La Carte Musique fonctionne comme un chèque-cadeau financé par l’État à auteur de 50%. Après inscription sur le site officiel de la Carte Musique, le bénéficiaire peut télécharger pour 25 euros de musique sur la plateforme de son choix, la quantité téléchargée pouvant varier du simple au double selon le distributeur. Pour justifier le coût du dispositif – 25 millions d’euros –, le gouvernement invoque la nécessité de lutter contre le téléchargement illégal, des consommateurs que l’on aide à acquérir légalement leurs morceaux préférés n’ayant a priori aucune raison de recourir aux réseaux de peer to peer.
Mais de qui se moque-t-on ? La Carte Musique sera inefficace contre le téléchargement illégal, premièrement parce qu’elle n’est censée bénéficier qu’à un million de « jeunes » sur plus de dix millions (premier arrivé, premier servi), deuxièmement parce qu’il n’existe aucune relation de cause à effet entre le manque de moyens et l’ampleur des téléchargements illégaux. En plus d’être inefficace, la Carte Musique est injuste dans son principe, qui consiste grosso modo à payer au « jeune » la moitié du montant des biens qu’il n’hésiterait pas à voler.
Il ne s’agit pas là d’une mesure isolée. Car notre Ministre de la Culture aime les « jeunes ». Il l’a prouvé le 24 mars 2010 en lançant la première journée – nationale pour l’instant – du slam, cette « forme d’art qui permet aux jeunes quelques fois un peu intimidés par la culture d’exprimer leur créativité et de se rapprocher du monde de la culture ». Il le prouvera encore en 2011, son budget ayant enregistré une hausse de 2,1%, s’élevant par conséquent à 7,5 milliards d’euros.
Et malheureusement pour le contribuable, l’État n’a pas le monopole du jeunisme. Automne 2009 : allocation de plus de 13 000 euros par les communes de l’agglomération grenobloise et le Conseil général de l’Isère à la réalisation d’une fresque sur la façade d’une maison vouée à la démolition. Mars 2010 : subvention de 18 000 euros octroyée par le Conseil régional des Pays-de-la-Loire à la cinquième édition du festival de musique « métal » Hellfest. Juin 2010 : organisation d’un tournoi intercollégien de slam par le Conseil général de la Marne. Octobre 2010 : soutien de la mairie UMP de Bordeaux, du Conseil général de Gironde et du Conseil régional d’Aquitaine à la réalisation d’un clip de rap, donc de musique « jeune », ouvertement méprisant de l’ordre et des lois. Ce sont là des exemples parmi d’autres.
Les mesures en apparence les plus raisonnables ne sont pas moins suspectes. Le 14 octobre dernier, le ministère de la Culture a lancé la deuxième édition de l’opération « Mon journal offert », dont l’objectif est de faciliter l’accès des jeunes de 18-24 ans à la presse écrite en finançant la moitié du coût total de leurs abonnements (210 000 au total) auprès des 62 quotidiens partenaires de l’opération. 15 millions d’euros ont ainsi été débloqués sur trois ans pour cette « campagne d’abonnement gratuit ». 15 millions de subvention à une presse écrite en crise qui refuse de comprendre l’origine de ses difficultés.
Mais cette aide publique ne troublera pas la bonne conscience des principaux intéressés, qui ne voient pas de contradiction entre subventions et indépendance. Ainsi le directeur de L’Humanité Patrick Le Hyaric prétendait-il en 2002 que jamais l’octroi d’aides publiques n’avait interféré dans le contenu de son journal. La croyance – pour le moins inattendue de la part du dirigeant d’un journal communiste – que le contenu d’un journal n’est pas dicté par son capital explique sans doute pourquoi les journalistes hostiles au président Sarkozy n’ont pas critiqué le cadeau de 600 millions d’euros fait à la presse française lors des États généraux de la presse de 2009…
Que se cache-t-il donc derrière ce culte ambigu de la jeunesse et de la culture ? En premier lieu, la fascination de l’élite politique pour une classe d’âge qui la méprise. En second lieu, l’intérêt bien compris de ceux qui vivent, ou plutôt ne parviennent pas à vivre, de leur activité. Mais surtout, à la jonction de ces deux vices, le mépris du contribuable et la croyance faussement innocente que l’on peut tout faire avec l’argent public.
Article repris du Cri du Contribuable avec l’aimable autorisation de Roman Bernard