Neil Marshall débuta au cinéma avec le moyen Dog soldiers, revisitant le mythe du loup-garou en le plaçant dans le cadre d'un escadron de militaires en exercice dans la forêt. Le film s'avérera original mais inabouti. Le metteur en scène se fit ensuite un nom avec l'excellent The descent, jouant avec brio sur nos peurs primales (la peur du vide, du noir, la claustrophobie), le métrage s'inscrivant parmi les plus effrayants que nous ait offert la Grande-Bretagne ces dix dernières années. Ce fut ensuite au tour de Doomsday de débarquer sur les écrans, Marshall nous offrant un film post nuke totalement assumé et purement fun dans un esprit 80's jubilatoire, qui ne rencontra malheureusement pas le succès. Centurion, dernier film en date du réalisateur britannique, sorti dans un nombre ridicule de salles françaises au mois de juillet dernier, le privant ainsi de la possibilité d'exister sur grand écran (à l'instar du récent Amer), s'avère beaucoup plus faible que ses derniers opus, mais mérite cependant le détour, notamment pour sa seconde partie entièrement tournée vers le survival, qui donne au métrage un rythme et un intérêt qu'il avait peine à trouver.
Racontant l'histoire d'une garnison de centurions romains confrontée à une tribu du nord de l'Angleterre résistant à l'envahisseur (l'irréductible village gaulois n'est pas loin...), le film de Marshall constitue un morceau de pellicule extrêmement bancal. En effet, la première partie du film possède un rythme proche du néant, et la belle trogne du héros le rapproche davantage du bellâtre métrosexuel que du Romain belliqueux et sanguinaire. Par ailleurs, les pitoyables dialogues ponctués de "fuck" (en 117 après JC, ça le fait moyen), tendent à faire gentiment sortir le spectateur de l'histoire.
Heureusement, le film se rattrape dans sa seconde partie, dans laquelle une poignée de centurions, ayant survécu au massacre de leur garnison par la tribu des Pictes, se voit pourchassée par la peuplade locale après que l'un des Romains ait tué le jeune fils du chef de la tribu. Le film bifurque alors vers la chasse à l'homme plutôt bien menée, Marshall boostant le rythme du métrage avec ce qu'il faut de vengeance, de combats et de sang, à travers de très beaux paysages naturels.
Par ailleurs, Marshall nous propose un personnage de "pisteuse" plutôt réussi, incarné par Olga Kurylenko, mannequin de son état, qui s'avère plutôt efficace dans le rôle de cette femme muette et avide de vengeance. Son personnage de traitresse violée et mutilée dans sa jeunesse, rompue au maniement des armes, est suffisamment contrasté et doté d'aspérités pour être intéressant.
D'autre part, Marshall parsème son film de scènes sanglantes bien sauvages (tête coupée en son milieu, oeil crevé à la flèche, décapitations en plusieurs coups), qui apportent au film une sauvagerie réussie.
C'est donc un film en demi-teinte que nous offre Neil Marshall pour son nouvel opus, extrêmement décevant d'abord, très efficace ensuite. En tout état de cause, le réalisateur aime (se) faire plaisir, et parvient à ne jamais tomber dans le cynisme cinématographique lorsqu'il s'agit de postmodernisme, contrairement à nombre de ses confrères.