Dominique Fernandez a publié cette année une biographie très émouvante de Tolstoï. Pas évident de bien comprendre ce personnage inclassable.
Ce qui est très frappant, quoique légèrement anecdotique, c’est le passage sur l’homosexualité de Tolstoï. Parce que évidemment non seulement il n’était pas homosexuel mais franchement hétérosexuel. Alors quid de son homosexualité?
D’abord les œuvres de jeunesse indiquent une admiration certaine pour la beauté masculine. Dans enfance aussi le garçon est en « admiration » devant son camarade Serge Ivine. Puis dans sa vieillesse il y a la relation avec son ami Vladimir Tchertkov qui suscite la jalousie de sa femme. Elle va même jusqu’à écrire:
» Léon Nicolaïevitch Tolstoï, mon mari est pédéraste. J’ai des preuves. Il ne s’en doute pas » Ses preuves, c’est, outre la soumission de son mari au bel officier, l’aveu consigné dans le journal de jeunesse de l’écrivain: « il m’est arrivé assez souvent de tomber amoureux d’un homme. (…) Je n’oubliais jamais la nuit où nous sommes partis lui et moi, et où, enveloppés sous la couverture, j’avais envie de le manger de baiser, la voluptée n’était pas exclue ». A relire et à ressasser ces lignes, elle ne doute plus des turpitudes de son mari.
Dominique Fernandez relate enfin une rencontre avec Stanislavski où Tolstoï avait était impressionné par de beaux et virils soldats. Alors lucidité de femme ou fantasme de l’imagination?
Ce qui est frappant chez Tolstoï et que décrit bien D. Fernandez c’est cette formidable « capacité à se renouveler à chaque époque de sa vie intellectuelle, ce mécontentement de n’être que ce qu’il n’était, ce besoin de voir ailleurs, d’oser plus loin, cet acharnement à piétiner aujourd’hui ce qu’il adorait hier, l’armée, le sexe, la littérature, la musique, c’est cette verdeur, cette insolence permanentes, qui sont la marque de Tolstoï, il échappe sans cesse à son personnage et choisit chaque fois de déplaire: cette déroutante allégresse dans le politiquement incorrect fait l’unité d’un esprit en apparence cahotant et instable. »
Ce n’est peut être pas la plus fidèle biographie de Tolstoï -il en existe tant est plus- mais certainement l’une des plus sincère d’un lecteur de Tolstoï qui voulait mieux comprendre ce fin analyste de ce qui nous fait des hommes.