Petit livre mais grande lecture !Avec cet ouvrage, j’ai fait un rapide voyage dans le temps et dans Paris, le Paris du lundi 6 décembre 1954, jour de la remise du Prix Goncourt à Simone de Beauvoir ! Rien de plus et rien de moins : le récit d’une seule journée, celle vécue par le narrateur, Gérard Cohen, garçon de courses chez Gallimard, qui doit relier avec sa moto le centre de la capitale à la ville de Meudon dans cette banlieue où vit reclus le «réprouvé» Louis-Ferdinand Céline pour lui porter l’enveloppe contenant l’argent de son éditeur. Il perd son temps, flâne, tourne et se retourne, ici et là, avant d’entreprendre enfin cette longue course du Boulevard Saint-germain jusque par delà la Seine sur la colline où vit celui qui est déjà considéré comme le plus génial des écrivains antisémites mais qu’on ne fréquente surtout pas et auquel on refuse le prix du jour. A 24 ans, le jeune homme, pourtant fils d'un proche de Gallimard, n’a pas encore trouvé sa voie dans ce milieu littéraire qu’il fréquente et qu’il ne cesse d’observer, entre l’admiration et le mépris, quand personne ne se gêne devant lui et qu’il navigue constamment entre passé et futur, entre ses souvenirs de guerre d’enfant demi juif caché et finalement sauvé et ses aspirations à un avenir différent! Ai-je vraiment aimé ce livre? Oui pour tout ce qui est évoqué de la ville, des milieux littéraires opposés, des souvenirs de la France occupée, et pour la manière légère, par petites touches, l’air de rien , mais pour en dire beaucoup plus qu’il ne semble. Cette lente déambulation dans le Paris de Gallimard 1954, de Léautaud, de Simone de Beauvoir, de Sartre et surtout de Céline semble se terminer un peu platement dans un cinéma très fréquenté où le héros passe sa soirée mais en réalité sa décision est enfin prise qui doit changer sa vie. Cette journée d’errance aura été décisive. Roman initiatique, voyage intérieur, style aisé, voire agréable... oui,j'ai bien aimé!
"Je ne suis pas l'un d'eux,quels qu'ils soient. Je ne le serai jamais. J'ai beau faire des efforts, mentir , me cacher. Tout n'est que travestissement. Je suis comme amputé des hommes. C'est la certitude viscérale de ma propre étrangeté qui m'a permis jusqu'alors de gagner la confiance d'autrui. Je ne dérange pas. N'étant pas des leurs, j'ai facilement pu devenir un confident, un messager. On m'a prêté du talent, mais on ne prête qu'aux riches et mon seul nom me tient lieu de fortune. Je suis un animal dont on caresse l'encolure, rien qu'un élément du décor. Il est pourtant loin le théâtre!"Le Réprouvé de Mikaël Hirsch, Éditions : L'Éditeur, 2010, 185 pages