Par Oddjob
Après avoir défendu dans ces colonnes le dernier album de Darwynn Cooke (devenu le livre de chevet de toute la rédaction de Fury Magazine, Goudurix compris) et après avoir rappelé aux jeunes générations les grandes heures de Bernard Prince, le moment était venu pour moi de poursuivre mon entreprise de défense d’une certaine bande dessinée de qualité.
Certes… mais avec quel chef-œuvre ?
C’est alors que me revinrent les paroles de notre rédac-chef HKFF : "Après ton Bernard Prince / Alain Delon, quand est-ce que tu nous ponds un article sur Archie Cash / Charles Bronson ?".
Mouais !! J’avoue que les premiers titres de cette série B d’aventures bien couillues étaient plutôt efficaces et tranchaient avec l’humour de l’hebdomadaire de Marcinelle.
Non, il fallait que je m’attaque à une grande œuvre du 9ème art. Et cette fois, je repensai à Goudurix qui m’avait conseillé de m’atteler à Jijé et son Jerry Spring (faute d’avoir réussi à me convaincre de réhabiliter Vandersteen et son Bob et Bobette…).
Aussi, profitant de la sortie chez Dupuis des deux premiers tomes de l’intégrale de Jerry Spring et de son fidèle Pancho, je me replongeai furieusement dans ses aventures galopantes. Ma joie était d’autant plus grande que le charme opérait toujours, depuis mes premières lectures il y a plus de vingt-cinq ans. Les planches en noir et blanc magnifiant davantage encore le fabuleux dessin tout en mouvement et plans audacieux de Jijé. Et même si les scénarios étaient quelques fois entendus et d’un classicisme de bon aloi, l’intérêt de cette série était ailleurs : c’était le premier western hollywoodien en version bd (il demeurera l’une des rares réussites dans le genre avec Blueberry et Comanche !). Indiens, Mexicains, outlaws, Winchester, mustang, ranch… Tous les ingrédients étaient déjà bien là.
Mais surtout, Jijé avait eu l’extrême bon goût de donner à son héros les traits de Randolph Scott.
Randolph qui ? murmure-t-on du côté des plus de nos jeunes lecteurs avides d'expérience nouvelle.
Randolph Scott, le plus beau représentant du western de série B, le magnifique looser de Ride the High Country (Coups de Feu dans la Sierra) de Sam Peckinpah.
Car, voilà, ces deux géants, Jijé et Peckinpah, représentaient chacun dans leur art respectif, le côté aventureux et romanesque du western et sa face sombre et violente.
Et l’on ne nous fera jamais choisir entre Jerry contre KKK ou La Fille du Canyon et The Wild Brunch (La Horde Sauvage) ou le trop méconnu Major Dundee.
C’est ainsi. Nous continuerons à savourer tout autant l’intervention providentielle d’un Ruby (c’est un mustang...) volant au secours de son Jerry de maître, les élucubrations de Pancho, les fiers navajos défendant la route de Coronado, qu’une charge fantastique d’une troupe hétéroclite de yankees et de confédérés contre des lanciers français en plein Mexique juariste ou le dénouement crépusculaire de la bande de Bishop / Holden et la mélancolie dans le regard de Robert Ryan…
Et que dire des autres films de Peckinpah : le polar The Get Away (Guet Apens), le road movie Convoy (Le Convoi), le film de guerre Cross of Iron (Croix de Fer) ou le film d’aventure Bring Me the Head of Alfredo Garcia (Apportez-moi la tête d’Alfredo Garcia)… De vrais westerns modernes tout à la fois réac', anarchisants, antimilitaristes, intimistes et nostalgiques…
Alors, chargeons notre colt navy et en selle avec nos vieux oncles Joseph et Sam !