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Portrait n°23 : Sa Majesté des Abeilles

Publié le 10 novembre 2010 par Toreador

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Par Toréador | novembre 11, 2010

La plate-forme e-blogs m’avait demandé de rédiger des portraits de blogs, indépendamment du centième wikio. Finalement, ils n’ont pas voulu publier. Voici le texte.

Maya, un cas, etcetera

Le blog du Monolecte débute avec un gros plan sur une abeille solitaire qui va butiner. Quand on connaît le sort de ces insectes hymenoptères, décimés par milliers par les aérosols, on se dit que sa représentante la plus connue, Maya l’Abeille, porte bien son nom. Quoi de plus représentatif en effet que le souvenir d’une Civilisation disparue pour symboliser une espèce en déclin ?

Mais je m’éloigne de mon sujet.

Si je vous parle de Maya, c’est parce que ça me permet de rebondir sur le nom de famille d’Agnès Maillard, 39 ans, qui est depuis 2005 l’héroïne, voire la cocaïne, du blog « Le Monolecte ». Drôle de nom : mono cela veut dire seul, mais lecte ? Comme l’explique son auteur chanvronnée dans son premier billet de Novembre 2004 : « Le monolecte est une invention d’Etienne, mon vieil ami. Il a remarqué que son fils de 5 ans parlait une langue que lui seul comprend et maîtrise, une forme de dialecte, sauf qu’il ne peut parler avec personne, ce qui en fait un monolecte. (…) Un blog, ce n’est rien d’autre qu’un monologue exprimé dans un monolecte, celui de son auteur. En fait, dans un monde soit-disant de communication, nous parlons tous un monolecte, un langage que les autres ne perçoivent pas. »

Agnès est une citoyenne engagée, en guerre contre les nouveaux opiums du peuple. Depuis le fin fond de la France, elle se shoote à Alternatives Economiques (saines lectures – j’en profite pour saluer Guillaume Duval, son rédac’ chef) et brocarde les grandes théories de ces messieurs (matchos et hypocrites) de Paris.

Mademoiselle Agnès, c’est un peu un croisement entre Jeanne d’Arc et le plateau des millevaches.

Clairement, elle a développé une analyse acerbe du capitalisme et de ses excès, sans tomber dans la sur-idéologie stigmatisante et intolérante. L’anti-sarkozysme n’est pas son principal fond de commerce, car elle remet fondamentalement en question les structures mêmes de l’Economie de marché. Sans doute parce qu’à défaut d’avoir été formée à Sciences-Po, Agnès a forgé sa culture politique dans un quotidien laborieux : « Personnellement, je n’en ai rien à cirer de leur crise : je suis tombée dedans quand j’étais petite. (…) Depuis ce moment-là, ça a toujours été la crise : éteindre la lumière en sortant d’une pièce, pour économiser, mettre un gilet en hiver plutôt que de monter le thermostat, bosser dur à l’école pour échapper au chômage galopant, collectionner les diplômes et les emplois de merde sous-payés, des loyers qui grimpent avec des revenus qui stagnent au mieux, toujours rogner, accepter le SMIC comme plafond de verre et renoncer, petit à petit à toujours plus de choses (…) Là, il ne reste plus grand-chose à rogner en dehors de la bouffe et du logement, mais même ce peu, ça fait encore envie aux charognards. »

Marxisme entrepreneurial

Mais au-delà de ses idées, l’expérience du Monolecte est intéressante car Agnès, colopathe professionnelle, jeune mère féministe et altermondialiste (http://blog.monolecte.fr/post/2007/01/15/Cinq-choses-que-vous-ne-savez-pas-de-moi), s’est lancée dans le bloguing avec sa grossesse, suite à un chômage prolongé. Elle tente du coup de vivre de son blog, avec des états d’âme plus ou moins marqués (cf. http://blog.monolecte.fr/post/2010/03/09/A-quoi-bonnite-aigue).

Entre deux angoisses sociales, Agnès reprise les hauts, on méprise les bas – un bouton paypal a permis de résoudre la crise dans les chaussettes, sans que la blogueuse n’y voit une quelconque contradiction avec ses positions sur le capitalisme monétarisé  (qu’elle dénonce à longueur de colonnes). Agnès a également sorti ses chroniques sur papier glacé (http://blog.monolecte.fr/post/2009/11/29/Ca-sent-le-sapin) intitulées « le syndrôme du poisson rouge » (A ne pas confondre avec « le bourdon de l’abeille »).

La rage sociale d’Agnès est son moteur, une puissant carburant mélencho-marxiste qui la maintient en vie. On pourrait résumer ses idées politiques avec cette phrase : « Mais tant que les branquignols du petit peuple continueront à croire à la fable durendre les riches plus riches, c’est enrichir tout le monde, tant que les cocus de la gauche se recycleront dans le culte du veau d’or, les baltringues de la classe politique pourront continuer à jouer tranquillement au jeu des strapontins musicaux entre eux, dans l’abrutissement général. ». Je suis sûr que Charlotte Corday aurait approuvé.

En attendant, la petite larve du pronétariat est devenue une jolie ouvrière de la blogoruche, puis une reine du net, élue meilleur blog francophone en 2010. Le monolecte n’est donc pas seulement un journal public, mais aussi un exercice de revanche sur un monde qui ne fait pas de cadeau. Le coté thérapeutique du blog transparaît dans la recherche de reconnaissance permanent de son auteur, car finalement la reine des Abeilles vit la cyber-réussite qu’Agnès M. n’a jamais eu l’opportunité de connaître.No second chancebut Second Life

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