[Semaine thématique] Un petit apéro Gersois ?

Publié le 11 novembre 2010 par Wawaa

Entre amis, en famille, les gersois aiment trinquer et je ne pouvais pas passer outre les apéritifs gersois les plus connus lors de cette semaine gastronomique. Car la gastronomie ce n'est pas que se ravir du contenu de l'assiette, c'est aussi se délecter du contenu du verre… et dans le Gers, à l'apéro, vous avez le choix : un verre de floc blanc ou rouge ou un cocktail pousse-rapière.


"Le bouquet de fleur" gascon

Il est bien rare que je boive de l'alcool car j'ai toujours eu du mal à en apprécier le goût, le piquant, la sensation à son passage dans la gorge. Mais s'il y a une boisson qui me plait bien à l'apéritif c'est le Floc de Gascogne, qu'il soit blanc ou rouge.

Celui qui, au XVI è siècle, à eu l'idée d'en créer la recette soit loué ! On ne sait pas vraiment qui est à l'origine du floc, on sait juste que le floc est issu d'une tradition paysanne qui consistait à faire le simple mais non pas moins ingénieux  mélange d'1/3 d'Armagnac avec 2/3 de jus de raisin non fermenté. C'est donc un véritable héritage populaire puisqu'il  n'était à la base, consommé que dans les familles paysannes.

J'aime particulièrement son nom court et joyeux. Il donne l'impression d'être une enthousiaste petite goutte prête à réjouir le palais des gourmets. Floc signifie en gascon "bouquet de fleur", lo floc disait-on. Son nom lui a sans doute été donné pour les saveurs multiples qu'il dégage en boucle, sa douceur et sa couleur lumineuse. Évidemment, pour un produit du pays, "Floc" ne suffisait pas à lui seul ! Il fallait le rattacher à la terre où il a vu le jour, la Gascogne. Ainsi fût créé le nom de "Floc de Gascogne".

Le Gers possède aujourd'hui 4/5 du vignoble de production de Floc, la dernière partie étant divisée entre les Landes et le Lot-et-Garonne.

Il y a donc deux types de Flocs de Gascogne. Le blanc réalisé à partir des raisins blancs de type colombard, ugni blanc et gros manseng. Je ne développerai pas sur ces types de raisins car je n'y connais strictement rien ! Etant donné son côté liquoreux, moelleux, j'ose présumer que les vendanges pour la fabrication du floc blanc se font plutôt tardivement. Il se boit très très bien tout seul, on en apprécie la douceur, le côté sucré, et à juste titre, il accompagne aussi très bien le foie gras !

Le rouge, officiellement dit rosé, mais à qui on pourrait attribuer plusieurs nuances de couleurs comme le pourpre ou le rubis, est issu d'une foison de types de raisins. Je ne rentre pas dans le détail, comme pour le raisin blanc, je suis une grande méconnaisseuse.  Il se boit également très bien tout seul mais il peut accompagner certain plat : il remplace facilement le porto dans le demi-melon, et de Lectoure s'il vous plait le melon, se déguste très bien avec le chocolat et accompagne subtilement les fromages au lait de brebis…et on peut l'utiliser en cuisine !

Avant d'être mis en bouteille, comme les bons vins, le floc hiberne quelques mois dans un chai, le temps de s'affirmer. Il est ensuite bon pour être consommé. Il n'est pas sans rappeler son cousin le pineau des Charentes, fabriqué lui, à base de Cognac… Les charentes n'étant pas si loin de la Gascogne, il y a peut être eu une influence même si la recette n'est pas tout à fait la même. On dira que les grands esprits se rencontrent parfois !

Bref,le floc est un apéritif, certes, mais pas que pour l'apéritif ! Il peut accompagner certains plats et être utilisé  en cuisine. Personnellement, je l'utilise dans la réalisation d'un concassé de gésiers de volaille confits sauce au floc rouge et aux noix : je concasse les gésiers avec un mixeur, je les mets dans une casserole et j'ajoute de la crème fraiche et du floc rouge … évidemment avec moi tout est au pif ! J'obtiens un mélange que je garnis de noix ou de noix de cajou sur un lit de tomates ou concombre en dés !

Cocktail Amoureux ou Cocktail belliqueux ?

Bien connus dans le Gers et alentours, méconnus ailleurs, le pousse-rapière et ses coffrets tous prêts charment très vite le touriste qui veut rapporter chez lui une typique boisson gersoise et les verres qui lui sont associées. Personnellement je n'en raffole pas particulièrement mais pour ceux qui apprécient l'orange amère, ce cocktail devrait leur plaire ! Il est composé de deux ingrédients, le vin sauvage et la liqueur Pousse-Rapiere et est soumis à un dosage très précis.


Le vin sauvage, un vin de "méthode traditionnelle"

Et non pas de "méthode champenoise" comme l'explique le guide qui fait visiter le château de Monluc  où il est fabriqué. Si la Champagne n'a vu aucun inconvénient à ce que sa méthode soit utilisée ailleurs et à vendre ses levures pour la fermentation, il était impensable de parler de méthode champenoise puisque le Gers est bien loin d'être en région Champagne.

La fabrication du vin sauvage, qui est un mousseux, s'effectue en plusieurs étapes. D'abord on fabrique des vins de base avec les cépages dits Ugni-blancs et Gros Manseng. Ce qui aura été sélectionné sera mis en bouteille avec ce que l'on appelle la liqueur de tirage : c'est-à-dire l'association des levures pour la fermentation et d'une liqueur de sucre.

Il faut un an pour que la fermentation se fasse et qu'on obtienne un mousseux avec de belles bulles. Mais il reste les levures, qu'il faut éliminer en tournant les bouteilles régulièrement. Imaginez le travail qu'il y avait à abattre quand il y avait des milliers de bouteilles à faire pivoter chaque jour ?

René Lassus propriétaire du château dans les années 1960, qui est à l'origine de la champagnisation du vignoble de Monluc, a inventé alors un système ingénieux pour pouvoir tourner plusieurs bouteilles en même temps ! Le travail était alors moins fastidieux et les levures descendaient comme prévu vers le goulot des bouteilles.

Une fois ces levures là, on congèle le bout du goulot, on ouvre, et la pression expulse le glaçon où sont restées les levures. Cette dernière opération fait perdre du vin quand le bouchon s'en va, du coup on rajoute soit du vin d'une autre bouteille soit on y met ce que l'on appelle de la liqueur de dosage (vin et sucre). Selon qu'on veuille avoir un vin brut ou demi-sec on met plus ou moins de liqueur de dosage (plus il y en a et moins le vin est brut).

C'est par cette méthode donc, qu'est fabriqué le vin sauvage.

Poussons la rapière !

La liqueur de pousse-rapière est une liqueur d'Armagnac à laquelle on a ajouté des arômes d'orange amère mais dont la recette exacte et tous les autres ingrédients sont tenus secrets. Seul le château de Monluc le produit, et seul la famille Lassus qui détient encore le château en connait la composition. C'est encore René Lassus, dans un souci de créativité, qui a amélioré une recette traditionnelle de liqueur d'Armagnac… Il voulait au départ l'appeler le "pousse-amour", mais c'était un peu trop à l'eau de rose sans doute ! Alors il s'est souvenu des frasques de Blaise de Monluc, célèbre personnage guerrier  à qui le château a appartenu bien auparavant, et le rapière. Au XVI e, les hommes d'arme Gascon maniaient la rapière. Ce n'est pas une épée lourde comme celles qu'on imagine et qui étaient utilisées par Lancelot, Gauvin et leurs ennemis ! C'est une longue épée, fine, pointue, offensive, qui avait été ramené des campagnes d'Italie et qui est aussi la grand-mère de l'épée de notre d'Artagnan national. Lors des combats de rapières,  on utilisait l'expression "pousser la rapière", c'est-à-dire attaquer l'ennemi. Un clin d'œil donc, à l'histoire de la Gascogne et à celle de Blaise de Monluc qui maniait lui aussi la rapière avec brio…

Le cocktail Pousse-rapière

Pour réaliser  le cocktail Pousse-rapière, il vous faut donc, du vin sauvage, de la liqueur de pousse-rapière, une flûte à champagne ou si possible un verre spécial pousse-rapière. L'idéal et d'avoir gardé les deux breuvages au réfrigérateur et de faire son cocktail à la dernière minute pour garder la magie des bulles. D'un point de vue dosage, il faut 1/7 de liqueur pour 6/7 de vin sauvage. C'est là qu'intervient le verre spécial pousse-rapière puisqu'il permet grâce au motif de la rapière, de faire un dosage parfait. Il suffit de mettre de la liqueur jusqu'à la pointe de la rapière et de compléter de vin sauvage jusqu'en haut du pommeau.

Et pour faire les choses encore mieux, rien ne vous empêche d'ajouter une fine rondelle d'orange pour parfaire le tout !

Et sans faire le cocktail d'origine?

Le  vin sauvage peut être dégusté frais, au même titre qu'un mousseux, sans la liqueur. En ce qui concerne la liqueur, je pense qu'elle peut être utilisée pour parfumer des gâteaux, pourquoi pas pour un tiramisu … mais là encore, il faut aimer la saveur de l'orange amère !

N'oubliez pas que l'abus d'alcool est dangereux pour la santé et qu'il faut le consommer avec modération. Dégustez donc votre verre, prenez le temps d'apprécier !