* Plus le dollar chute suite à l’annonce du QE2, et plus le prix des produits de première nécessité augmente (daily finance).
* Le QE2 est d’abord une taxe sur les plus pauvres, dont ces produits représentent la plus grosse part du budget (ZeroHedge)
* Bill Gross, CEO du fonds PIMCO : Le QE2 va faire perdre au moins 20% de sa valeur au dollar. Gross estime que l’économie US est entrée dans une phase de Ponzi, où la dette arrivant à échéance est financée en monnaie de singe.
* Charles Hugh Smith : 900 milliards de QE2 ne peuvent rien pour freiner une chute de valeurs potentiellement surévaluées de 15 000 milliards. Quand bien même la doctrine « Bernanke », à savoir tenter de « reflater » les actifs américains pour créer l’illusion de richesse, serait sensée, ce qui n’est pas le cas, on n’arrête pas un tsunami avec une murette.
* Divergences à l’intérieur de la FED : le patron de la FED de Dallas, Richard Fischer, ne croit pas dans la réussite du QE2 : »la solution aux maux de l’économie américaine n’est pas monétaire, elle est budgétaire ».
* Les Allemands (par la voix de W. Schäuble) ont fait savoir que la politique de la FED leur semblait « insensée », traduction mal rendue de « ratlos ». Visiblement, le « project Weimar » de Bernanke ne leur sied guère…
* La meilleure synthèse des arguments des « anti QE » : « 9 raisons pour lesquelles le Quantitative Easing est mauvais pour l’économie », un article suivi d’un slide. Simple mais complet.
Commentaire personnel : le QE2 emmène les USA vers une catastrophe
Longtemps, les « inflationnistes » et les « déflationnistes » se sont écharpés pour savoir si les politiques de QE de la FED pouvaient ou pas relancer l’inflation. L’éclatement de la bulle immobilière est un phénomène ouvertement déflationniste : c’est une force qui tend à réduire fortement la masse de crédit, donc la quantité de monnaie en circulation. Le raisonnement des déflationnistes est de dire que jamais le QE ne sera suffisant pour compenser les effets de cette déflation.
Oui, mais voilà, le gouvernement a décidé d’une part, de nationaliser une part très importante de ces pertes privées, limitant de fait le volume de la déflation par le crédit, et d’autre part, le QE, s’il est faible par rapport à la dévaluation passée et probablement futur des actifs (immobilier, actions, et sans doute nombre d’obligations) de l’économie américaine, n’en constitue pas moins une augmentation considérable de la « base » monétaire en circulation (multiplication par 4 du bilan de la FED depuis les niveaux d’avant QE1).
Ce que l’on observe, est que la déflation a d’abord touché les actions et l’immobilier, c’est à dire les actifs qui avaient le plus profité de la bulle. Rrappelons que la récente remontée récente du Dow Jones (ou du CAC) ne compense que la moitié des pertes subies depuis les points hauts de 2007.
D’autre part, le « deleveraging bancaire », anticipé et analysé à maintes reprises sur Ob’Lib’, tend à provoquer une déflation des biens échangeables largement fondés sur le crédit : immobilier, automobile (malgré les rebonds des ventes plus ou moins subventionnés, les niveaux de ventes restent inférieurs à leurs records d’avant crise), et moindrement, le gros équipement de la maison.
En revanche, la mise à disposition de ces mêmes banques de liquidité à bas prix (politique des taux zéro, rachats de MBS, et maintenant QE) leur a permis de se lancer dans des investissements plus ou moins spéculatifs leur permettant de regonfler un peu leurs fonds propres avant de devoir continuer à enregistrer leurs pertes immobilières. Comme le disent nombre d’économistes, la FED peut décider d’augmenter sa base monétaire, elle n’a aucun moyen d’en choisir la destination. Et au final, c’est sur le principal marché « non dépendants du crédit », celui de l’alimentation, du textile et de l’énergie, que les effets du QE se font sentir, sous la forme d’une hausse des prix, hausse dont l’indice des prix officiels américain (CPI) ne rendra pas bien compte puisqu’il a été modifié au début du millénaire pour… Atténuer les effets de la volatilité des prix alimentaires et de l’énergie.
Une phase inflationniste durable ?
Cette tendance inflationniste sur les prix à la consommation est à mon avis dangereusement durable. En effet, le QE2, de 900 milliards (600 directement + 300 de rachats de titres toxiques, dont des MBS) sur 9 mois correspond à la monétisation de la quasi-intégralité de la dette publique nouvelle américaine sur cette période (1200 milliards en rythme annualisé, presque la totalité du déficit). Et l’état américain, contrairement aux banques, ne stocke pas le cash pour spéculer avec, mais le dépense. Aujourd’hui, seulement 57% des dépenses de l’état fédéral sont financées par l’impôt, et 43% par des dettes nouvelles qui s’ajoutent au renouvellement des tranches précédentes. Et faute d’une sévère coupure dans les dépenses publiques, qui ne se produira au mieux que pour le budget 2012, il n’y a aucune raison de penser que le QE s’arrête à la version 2 : le QE traduit d’abord, à mon avis, la crainte d’une incapacité du gouvernement et de la FED de trouver des emprunteurs à taux raisonnables pour la dette américaine, et comme les déficits ne s’arrêteront pas du jour au lendemain, le QE2 sera suivi par un QE3, et ainsi de suite.
Cette crainte serait elle exagérée ? Tiens, au fait :
* L’agence Dagong (agence de notation officielle chinoise) dégrade à nouveau la dette américaine, motivée par les craintes que le QE2 suggère et sur la solvabilité et sur la conservation de la valeur des bons US dans le temps.
Contrairement à l’argent du QE1 qui a en grande partie servi à reconstituer les fonds propres des banques en faillite, mais sans trop alimenter le crédit privé, de toute façon en baisse sensible, deleveraging oblige, l’argent du QE2 et des possibles QE3 et de suite, ira directement au moins en partie alimenter les commodities markets. Si la bulle chinoise, de son côté, n’explose pas dans les prochains mois (cf. cette brève analyse), alors les matières premières et l’alimentation seront les premières cibles de l’inflation, ce qui allumera de nouvelles tensions dans les pays les plus pauvres. Par contre, si les tensions sur l’économie chinoise se traduisent par un éclatement de bulle proche, la claque ramassée de ce fait par les « commodity markets » pourrait compenser l’effet inflationniste du QE au moins en partie. Mais le moins que l’on puisse dire ici est que ces prévisions sont assises sur des sables mouvants.
Alors certes, peut être que « le CAC40 va profiter d’un rebond technique » ou que « les opérateurs vont saluer le QE2 en faisant gagner quelques points au Dow Jones« . Mais ces gains seront uniquement, à mon avis, de courte durée, spéculatifs, et ne traduiront qu’une appréciation des actifs par rapport au dollar. En effet, si les commodities voient leur prix augmenter, mais que les marchés « dépendants du crédit » restent atones, alors les entreprises des secteurs des biens d’équipement vont devoir fortement comprimer leurs marges pour ne pas répercuter intégralement toutes les hausses sur les métaux, les terres rares, les plastiques, etc…
Mon scénario de juin 2009 va-t-il se confirmer ?
Voici ce que j’écrivais à l’époque :
Mon pronostic : la déflation n’est pas durable dans un cadre gouvernemental hyper-interventionnisteSi je pense que le scénario inflationniste finira par s’imposer, tout en étant incapable de dire quand, c’est parce qu’il me semble que toutes les réactions politiciennes à la crise poussent en ce sens. Il ne serait pas le plus probable si l’état intervenait pour une fois peu sur le déroulement des événements, mais nous savons que ce n’est pas le cas.
Le choix de la monétisation à outrance de la dette par la FED finira par renverser la tendance déflationniste naturelle lors de l’éclatement d’une bulle de crédit. Et la récente flambée des « commodities » laisse penser que ce renversement de tendance est en train de se produire en ce moment.
La seule chose à faire dès à présent pour tenter de sauver ce qui peut encore l’être serait de forcer un déleveraging massif et rapide des banques et des ménages (sujet abordé à maintes reprises sur Oblib, exemple). Paradoxalement, le Foreclosuregate procure au gouvernement une fenêtre d’opportunité unique pour forcer ce mouvement, dans le cadre des procédures de mise en redressement prévues par la loi Dodd-Frank. Conjointement, l’état fédéral ne pourra guère échapper à une coupe de… 43% de son budget (moins l’inflation…), sur plusieurs années s’il le faut, mais de façon volontaire et crédible, pour ne pas aggraver la dette existante et rassurer les créditeurs sur la capacité des USA a repayer leurs dettes en vraie valeur, et non en monnaie de singe.
On n’en prend pas le chemin…
Article paru initialement sur ObjectifEco