Ce qui est bien avec Southside Johnny (de son vrai nom John Lyon) c’est que ce n’est pas le genre de gars qui se la pète. Jamais il n’ira faire son malin en s’essayant à un genre musical à la mode ou susceptible de lui ouvrir les portes d’une renommée qui le boude un peu alors que c’est un énorme artiste. Depuis au moins trente ans il trace son sillon tranquille, sans s’occuper du temps qui passe et à chaque fois qu’il nous revient avec un nouvel album c’est encore - « Bon sang, mais c’est bien sûr ! » - la claque assurée, comme une heureuse surprise qui n’en est pas une puisque c’est toujours bien. Comme aujourd’hui.
Le nouveau CD de Southside Johhny & the Asbury Dukes s’appelle Pills And Ammo et il a été enregistré dans le studio personnel de Bon Jovi. Si Bobby Bandiera tient toujours la guitare, il est épaulé par Andy York le guitariste de John Mellencamp et on note l’absence de La Bamba au trombone sans pour autant que la section de cuivres passe pour une bande d’asthmatiques, loin de là.
Le disque démarre sur les chapeaux de roue avec Harder Than It Looks, un titre dans l’esprit Stones, avec les guitares électriques et acoustiques qui cisaillent de part et d’autre du spectre sonore tandis que les cuivres donnent déjà leur puissance. La voix de Johnny rauque et voilée nous régale déjà. Sur CrossThat Line, le piano emballe le morceau mais les deux guitaristes ne s’en laissent pas compter et ferraillent dur pour attirer notre attention déjà bien accaparée par les cuivres qui réchauffent l’atmosphère. Woke Up This Morning nous ramène vers le blues à la manière des Jukes avec Johnny à l’harmonica et Andy York à la slide guitare, du nanan. On enchaîne avec Lead Me On, une ballade mid-tempo comme les aiment les rockers, émouvante sans mièvrerie où Johnny met son bel organe à l’ouvrage. Heartbreak City remet les gaz, riffs de guitares, voix féminines dans les chœurs (Lisa Fisher est dans le coup) et le batteur qui pousse tout le monde vers la sortie marquée urgence. Strange Strange Feeling, Johnny se racle la gorge et la joue mélancolique, l’orgue et une belle guitare se distinguent sans oublier l’harmonica qui pleure devant tant de beauté, « One day soon I’ll hear the angels sing » susurre Johnny mais nous, nous les entendons déjà. Avec Umbrella In My Drink changement d’ambiance, l’ami oublié Gary US Bonds vient pousser la chansonnette aux côtés de Johnny tandis qu’un banjo guilleret, le piano et les cuivres donnent une touche légèrement New Orleans à l’affaire. One More Night To Rock, ne tourne pas autour du pot déjà bien chaud et dégage un max dans la grande tradition de Southside Johnny et ses Jukes, tout le monde la ramène à un moment ou un autre, histoire de faire l’appel. Du gros son pour la scène, à n’en pas douter. A Place Where I Can’t Be Found nous permet de reprendre nos esprits et souffler un peu. Une belle ballade encore avec de délicates parties de guitares. Keep On Moving est dédiée au « Killer » et c’est effectivement dans la lignée des meilleurs titres de Jerry Lee Lewis, un pur rock’n roll avec le piano qui s’affole et les guitares qui répondent du tac au tac. Classique mais imparable. You Can’t Bury Me dépote au moins autant mais nous ramène dans les eaux du New Jersey, les guitares ont du mal à s’extraire du volume sonore de la section de sax, Johnny ne mégote pas pour s’économiser et gueule « A man needs hope and that ain’t asking too much ». Quand vient l’heure des adieux, Thank You clôt l’album en douceur, sans qu’on sache si c’est lui qui nous remercie de l’avoir écouté ou l’inverse, accompagnement à minima au piano électrique, Johnny s’interroge « I Don’t Know What You Think Of Me Now ».
La réponse s’impose d’elle-même, un très bon disque de Southside Johnny et ses Jukes, la production est parfaite, chacun est à sa place et sa voix tient encore la route, ce qui n’est pas l’un des moindres intérêts de ce CD qui va me tenir chaud tout l’hiver.