Ce roman n'a pas usurpé son étiquette de : petit objet littéraire non-identifié ! Premier roman de Meg Rosoff, et quel roman ! Il ne ressemble à nulle autre lecture, il est sévère et sauvage, mystérieux et inquiétant, il dit des choses mais n'en dévoile pas la moitié, il est bizarre, très bizarre.
C'est l'histoire de Daisy, une new-yorkaise de quinze ans. Elle est envoyée par son père et sa nouvelle épouse en Angleterre, chez la tante Penn et ses quatre enfants. Tante Penn n'est pas beaucoup présente, et les enfants sont habitués à se débrouiller tout seuls. Leur maison est un refuge chaleureux, perdu en pleine campagne, où Daisy se sent comme dans du coton et cela lui convient plutôt bien. Et puis, tout bascule. Une bombe éclate dans une gare londonienne, le pays prend peur et se replie sur lui-même, les frontières sont fermées, la tante Penn est en déplacement à l'étranger, incapable de rentrer, les enfants vont alors vivre en autarcie.
Ce qu'il y a de terrible, et de génial, dans cette histoire, c'est la grande inconnue qui plane tout du long. Rien n'est défini, tout est décrit approximativement mais en des faits si véridiques et qui collent à toutes ces situations catastrophiques quand un pays entre en état de guerre. Ne pas savoir rend aussi le récit plus troublant et impénétrable. "On aurait pu interroger mille personnes sur sept continents en leur demandant ce qui se passait sans obtenir deux fois la même réponse ; personne ne savait au juste, mais on pouvait être sûr qu'un des mots suivants allait figurer dans leur version des faits : le pétrole, l'argent, la patrie, les sanctions, la démocratie."
Daisy nous raconte cette période inimaginable en des termes décousus et hallucinés, ce n'est plus une charmante partie de campagne avec premiers émois adolescents, c'est un rapport de survie et de colère. A quinze ans, Daisy est en crise avec la nouvelle femme de son père, qui attend un bébé, et inflige à son corps ce qu'elle ne parvient pas à exprimer. En Angleterre, elle rencontre Edmond (en plus de Piper, Isaac et Osbert), mais Edmond est le plus important, tous les deux peuvent se parler par télépathie, ils se comprennent, ressentent les mêmes choses. Et paf.
Naît un premier grand amour, oui ils sont cousins, mais leur relation ne m'a pas du tout choquée (je vous choque ?) car ce qui pourrait déranger est éludé, nous sommes dans quelque chose de beau, de doux, de tendre et d'évident. De plus, rien n'est facile à cause de la guerre. Viendra aussi la séparation, et franchement j'en ai eu le coeur fendu pour eux, car les conséquences sont affreuses !
Maintenant, c'est ma vie est un petit roman qui vous parle de violence, sans vous la claquer en pleine figure, et l'effet est tout aussi saisissant ! J'ai trouvé cette histoire émouvante et magnifique, très difficile à cerner ou à raconter, et c'est tant mieux.
Maintenant, c'est ma vie - Meg Rosoff
Editions Albin Michel, 2006 / Hachette Livre LdP jeunesse, 2008
255 pages - 5,50€
traduit de l'anglais par Hélène Collon