Écrit par Cameroon Tribune
Jeudi, 11 Novembre 2010 07:55
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19h, un samedi à l'aéroport international de Yaoundé-Nsimalen. Les passagers arrivent au compte-gouttes dans le hall de l'aérogare, chargés de nombreux bagages pour la majorité. Après les dernières causeries avec les membres de leur famille venus les accompagner, c'est tout naturellement qu'ils se dirigent vers la salle d'enregistrement. Dès la porte, des policiers sont visibles. Certains vous saluent gentiment, d'autres vous interpellent, plus gentiment encore. Au vu des bagages que vous trimbalez, ils se proposent de vous aider à remplir les formalités d'enregistrement. L'un d'eux, qui voulait certainement proposer ses services, est surpris de voir un journaliste avec une petite valise. « C'est sûr que vous allez en mission, parce que ce n'est pas souvent qu'on voit des Camerounaises voyager sans bagages », lance le jeune policier. Mais quelques minutes plus tard, le fonctionnaire de police a plus de « chance ».
Une dame, d'un certain âge, arrive avec une demi-dizaine de sacs et valises et, à deux, des policiers en faction l'aident à traîner ses bagages au guichet d'enregistrement. Avant, ils ont pris la peine de récupérer les frais d'aéroport. Le montant est connu de tous, donc, pas moyen d'obtenir plus que les 10 000 F requis. Et tout de suite après, un coupon est remis à la passagère. Les facilitateurs la suivent tout au long des formalités et l'accompagnent jusqu'à la salle d'embarquement, telle une VIP. Ainsi, la dame passe tous les postes de contrôle sans être inquiétée. Même celui de la police des frontières, censé vérifier l'identité des voyageurs, et surtout si ces derniers ne transportent pas d'objets dangereux en avion. D'ailleurs, elle ne se doute de rien puisqu'elle tient, de façon très visible, son coupon. Sauf que ce coupon est faux et lui causerait des problèmes en cas de contrôle.
En effet, les 10 000 F que cette passagère a remis au policier n'ont pas atteint la caisse correspondante. Et selon des sources bien introduites à l'aéroport de Nsimalen, il y a entre 10 et 50 passagers sur chaque vol dont les frais de timbre d'aéroport sont ainsi détournés par les membres d'un réseau. Selon notre source, c'est au total « une dizaine de policiers, chargés du contrôle et de l'embarquement des vols à destination de l'étranger qui accostent les passagers et leur proposent le paiement en espèces de la taxe aéroportuaire». Une somme normalement réglée par le passager au bureau de la régie des recettes, contre l'apposition du timbre sur la carte d'embarquement.
De sources bien introduites, certaines compagnies aériennes en activités au Cameroun sont particulièrement touchées. Il s'agit notamment de Kenya Airways et Royal Air Maroc. Pour la dernière compagnie, les heures tardives d'embarquement seraient propices pour cette magouille, car les responsables ne sont plus très regardants entre minuit et 2h du matin, menacés par le sommeil. Quant à Air France, le nombre de passagers détournés de la régie financière est en baisse depuis quelque temps, du fait du contrôle de plus en plus rigoureux.
La traque s'organise
Depuis la découverte de ces magouilles, des actions sont engagées simultanément par les impôts et la DGSN pour démanteler ces réseaux.
De prime abord, on pense que la mafia organisée autour de la taxe aéroportuaire n'est que l'apanage des policiers en service sur le site. Tellement leurs agissements, vieux d'environ quatre ans, se font désormais au vu et au su de tout le monde. Cependant, des incohérences notées auprès de certains responsables des impôts approchés laissent penser qu'ils ne sont pas si non plus étrangers à la combine.
A la direction générale des impôts, on affirme que le régisseur actuellement en fonction à Nsimalen est menacé de mort parce qu'il refuse de tremper dans la magouille des timbres et aurait attiré l'attention de la Délégation générale à la Sûreté nationale (DGSN). Mais dans les services régionaux des impôts, le langage est différent. « Ce réseau était très actif jusqu'à pas longtemps. Les contrôles effectués par les services régionaux et la direction générale ont effrayé ces équipes qui ont de plus en plus de mal à détourner les passagers », affirme un des nos interlocuteurs. D'après cette source, le gap entre le manifeste des avions et les recettes perçues serait moins grand. Une affirmation que des sources bien introduites à la DGSN infirment. Après recoupement, 1,5 million de F ne serait pas arrivé dans la caisse de la régie de Nsimalen dans la semaine du 1er au 6 octobre dernier.
De manière habile, certains ont même essayé de détourner l'attention vers l'aéroport de Douala où la même gangrène aurait une ampleur plus grande. Mais si aux Impôts, on reconnaît l'existence de ces magouilles, des responsables estiment que les fonctionnaires de cette administration ont désormais une marge de manœuvre réduite, parce que régulièrement contrôlés. « Mais nous ne pouvons pas en faire autant avec les policiers qui dépendent d'une autre administration. L'action ne peut venir que de leur hiérarchie », souligne un responsable régional des Impôts.
A la DGSN justement, des actions ont déjà été engagées pour mettre fin à ce réseau. C'est ainsi que depuis quelques semaines, sur instructions de Martin Mbarga Nguele, chef de ce corps, une enquête a été ouverte pour faire la lumière. Actuellement, 16 fonctionnaires de police en service à Nsimalen sont sous le coup de procédures disciplinaires. Et déjà, on affirme que les recettes connaissent une remontée depuis le début de l'enquête. C'est ainsi qu'on est passé de près de 15 millions de F collectés dans la semaine du 1er au 6 octobre, à plus de 22 millions entre le 22 et le 31 octobre 2010.