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Nebraska

Publié le 11 novembre 2010 par Les Alluvions.com
Nous trinquons à l'amitié. C'est déjà pas mal et Sarskia a même pensé à ramener des flûtes à Champagne en plastique. - Elles sont à usage unique, mais j'espère que nous aurons le droit, malgré tout, d'en boire un autre verre ! Dis-je en plaisantant.
Elle rit ! Sarskia rit enfin ! C'est un « hihi » discret, de petite étudiante de quinze ans regardant une bimbo être cocue en direct dans une émission de télé réalité, mais c'est un rire. Je ne cherche pas à la faire craquer avec mon humour, d'ailleurs, j'émet toujours des réserves concernant celui-ci ; me connaissant, je suis capable de dérapages incontrôlés à n'importe quel moment.
Pendant notre conversation, je lui parle un peu de bruits étranges et j'insiste lourdement à propos de vieilleries Françaises traînant à l'étage. Dans la seconde qui suit, Sarskia m'attend à la porte d'entrée, sa flûte de Champagne dans la main droite, les genoux en X, ( sans aucune envie d'uriner ) et me supplie telle une enfant gâtée :
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- Alleeeez ! Vieeeens, on va y faire un tour. J'adore les reliques et les bibelots anciens ! Vieeeeens !
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- Bof...Vas-y monte Sars', je te rejoins dans cinq minutes...
*
- NON ! Tu viens avec moi Laurent !
*
Je me pose à l'instant la question de savoir si, en astrologie, dans le carré de naissance de cette fille, on n'inventa pas juste pour elle, une planète Persuasive-manipulatrice. J'accepte donc son ordre et me dirige sous l’échafaud.
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- Précède moi Sarskia, J'ai une petite crampe au niveau du mollet gauche...
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- AH ? Ça te le fait souvent ?
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- Non, juste quand je bois du vin blanc chaud, mais ne t'en fais pas, commence à grimper là haut, j'arrive...
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- OK !
*
Sarskia entrouvre la porte séparant le couloir de l'étage et monte doucement l'escalier. Elle n'a pas l'air trop inquiète, et ses pas ne provoquent que quelques légers craquements sur ces planches souples de chêne. Sarskia, c'est 40,21 kilogrammes. Elle est plume, âme, amie définitive, s'imposant à l'instant dans le cercle très fermé des acariens. Caché derrière son pull de laine , je jette de temps à autre un coup d’œil timide par-dessus son épaule. Tellement timide,que j'en perd la synchronisation de mes pas et qu'un pli de bâche m'accueille, m'envoyant valser contre la porte de la chambre d'hôtel. Sonné, me tenant la tête à deux mains. je me relève et chuchote à Sarskia – C'est celle-ci... Elle pousse la porte :
*
- Oooh my God ! ! my God !! Ooooh my God !
*
- Sarskia ! Recule ! C'est la mort qui vient te chercher ! Jamais tu ne t'en sortiras vivante !
*
je recule de trois pas, des larmes crocodiliennes coulent sur mon visage.
*
- C'est un fantôme Sars' ! Je regrette de ne pas t'en avoir parlé, mais sors d'ici ! ! Par pitié !
* - My Goood ! Quel magnifique fauteuil Louis XIV ! Viens laurent ! C'est Français les meubles de France Louis XIV ! ( s'essaye-t-elle dans la langue de Molière )
Je pénètre dans la chambre, un « wooow » d’admiration s’empare de moi en voyant ce magnifique fauteuil Louis XIV.
*
- Pfuiit ! Superbe ! C'est bien Français, en effet...
*
- C'est tout ce que ça te fait Laurent ? C'est ton pays quand même !
*
- Je suis désolé sarskia, mais je le trouve laid, et rien que de penser que Louis XIV se faisait torcher le cul avec du coton par ses servantes tout en se tamponnant le visage de fond de teint, ça me refroidit...On va manger les pizzas ?
*
- OK ! Moi, j'aime. Je vais chercher mon appareil photo, je reviens tout de suite. Sarskia a décidé de me laisser seul dans cette pièce puante et angoissante. Avant qu'elle rebrousse chemin pour aller chercher son appareil photo se trouvant sûrement dans son sac à main, je tente une ultime manipulation mentale : - S’il m’arrive quelque chose, dis à ma mère que je l'aime ! Ça n'a pas l'air de fonctionner puisque Sarskia ne se retourne même pas. Elle doit déjà être en pleine réflexion, visionner l'endroit où il se trouve – Où l'ai-je donc mis cet appareil ? Je ne m'en sépare jamais...Il doit se trouver dans la poche intérieur de mon sac, près de mon Khôl...Avec les quelques bâtonnets de cotons-tiges propres. Me voilà, tel un chien guettant dans l’entrebâillement de la porte, le retour de son maître. Je crie une dernière fois :
*
- Une minute Sars ' pas plus hein ! Il 'y a trois mille chacals de morts au moins là-dedans ! Elle descend l'escalier, à mi-chemin entre moi et son sac à main. - Hmm...Peut-être se trouve-t-il avec le far à paupières...Ou dans la poche extérieur de mon sac, avec mon stick à lèvres...Mais l'ai-je bien emmené ce stick ? Puis elle sort de ses pensées et me répond en fin :
* - Oui ! J'en ai pour deux minutes Laurent ! Je vais chercher mon stick ! Heu...Non pardon, mon appareil photo numérique !
* Une minute se passe, puis deux...Je scrute le haut de l'escalier, attendant son retour puis, j’entends des pas. Quelqu'un monte lentement. Trop lentement. Lourds et fatigués, je ne reconnais pas ceux de Sarskia. Inquiet, je rentre rapidement dans la chambre et me cache derrière un buffet Henry quelque chose ( Sarskia nous le précisera plus tard ). Face au mur, je ferme les yeux. Les pas cessent un moment devant la porte ; il n'y a pas de bruit de bâche, pas de craquement, mais juste une marche triste et funeste. La porte s'ouvre. Je ne respire plus. Une voix rauque enfermé dans un souffle envahit la pièce. Je pense rapidement à un ami qui m'avait parlé d'une technique de combat dans un sport étrange s'appelant le Taekwondo. Il m'avait affirmé prendre la force de l'autre lors de l'affront. nous étions jeunes et je me souviens lui avoir dit :
* - Et si ton adversaire n'a pas de couille ? Tu prends quoi pour le battre ? Sa faiblesse ?
* Ça l'avait agacé et il avait poussé un petit cri, comme pour me prévenir qu'il ne fallait pas jouer avec les sports de combat, que c'était du sérieux. Je trouvais cette histoire aussi conne que la vie de Bruce Lee.
* -Prendre la force de l'autre, c'est du vol mec ! Je vais me chier dessus quand tu vas m'attaquer et la transmission sera immédiate ! Vexé par cette dernière provocation, il m'avait sauté à la gorge en poussant un cri stupide. Je ne me souviens pas qu'il se soit servi de ma force à un moment, mais ce dont je me rappelle, c'est d'avoir fait quarante-huit heures de garde à vue pour possession de marijuana. Quant à lui, il s'en est mieux sorti que moi ; il s'est servi d'une faiblesse momentanée des flics pour se faire la malle au beau milieu de la foule de la place Gambetta, Paris.
Face au mur, je souris bêtement de cette histoire et me maudis de ne plus avoir assez peur. Un silence, puis les pas s'éloignent enfin. Ils ne redescendent pas l'escalier, mais progressent doucement vers le fond du couloir, en direction des autres chambres. C'est justement là-bas que j'avais aperçu une ombre passer devant moi la veille. J'ouvre les yeux, me retourne en direction de la porte quand on la pousse violemment ; je sursaute et cherche rapidement du regard un endroit où je pourrais aller me suicider :
*
--Tu n'es pas mort ! Oh my god ! tu es pâle Laurent ! tu as vu un fantôme ?
J'enchaine en lui demandant de prendre un cliché rapide de ce putain de fauteuil et qu'on en finisse enfin. Elle s'exécute puis en profite pour me prendre en photo près du buffet Henry quelque chose...Joyeux, satisfaits tous deux, nous descendons l'escalier, récupérons nos flûtes au passage quand Sarskia s'arrête sur la dernière marche, se retourne et fixe le haut du couloir. Inquiet, je l'interroge :
*
- Qu'as-tu vu ?
*
- Un fantôme ! HiHi !
*
- ( silence nerveux ) Hin...?
*
- Non, je plaisantais. Je veux juste prendre une photo de ce couloir abandonné.
*
Sa voix est ferme et rassurante et c'est avec l'esprit paisible que je prends la direction de la bouteille chaude de Chablis. C’est Sarskia qui décide de faire le service. Elle insiste, car, me dit-elle « C'est un acte noble que de servir le vin Français » Peut-être s'imagine t-elle Marquise quelques instants ? Dubitatif, je laisse faire et tranche les pizzas à l'ide d'un cutter.( ce qui est moins noble, je l'avoue, mais pas réducteur non plus ) C'est juste un acte d'affamé, point.
*
Je rumine encore ces cinq minutes passées seul dans cette chambre puante, et je ne peux m'empêcher de lui rappeler qu'elle m'en avait promis « deux » :
- Tu m'avais dit deux minutes pour aller chercher ton appareil photo Sarskia...
-OK, désolé, j'étais dans la salle de bain, ce n'est pas grave !
Là, elle avait touché le point sensible, le nerf qui me ferait sortir de mes gonds :
-Ce n'est pas grave ? Mais Siiiii, c'est grave ! ! -
-Oh my God ! je suis désolé Laurent, je ne savais pas que tu aimais la ponctualité à ce point. Elle s'excuse, pose sa flûte sur la table et vient me caresser la nuque, histoire de me calmer un peu. Je prends ça comme des excuses silencieuses, alors je la laisse faire et lui pardonne sans mot dire.
- Sarskia, je vais te raconter la vérité...
- OK, je t 'écoute Laurent, mais si c'est pour m'avouer que tu es amoureux de moi, ce n'est pas la peine, car je suis...Comment te dire...Plus...
Je ne comprenais rien. Elle était "plus" quoi ?..Plus apte à comprendre une histoire au look paranormal ? Ou bien, avait-elle deviné une érection ( involontaire ) de ma part lorsque nous montions l'escalier menant à l'étage ? Sérieusement Inquiet, Je déglutissais difficilement et tentais d'en savoir plus :
*
- Tu es ?
*
- Je suis...Disons que...J'ai une préférence pour les femmes... A cet instant, mon corps se changeait en thermomètre, je faisais 55 degrés ; j'étais la dernière tomate d'été, rouge, flétrie par le soleil, et se sentant soudainement conne de ne pas avoir été cueillie fin aout.
*
Je suis comme Sarskia ! J'aime les femmes et je le dis sans aucune hésitation, contrairement à elle. Je tiens quand même à la rassurer et lui prend alors la main :
*
- Tu pensais réellement que j'allais tuer une amitié aussi forte que la notre Sars' ? J'ai de l'amour pour toi, c'est certain ! Mais pas comme tu l'as imaginé ! Avec les femmes, j'ai toujours privilégié la force de l'âme qui m'habite...
*
- Ah...Ça me rassure ce que tu me dis Là, Laurent
*
- Cette vérité, celle dont je te parle est bien loin du contexte sexuel.
*
- Mais ? Je ne t'ai jamais parlé de sexe !
*
Je capitule, abandonne et lui avoue que cette fameuse vérité relevait en fait d'une broutille due à une allergie aux acariens. Je ne voulais même pas, pour le moment, lui parler d'un quelconque fait paranormal. Sarskia pose sa joue contre ma main et chuchote :
*

o
- « Mon ami ». L'amitié, c'est tellement plus tendre.mais pour être honnête avec toi, je n'aime pas les femmes. je t'ai menti. C'est juste un masque pour me débarrasser des boulets insistants.
o
- Ah...Tu as raison Sars'. Simulant une quinte de toux, je lui lâche la main et me dirige en cuisine, maugréant quelques mots insignifiants ; de ceux qui butent la terre entière en un instant. Je n'ai plus de phrase à prononcer. J'ai juste envie, par lâcheté, de m'en prendre à quelqu'un d'autre qu'à Sarskia. Et ce quelqu'un d'autre, là, maintenant, c'est la terre et ses éléments continuant de s'acharner contre moi. Ils me font tourner en bourrique et se meuvent beaucoup trop rapidement autour de moi, me déstabilisant un peu plus.
C'est vers minuit que je la raccompagne jusque dans le hall. Elle me fait une bise amicale sur la joue puis ajoute : Tu es vraiment mon ami. Je ressens cette phrase comme une provocation. Je ne réponds pas et rentre chez moi. Mon ami ? Hmm...Je m'allonge sur le canapé, prend mon bloc de canson et retouche au crayon mon ami, Yipeepee.
o

Mon réveil indique trois heures quatorze du matin. Un bruit sourd, venant de l'étage me fait bondir hors du lit. Je marche un peu et vérifie les néons du chinois. Ils indiquent trois-heures dix-sept. Les yeux rivés au plafond, titubant un peu, encore en demi-sommeil, j'attends. Mais, mis à part quelques coups de klaxon rassurant sur l’avenue de Neverton, le silence, ici, est revenu.
Il est trois-heures dix-sept à mon réveil et je pique des huit dans mon salon. Dois-je monter là-haut ? Seul ? J'y renonce, mais me dis que même mille rats sautant en même temps d'une commode n'auraient pas fait autant de bruit. Trois heures vingt huit chez Zheng, je pose une oreille contre le seul conduit de chauffage menant à cette chambre. J'y entends comme un gémissement, une femme se lamente et marche de long en large dans la pièce. Tétanisé, je fixe le miroir du living et tombe encore sur ces fichus néons s'amusant à faire de moi un être multicolore. Devant cette glace, je passe du bleu au vert et du vert au rouge en un rien de temps. Cela me fait sourire, car j'ai l’impression de me retrouver dans un court-métrage d'Hitchcock.
Il ne manquerait plus qu'un orage soudain fasse sauter les plombs de l'immeuble et qu'un verre se brise sur le sol de ma cuisine. Si Sarskia était là, j'aurais eu droit à cinq ou six :
- OOH my God ! my God ! J’ai oublié mon sac à main à l'étage ! je reviens dans une minute Laurent ! Mais elle n'est plus là, alors, jouant avec les reflets du miroir, je pense à Lauren Bacall que j'ai tendrement aimé dans « le port de l'angoisse »... NON ! pas le port de l'angoisse, je le suis déjà assez. Il me faut penser à autre chose. Tom et Jerry ! voilà une pensée positive ! j'ai toujours rêvé que ce rongeur se fasse bouffer.
Des frissons me parcourent le corps, lorsque là-haut, ces pas fatigués traînent de long en large. Ils sont lourds d'ennui et me font partager un sentiment de prison intérieure. L'ennui de n'être plus rien....Beaucoup de seniors se préparent à la mort de cette façon, ils commencent le guet par la fenêtre de leur cuisine puis notent la ponctualité de leurs passants habituels ; le midi ils font une pause devant la télévision et s'endorment à treize heures.
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j'enfile une veste et choisis de m'aérer. Je vais marcher jusqu'à la station service la plus proche. Je risque de tomber sur quelques greffiers éboueurs, trieurs de denrées alimentaires ou "chats-pardeurs" comme les humains aiment les nommer. Les aires de repos, stations-services ou encore les gares, peuvent vous redonner le sourire ; il y traîne souvent des voyageurs en mal d'amitié, ou bien tout simplement des gens du voyage en pause, attendant qu'un terrain vague se dégage pour pouvoir s'y poser quelques mois. Montant l'avenue de Neverton, je croise un chat noir, puis deux. J'imagine que l’un porte malheur et l'autre conjure le sort…
Après vingt minutes de marche paisible, j'arrive sur place et glisse une pièce dans la fente du distributeur à boissons. C'est une bière tombant de quarante centimètres de haut qui vient s'écraser dans le fond d'un réservoir en métal. J'y glisse ma main droite, la récupère mais ne l'ouvre pas. Mon impatient voisin fait à peu près cent trente kilogrammes et il serait dommage qu'en la décapsulant, ce soit lui qui profite des premières giclées mousseuses. Je ferme un peu les yeux et profite de la brise soufflant sur les hauteurs de Béatrice.
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Mon voisin, ( le Jésus bien nourri ) semble lui aussi s’enivrer de cette brise asphalteuse. Le ventre bien en avant, il s'étire longuement les bras en baillant puis me demande :
— Salut Mec, tu viens d'où ? Fait frais hein ? t’as une gueule de français toi ! T'es français ? T'es routier ?
- Salut, Neverton, oui, oui, oui, non.
o
Je n’aime pas les français, il nous snob' et n'ont rien dans le slip ; j'arrive même à haïr mon grand-père mort en quarante-quatre quand c'est qui vous à défendu sur la plage...
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- ? ?
J'étais venu chercher la paix et voilà qu'un homme, barbu de surcroît, ne parlant même pas en parabole, venait me lécher la poire de quelques insultes dans un américain argotique que je ne saisissais pas vraiment.
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