété “at nauseam eternam” par nos chers affichistes  (la seule variante possible, le fond bleu, mais là, c’est généralement réservé aux kadmeraderies ou mickaelyouneries) !

Et vous obtenez au final une magnifique affiche de comédie !

Passons au cas du film de danse. Là, c’est encore plus simple. Forcément, c’est destiné aux teenagers, et dans l’esprit d’un producteur, un teenager c’est avant tout une usine à ingurgiter du pop-corn, donc une cible marketing potentiellement juteuse. On va donc lui faire passer un message simple, voire simpliste : sur l’affiche d’un film de danse figurent les silhouettes d’un couple de danseurs.

C’est tout ? Et oui c’est tout. C’est juste suffisant pour que le teenager en question s’imagine en train de fougueusement enlasser sa camarade de ciné, avec toute la fougue d’un Patrick Swayze ou d’un Antonio Banderas. Message limpide, clair, basique. Le succès assuré pour les “Dirty-Dancing-like” qui déferlent sur nos écrans chaque été depuis plus de 30 ans.

Nous arrivons enfin à la catégorie si délicieuse des documentaires écolo-animaliers-avec-vues-aériennes-à-couper-le-souffle qui nous font dire que, finalement, on est bien peu de choses, ma bonne dame. Admirons une fois de plus l’originalité du travail des créateurs de ces affiches, invariablement présentées sur fond bleu (représentant notre bonne vieille planète) avec souvent une pleine lune dans le fond (aucun rapport mais c’est joli).

Et toutes ces belles images si originales trustent 50% (à la louche) de la surface d’affichage des cinémas, culs de bus, et autres colonnes Morris depuis des années sans que ça n’émeuve personne ! Et si personne ne s’en émeut, y a pas de raisons que ça cesse !

Voilà, c’était TweeterPan qui vous parlait aujourd’hui de l’affiche de films, sa vie, son oeuvre. Lors de notre prochain colloque, nous étudierons le cas de la police Comic Sans, injustement boudée par la quasi-intégralité des bancs-titres de génériques de film. Quelle honte !


Filed under: Mémoire Tagged: affiche, comédie, docu-fiction