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Laurent Charles Boyomo Assala: 40 ans d’existence de l’Esstic, c’est une vie

Publié le 12 novembre 2010 par 237online @237online

Écrit par Mutations   

Vendredi, 12 Novembre 2010 10:10

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Laurent Charles Boyomo Assala: 40 ans d’existence de l’Esstic, c’est une vie
Nous devons entrer dans le processus de labellisation
Le directeur de cette école de formation dresse le bilan de son existence, évoque la qualité des enseignements, et trace quelques perspectives.
40 ans d'existence de l'Esstic, c'est une vie
Je pense qu'il y a au moins deux enseignements à tirer des 40 ans d'existence de l'Esstic. Il y a d'abord la solidité de l'institution parce qu'après 40 ans, on peut faire un bilan qui montre à la fois quels sont les progrès réalisés aussi bien au niveau de la consolidation du caractère pédagogique de l'école avec son inscription à l'université, qu'au niveau infrastructurel avec l'agrandissement de la capacité d'accueil, la modernisation de ses équipements ; et puis il y a ensuite l'intégration des modèles de formation dans les métiers de la communication qui ont cours dans la plupart des pays du monde. Nous sommes historiquement, au Cameroun, héritiers de deux cultures coloniales: la culture anglaise et la culture française. Je pense que l'Esstic, depuis l'Esijy en passant par l'Essti, a su mener les différentes mutations institutionnelles et juridiques qui l'ont traversée. Elle a su mener de pair les deux cultures toute en essayant de les inscrire dans le concret de la culture africaine.
En fait les différentes dénominations de l'établissement ne dévoilent pas vraiment les enjeux qu'il y a derrière les concepts. Le «I» de l'Essti renvoyait au journalisme, alors qu'aujourd'hui et depuis 1993, il signifie «information documentaire», le journalisme ayant migré dans la Communication, avec l'introduction de la publicité, de la communication des organisations et de l'édition dans l'offre de formation.

Quelles sont ces différentes mutations?
Comme vous le savez, l'Ecole avait été créée par sept Etats africains pour former en journalisme les élèves qui venaient de ces différents Etats. Avec l'intégration de l'Ecole à l'université de Yaoundé d'abord puis à Yaoundé II, l'Esstic est devenue une Ecole camerounaise ouverte aux autres Etats. On est parti d'une formation en journalisme dans les années 1970 - avec l'Esijy et l'Essti- jusque dans les années 1981 où intervient la première mutation 1981 ; la deuxième mutation celle de l'Esstic survient en 1991, mais elle ne se concrétise qu'en 1993 à la faveur de la réforme universitaire : c'est la troisième mutation. Mais aujourd'hui, l'Ecole continue de recevoir les étudiants des pays qui avaient participé à sa création. Beaucoup de défis ont été relevés dans ce parcours, des réalisations ont été faites au niveau infrastructurel, pédagogique, académique et professionnel, même si beaucoup reste à faire. En termes quantitatifs, entre 4000 et 5000 professionnels ont été formés à ce jour, et en terme qualitatif, l'effet sur la modernisation du paysage médiatique et communicationnel africain est indéniable.
Je pense ainsi qu'il y a aussi lieu de se féliciter que les trois quarts des personnes qui animent le secteur de la communication tant au Cameroun que dans un certain nombre de pays africain soient issus de l'école.

Quel est le contexte qui nécessité les mutations de l'Ecole ?
Le premier contexte est celui de la création. Des chefs d'Etat de sept pays africains se mettent ensemble et décident de créer une école de journalisme dont ils confient la direction à M. Hervé Bourges à qui je rends hommage. C'est donc lui qui a essayé de tenir autant que possible la formation de haut niveau des journalistes à l'Esijy comme cela se passait partout dans le monde. Un concours des Etats africains qui ont participé à la création de l'école, mais également la coopération à la fois française, canadienne et américaine ; comme vous le savez les premiers étudiants de l'Ecole passaient deux années au Cameroun et la troisième aux Usa, en France et au Canada dans les universités et dans les médias où ils effectuaient des stages. C'est le premier acquis historique. La deuxième mutation survient au moment où, du fait des crises économiques qui commencent à traverser le continent, un certain nombre de pays ne peuvent plus continuer de soutenir financièrement l'Ecole en envoyant notamment leurs étudiants et en leur octroyant des bourses. Dans un premier temps l'Etat du Cameroun tente de suppléer tant bien que mal à ces lacunes, mais est obligé de constater le caractère intenable d'un tel effort. Il décide donc d'introduire l'Esijy dans le système universitaire professionnel du Cameroun. L'Esijy devient donc l'Essti et cette mutation va courir jusque dans les années 1991 au moment où un autre décret décide de faire muter l'école de l'information en lui adjoignant la communication. Donc l'école devient une école qui ne forme plus seulement des journalistes mais également dans les métiers de la communication.

Quelle a été la conséquence directe de cette dernière mutation ?
Nous sommes en ce moment-là dans une configuration où l'Essti et l'Esstic sont en train de prendre connaissance des demandes de l'environnement africain en compétences et métiers de la communication, à la fois au niveau de l'Etat, mais également au niveau du secteur privé en émergence. Les mutations qui s'opèrent dans ce secteur le sont au niveau international, la demande de démocratie, d'ouverture, de pluralisme qui traverse le monde et notamment le développement des nouvelles technologies de l'information et de la communication, vont conduire l'Esstic à ouvrir de nouvelles filières à la faveur de la réforme universitaire de décembre 1993. A l'issue de celle-ci, un certain nombre de textes sont pris créant des universités d'Etat, et l'Esstic se trouve intégrée à l'université de Yaoundé II.

La mutation de l'école de journalisme à celle de la communication n'est pas toujours acceptée...
Je pense qu'il n'y avait pas débat. Disons que le double ancrage professionnel et académique universitaire de l'Esstic se trouvait complètement accompli, à partir du moment où le texte qui crée l'école l'intègre à l'université de Yaoundé II comme faisant partie de ses établissements. A ce niveau-là, nous avons tenu des assises qui ont permis de mettre en œuvre une formation universitaire de même niveau que les formations universitaires en information documentaire et en communication dans le monde. Et ensuite, il y a un ancrage professionnel, c'est-à-dire la nécessité d'ouvrir l'école vers les professions, les entreprises et les professionnels, vers les partenaires au développement, vers la coopération internationale. Ce sont là les missions de l'université c'est-à-dire la formation, la recherche et l'appui au développement. Donc il n'y a pas eu de débats sur cette question. Maintenant au niveau interne, il a fallu fallait revoir l'offre de formation pour la conformer à celui de l'université ; c'est-à-dire des unités de valeur, des unités d'enseignement tel que dans le système Lmd. Maintenant, il a fallu également surmonter ici et là quelques résistances culturelles, aussi bien des étudiants que de quelques collègues, mais cela est normal dans le contexte de toute innovation.

Certains enseignants et mêmes des étudiants se plaignent du sous dosage des enseignements professionnels au détriment des enseignements généraux.
Cela est possible, mais ils doivent bien comprendre la configuration de la chose. A partir du moment où on part du métier et des compétences du métier pour les dérouler en unités d'enseignement, on est obligé de considérer qu'une formation se déroule d'abord en cours pratiques liés au métier, certes, mais également un certain nombre d'enseignements à la fois complémentaires et transversaux qui constituent une unité d'enseignement, le tout formant un parcours. Par exemple pour être publicitaire, il faut bien que l'étudiant ait certes des connaissances théoriques sur la géographie, l'économie, l'histoire, l'anthropologie, le droit, la sociologie, la psychologie voire la langue. Mais ensuite, qu'il connaisse ce qu'est la publicité et les différents métiers qui la constituent, parce que le terme publicité est aujourd'hui générique, parce qu'il y a obligation d'avoir une vision transversale complémentaire et pointue. En somme, les enseignements généraux accompagnent la formation proprement professionnelle. Par exemple, si on écrit en français ou en anglais, il faut bien qu'on sache le faire correctement y compris en y intégrant les détournements que le génie d'un publicitaire peut englober, puisque le publicitaire n'est pas obligé de respecter les règles strictes de la grammaire, de la syntaxe ou du lexique. On a vu des publicités qui ont réussi, à partir de ce qu'on appelle la publicité ethnique ou bien le street-marketing, à opérer de fabuleux détournements de langue. Ce sont des métiers qui nécessitent la connaissance de la grammaire française ou anglaise avant de la détourner, de la transgresser ou de la subvertir. Tout cela fait partie des enseignements. Un journaliste doit connaître la géographie, l'histoire, l'économie, tout cela constitue des unités d'enseignement et les dosages sont opérés depuis la première année jusqu'au master. En somme, le système est pyramidal, c'est-à-dire que plus on monte dans la pyramide, plus on avance dans les niveaux, plus on devient pointu. Ce n'est pas au premier niveau qu'on apprend la stratégie publicitaire ou la réalisation publicitaire, mais en troisième niveau et voire en master. On est donc obligé de faire des dosages entre enseignements généraux, complémentaires, transversaux voire libres, au fur et à mesure qu'on avance dans la formation.

Dans les salles de rédaction, l'on est de moins en moins satisfait des prestations des produits de l'Esstic. Qu'est-ce qui explique cela ?
Je pense que les directeurs de publications dans les médias ont quelques raisons d'être inquiets parce qu'ils ont connaissance d'un passé peu glorieux. Il faut savoir qu'une école comme celle-ci est une société, qui a une dynamique. Même un individu ordinaire connaît des moments de déprime, de dépression, de doute, d'anxiété. Il peut lui arriver de connaître des moments de grand bonheur mais également d'être triste. Le contexte que nous avons traversé à l'Esstic est un contexte général au Cameroun. Vous savez très bien qu'il a bien fallu à un certain moment qu'on reconnaisse au détour des années 1985 que le Cameroun était entré dans une crise économique qui est devenue aussi une crise sociale. Des gens qui ont perdu leurs emplois, des entreprises ont fermé, des salariés se sont suicidés et des travailleurs ont dû se reconvertir y compris en acceptant la pratique de down-grading c'est-à-dire que dans la même entreprise un cadre, accepte de devenir agent de maîtrise. Pensez bien !

Cette explication est-elle suffisante ?
L'Esstic a ressenti cette crise parce qu'elle est dans cette société. L'Esstic vit d'abord des concours publics, c'est l'Etat qui la finance. Elle vit la crise de l'Etat. Nous l'avons ressentie à un double niveau : le premier c'est qu'à partir du moment où l'Etat ne recrutait plus automatiquement les produits de l'Esstic, que le privé était complètement grippé dans sa capacité productive et à absorber, cela s'est naturellement traduit par une baisse des fréquentations y compris au niveau des effectifs au concours. On est passé des effectifs de 2000 candidats à des effectifs de 300 ; aujourd'hui, nous sommes autour de 800. Le deuxième impact de cette crise est lié à la fois à la capacité d'encadrement, mais également à la capacité d'accueil. C'est-à-dire que le plateau technique n'était plus adapté, il n'y a n'y avait pas ou plus un bon studio télé, ni un bon studio radio, les équipements de presse écrite étaient complètement désuets, l'équipement informatique malgré l'aide de l'Unesco et de quelques partenaires au développement, n'était pas à bon niveau, les enseignants n'étaient pas suffisamment nombreux, et donc on peut comprendre qu'en ce moment là la formation s'en soit ressentie.

Qu'est-ce qui est fait pour rehausser cette situation ?
Depuis quelques années, nous nous sommes employés à remettre tout cela en place. Parce que les mutations dont je parlais ne sont pas seulement académiques et pédagogiques, elles sont aussi infrastructurelles. Aujourd'hui, sur le plan de la télévision l'outil est de très bon niveau, nous avons un équipement de télévision ultramoderne constitué de caméras et de bancs de montage, de la dernière génération, des micros-cravates, etc. Au niveau de la radio, Radio campus fonctionne, nous avons des bâtiments nouveaux, l'amphithéâtre a été refait, le Recteur a réfectionné ce qu'on appelait jadis ici « le poulailler », etc. Par conséquent je crois pouvoir dire qu'il y a un espoir qui renaît, une dynamique qui est relancée, il y a de plus en plus d'étudiants de très bon niveau qui sortent de l'Esstic. Maintenant l'Esstic ne déroge pas à la règle qui veut qu'il y ait toujours quel que soit le niveau de formation, des étudiants qui ne sont pas bons. Et je peux comprendre qu'un directeur de publication tombant parfois sur ce genre d'étudiant ou de lauréat de l'Esstic en conçoive quelque reproche. Mais je pense que les professionnels sont requis pour participer non seulement aux enseignements mais à la formation parce qu'ils assurent la formation après l'école. Donc les directeurs de publication sont eux-mêmes les formateurs de ces produits

Est-ce que l'Esstic a une politique qui assure à certains de ses meilleurs lauréats des places sur le marché de l'emploi ?
Au niveau des mutations administratives, nous avons créé un certain nombre de structures. Toute une cellule est en charge des stages et du suivi des anciens, ce qui nous permet aujourd'hui de donner quelques indications statistiques. Je peux par exemple vous dire qu'en terme d'insertion, 15 à 20% d'étudiants sont insérés dans le domaine du journalisme. Mais la filière journalisme à l'Esstic est en concurrence avec la filière édition, c'est-à-dire qu'un certain nombre de nos anciens étudiants en édition se retrouvent en journalisme. Ils sont employés au Messager, au Jour, etc. Nous savons par exemple que 10% de nos produits sont insérés en édition et dans les entreprises de publicité, que 20 à 30% le sont en documentation. Mais d'une part, les valeurs relatives ne traduisent que partiellement la réalité parce que la comparaison d'année en année rend compte qu'il y a une progression vraiment importante. D'autre part, les produits de l'Esstic sont en concurrence avec de nombreux autres étudiants venus de nombreux autres établissements publics comme privé, vu l'engouement et l'enthousiasme que soulève la communication au Cameroun et dans le monde. Mais nous restons optimistes dans la qualité de notre offre de formation, quoique modeste. La preuve en est le classement de nos étudiants au terme du concours de recrutement des journalistes à la fonction publique lancé récemment à la diligence du gouvernement : les trois quarts des candidats admis étaient sont issus de l'Esstic.

A l'âge de la maturité, quels sont les défis de l'Esstic aujourd'hui ?
Bien entendu quand on a 40 ans on n'a pas fini sa vie. L'Esstic a au moins trois défis : le défi international, celui de la région, et celui du pays. Au niveau international, l'Ecole a été primée par l'Unesco comme pôle d'excellence dans la formation en journalisme sur les 18 établissements en Afrique que cet organisme des Nations unies considère comme tel. L'Esstic fait par ailleurs partie du réseau Théophraste Renaudot, qui est un réseau des écoles de journalisme francophones du monde et même francophiles, qui s'assure d'un niveau de formation en journalisme, équivalent et conforme aux standards internationaux. Nous n'avons pas à rougir d'une formation en journalisme qui se déroulerait à Columbia aux Etats-Unis, à Moncton au Canada ou à Lille en France. Nous devons entrer dans ce processus de labellisation même si nous sommes déjà labellisé Unesco. Au niveau régional, ceci implique que nous assistions les formations régionales, au moins dans ce domaine.

Comment cela va-t-il se décliner concrètement ?
Grâce à l'Unesco, nous avons pu ouvrir un département de journalisme à l'université de Bangui qui est placé sous la tutelle de l'Esstic qui en évalue les formations et qui en forme les formateurs ; la première promotion est déjà venue et repartie, la deuxième est là actuellement. Nous avons également entrepris une mission de même nature avec l'université de Ndjamena et nous sommes attendus à Libreville pour la même opération. Nous avons été sollicités pour parrainer un certain nombre de formations ailleurs, ou des partenariats notamment au Congo et en Tunisie ; et nous avons développé des accords de coopération au niveau universitaire avec des instituts d'études politiques et les universités de Toulouse le Mirail, de Lyon2, de Paris 2, etc. Nous conduisons des formations en ligne dans le domaine de l'information documentaire avec l'Université Cheikh Anta Diop (Ecole des Bibliothécaires et Archivistes de Dakar). Notre défi est de faire basculer toute notre offre de formation dans une plateforme en ligne (sur Internet) pour relever le défi de l'espace et du temps, dans la dynamique du système Lmd. Nous sommes accompagnés dans ces mutations par notre hiérarchie, bien sûr, l'Université de Yaoundé 2, le Recteur de cette université, le Pr Jean Tabi Manga, et le ministre de l'Enseignement supérieur, le Professeur Jacques Fame Ndongo.
Au niveau local, nous avons à relever le défi de la consolidation de la formation en journalisme, en communication et en information documentaire. Nous sommes un centre de compétences, ce qui nous permet grâce à la mutation juridique de l'université, de compétir dans le cadre des marchés publics, dans nos compétences respectives. Nous avons déjà ainsi exécuté des marchés publics dans des administrations publiques camerounaises dans le domaine de l'archivistique (Minrex, Chambre des Comptes) et du journalisme (Sopecam) en appui au développement de leurs compétences respectives et spécifiques. C'est l'appui au développement. Notre place nous impose enfin, d'assister la plupart des formations en communication des universités. Par exemple, nous travaillons avec Douala pour le département Communication de cette université ; certains de nos étudiants qui préparent des doctorats travaillent à Dschang dans les départements considérés, nous parrainons enfin quelques Instituts privés d'enseignement supérieur (Ipes) au Cameroun et au Gabon.

Comment se fait la collaboration avec les autres établissements qui forment en communication ?
Comme je viens de le dire, certains comme l'institut Matamfen Supérieur nous ont déjà sollicités. Nous ne considérons pas notre présence comme étant concurrentielle à celles des autres établissements, mais plutôt comme complémentaire dans ces formations, étant donné que nous sommes l'opérateur historique de la formation en information documentaire et en communication au Cameroun.


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