Sommaire :
1. Gametypes
2. Mods
3. Armes
4. Arènes (le présent billet)
Il n’y a pas que des armes cependant, il y a aussi, et bien sûr, des arènes – ou niveaux, ou bien maps, ou encore boards. Ils témoignent ici d’un savoir-faire à l’époque très rare, où le niveau de réflexion requis pour conceptualiser de telles imbrications des passages, des salles, des différences de hauteurs, de placements des armes et des autres objets atteint une maîtrise et une complexité sans aucune commune mesure avec n’importe lequel des autres titres qui précèdent Unreal Tournament – et les Quake y compris d’ailleurs… Mais ils reflètent aussi toute l’inspiration première d’Unreal, toute l’originalité, la personnalité, la force de son univers.
Ainsi les temples en ruines côtoient-ils les usines désaffectées, les stations orbitales et les bases militaires, les reconstitutions de théâtres des opérations du passé comme ceux du futur. Les joueurs peuvent lancer des parties à bord de vaisseaux spatiaux déchirant l’hyperespace ou de châteaux Nali flottant dans les airs, autour de temples bâtis sur des astéroïdes en orbite ou bien dans les méandres de bases sous-marines, aux sommets d’arcologies si hautes que la gravité y est assez faible pour pouvoir y accomplir des bonds prodigieux ou encore au sein d’installations extraterrestres si titanesques et à la technologie si prodigieusement sophistiquée que leur but premier nous échappe.Toutes ces arènes se présentaient comme autant d’environnements qui exploitaient chacun à sa manière toute la richesse de la science-fiction et du space opera au lieu de se focaliser uniquement sur un thème bien précis. De sorte qu’à travers les diverses épreuves de ce Grand Tournoi, Unreal Tournament permettait surtout d’approfondir de façon considérable l’univers original d’Unreal, d’en renforcer l’aspect tangible, de lui donner une profondeur, une crédibilité comme on en voyait bien rarement à cette époque. C’était le triomphe de l’imagination pure sur la banalité et l’ennui du réalisme à tous crins, et chaque partie une invitation à un nouveau voyage dans l’espace comme dans le temps…Enfin, méritent d’être mentionnées les splendides compositions musicales de ces mêmes artistes qui travaillèrent sur Unreal – sans oublier quelques autres : Tero « Teque » Kostermaa, Kai-Eerik « Nitro » Komppa et Peter « Skaven » Hajba, qu’on oublia dans les crédits pour je ne sais quelle raison – et qui poussèrent Unreal Tournament vers des sommets de l’accompagnement musical rarement égalés, autant à l’époque que depuis. Bien plus orientée musique électronique – techno et indus’ mais surtout drum and bass, plus quelques morceaux de métal – que celle d’Unreal, cette bande originale accentue considérablement l’ambiance de fureur sans fin et d’ultra-violence du jeu.Sur ce point d’ailleurs, la bande son prise dans sa globalité reflète une somme de travail tout à fait impressionnante : ainsi le moindre bruit d’ambiance, les cliquetis des armes, les sons des objets qu’on ramasse, la folie furieuse des explosions et des détonations, les capacités du moteur à reproduire les échos dans les zones ouvertes, etc, posent une atmosphère tout à la fois palpable et unique qui contribue énormément à l’immersion dans le jeu. D’ailleurs, et pour me montrer tout à fait franc, je ne serais pas le premier à dire que la moitié de l’expérience Unreal Tournament vient de sa musique en particulier et de son ambiance sonore en général…Mais tout ceci, ou presque, reste de la littérature, car la véritable force d’Unreal Tournament réside dans la faculté qu’il laisse à ces joueurs de le modifier : si la version de l’éditeur de niveaux UnrealEd livrée avec la toute première édition commerciale du jeu était la même que celle d’Unreal, c’est-à-dire une version assez peu stable, le premier Bonus Pack proposait déjà la seconde version ; révisée de fond en comble, tant sur le plan de l’interface que des fonctionnalités, elle offrait des possibilités de création à l’époque jamais vues – non en raison de sa versatilité, mais plutôt de sa convivialité.Car jusqu’à ce moment, les outils d’édition de jeux vidéo restaient pour le moins sobres, voire franchement rébarbatifs, dont l’utilisation de telle ou telle fonction exigeait d’écrire des lignes de code entières dans un environnement très peu motivant, du moins pour des gens qui se préoccupent de l’esthétique – ce qui est la définition d’un artiste, d’un créatif. Libérée d’un tel carcan, la communauté Unreal produisit une quantité pas croyable de maps, de mods et de mutators ; beaucoup de ces créations étaient des conversions totales, c’est-à-dire des jeux à part entière. Et certains entrèrent même dans la légende, au point parfois de devenir des jeux commerciaux.Des compétitions de créations s’organisèrent où les participants redoublaient d’imagination et de créativité pour surpasser leurs rivaux dans la franche bonne humeur. Beaucoup de ces level designers amateurs convoitaient le prestigieux Ownage de CliffyB, cette distinction accordée aux meilleurs d’entre eux par l’un des principaux créateurs d’Unreal Tournament, et ceux qui l’obtenaient se voyaient vite considérés comme partie d’une élite – ce qui joua d’ailleurs un certain rôle dans l’affaiblissement de la convivialité de la communauté Unreal : ainsi vont les « puissants » qui abusent souvent de leur notoriété pour écarter ceux dont ils pensent qu’ils pourraient leur faire de l’ombre…Mais bien peu d’entre eux virent le véritable dessein d’Epic Games derrière ce « cadeau » que représentait UnrealEd et le lancement du Make Something Unreal Contest, cette compétition officielle du meilleur mod. Il s’agissait avant tout pour Epic de vendre des licences de leur moteur de rendu après tout, et dans ce but laisser aux joueurs le soin de démontrer les capacités de cette technologie à travers leurs propres créations représentait un sérieux gain de temps et d’énergie pour eux. Voilà pourquoi beaucoup de ceux qui ont fréquenté « de près » des gens d’Epic dans une collaboration d’ordre professionnel, ou assimilé, ne s’y sont pas laissés prendre deux fois – j’en sais quelque chose…Le succès d’Unreal Tournament se mesure à ses ventes – plus d’un million d’exemplaires vendus – ainsi qu’à ses ports sur Linux (1999), sur Mac OS et Playstation 2 (2000) mais aussi sur Dreamcast (2001) – mérite d’être mentionné que la version PS2 permet de jouer avec un clavier et une souris USB, ce qui est exceptionnel pour l’époque. Une telle réussite commerciale engendra bien sûr des séquelles et autres spin off, tels que les deux Unreal Championship pour la Xbox, qui jouèrent un rôle important dans la conception des suites directes Unreal Tournament 2003 puis Unreal Tournament 2004. Quant à Unreal Tournament 2007, ou Unreal Tournament 3, il vit le jour à la demande expresse de Midway, le nouvel éditeur d’Epic Games.Voilà donc comment Unreal Tournament devint une légende : en poussant la personnalisation du jeu dans ses derniers retranchements, y compris dans les éléments du HUD lui-même, mais aussi et surtout en innovant – le plus simplement du monde. C’était encore cette époque où tout restait à faire. Depuis, aucun de ceux qui ont porté ce nom illustre ne sont jamais parvenus ne fut-ce qu’à la cheville d’Unreal Tournament – même si il y en eut de très bons dans le tas…
Ce sont là aussi d’autres histoires, mais que je ne vous raconterais pas cette fois : après avoir parlé aussi longuement de l’original, il y aurait peu de choses à dire sur les copies…
Notes :
Ceux d’entre vous désireux d’en savoir plus sur la genèse du titre se pencheront avec bonheur sur l’article Postmortem: Epic Games’ Unreal Tournament, chez Gamasutra.
Bien que le développement d’Unreal Tournament soit abandonné depuis longtemps, des amateurs se sont vus confié par les créateurs originaux du titre le droit de proposer au public des patchs pour perpétuer la compatibilité du jeu avec les machines actuelles.
Si Unreal Tournament se trouve facilement dans sa version d’origine, une paire de rééditions sont elles aussi disponibles : Totally Unreal (2001, augmentée d’Unreal et Return to Na Pali) et Unreal Anthology (2006, augmentée d’Unreal, Return to Na Pali, Unreal II et Unreal Tournament 2004).
Unreal Tournament
Digital Extremes & Epic Games, 1999
Windows et MacOS, env. 3 €
- le site officiel de la franchise Unreal
- des sites d’information : BeyondUnreal (en), Unreal.fr
- un site francophone de ressources pour UnrealEd : Unreal-Design