Lady Snowblood (Shurayuki-hime)
de Kazuo Koike et Kazuo Kamimura
1972-1973 - France : 2007, Kana Sensei
L'histoire :
Japon, début de l'ère Meiji. Lady Snowblood Oyuki est une tueuse à gages. Nul ne sait son vrai nom, d'où elle vient, quelle est son histoire. Mais dans le milieu, les initiés savent qu'elle est implacable, et imbattable à l'arme blanche. Et qu'elle n'échoue jamais. Aussi belle qu'intelligente, elle use de tous les moyens pour manipuler ses victimes et parvenir à ses fins. Parallèlement à ses contrats, elle poursuit en réalité un but connu d'elle seule : accomplir la vengeance, pour laquelle elle est née.
Vingt ans plus tôt, sa mère était emprisonnée à vie, pour avoir tué un homme qui venait de la violer, et qui avait assassiné son mari et son fils avec l'aide de complices. En prison, elle mit au monde une fille, Oyuki, et avant de rendre son dernier souffle, elle fit promettre aux autres co-détenues de l'élever dans la haine des hommes responsables de son malheur. Ainsi naquit Oyuki, Lady Snowblood.
Ce que j'en pense :
Quand je l'ai découvert, en 2008, Lady Snowblood fut un véritable choc. J'étais encore plus newbie qu'aujourd'hui, et je ne connaissais rien au style gekiga, ce style de manga adulte typique des années 60-70, dont les représentants furent Hiroshi Hirata, Yoshiharu Tsuge, Tatsuhiko Yamagami, et, donc, Kazuo Koike et Kazuo Kamimura.
Certes, le scénariste, Kazuo Koike, est un maître reconnu (je n'en savais rien) pour au moins deux de ses nombreuses histoires, Lone Wolf and Cub, et Crying Freeman ; mais c'est vraiment le trait de Kazuo Kamimura qui a pour moi été une authentique révélation.
J'y ai reconnu, sans m'en rendre compte immédiatement, le style du Ukiyo-e, les "images d'un monde flottant", notamment du maître Utamaro, mais aussi de Hokusai, qui porta le style à son apogée (comme à son chant du cygne). Ce style est particulièrement reconnaissable dans les portraits de la belle Lady Snowblood, dont la beauté froide et délicate semble tout droit sortie d'une estampe de l'ancien temps. Il est aussi visible dans les paysages, à la fois précis et stylisés, dans des cadrages d'une rare sophistication (cf. le paysage à gauche).
Les scènes sont souvent d'une grande violence, ou d'un érotisme torride, parfois les deux en même temps, mais ne basculent jamais dans la vulgarité, ni gore ni hentai. Au contraire, si ça tranche, si ça saigne, si ça gicle, c'est toujours avec un incroyable raffinement du trait, qui rend les scènes aussi belles qu'oniriques. Alors, bien sûr, il y aurait beaucoup à dire sur la gratuité apparente de telles scènes, d'autant que l'immoralité de l'héroïne n'est pas faite pour rassurer. Mais curieusement, grâce à ce dessin qui bascule au-delà du réalisme, ces scènes ne m'ont pas choqué (pourtant je suis un peu "petite nature"), et s'enchaînent de chapitre en chapitre comme une véritable saga, qui s'apparente au cinéma de sabre classique, et aux films de Kurosawa, bien entendu.
Le succès de la parution française de Lady Snowblood a conduit à la réédition d'autres oeuvres des auteurs, et surtout de Kamimura (Koike était déjà connu), comme Folles Passions, Lorsque Nous Vivions Ensemble, et récemment, en 2010, L'Apprentie Geisha, dont je vous reparlerai prochainement.
C'est en partie grâce à Lady Snowblood que je suis tombé dans le tonneau sans fond du manga. Je n'ai pas fini d'y boire, et il n'y aura pas de druide pour m'interdire de continuer, sous prétexte que "non, pas toi, tu es tombé dans la marmite quand tu avais quarante ans".
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