Du nouveau dans l’économie sociale ?
Publié le 10 novembre 2010 par Christophefaurie
Suite de mes
souvenirs du colloque de l’ADDES :
- Microcrédit. On réinventerait les crédits municipaux et les prêts sur gage d'antan. Mais la France ferait preuve d’originalité. Plutôt que de remédier à l’injustice sociale et à l’exclusion par l’économie seule (modèle de Muhammad Yunus), elle les préviendrait en combinant économie et accompagnement social. D’où des partenariats acteur social (Secours catholique…) et établissement bancaire (Crédits mutuels, Caisses d’épargne…), chacun apprenant de l’autre.
- Une génération spontanée de petits entrepreneurs a posé un problème inattendu : monter une entreprise demande de « tout savoir faire », pas uniquement son métier. Des coopératives d’entrepreneurs se sont créées pour les aider. Mais, ils n’en sont pas partis une fois leur activité lancée. Car, ils voulaient la liberté, mais pas fonder une entreprise. S’est alors posée la question de la représentation d’un « personnel » à la fois employeur et employé. On a découvert qu’il avait besoin d’une triple protection (démonstration, en creux, de l’utilité des services publics ?) :
- contre lui-même - l’indépendant s’auto-exploite, il travaille trop ;
- contre la précarité – il n’a pas de protection sociale, de formation professionnelle (du coup son activité n’est pas pérenne)… ;
- contre les donneurs d’ordre qui profitent de l’atomisation de leur sous-traitance (« on est dans la lignée des luttes sociales du 19ème siècle »).
- L’entrepreneuriat social. Les différences entre l’Europe et les USA seraient de l’ordre de la théorie. Quant à la pratique, elle se ressemblerait. La cause de ce mouvement serait la perte de ressources publiques par l’économie sociale, qui chercherait une compensation dans le secteur marchand. On parle aussi d'entrepreneurs motivés par l'intérêt de la société et cherchant un effet systémique. Mais quoi de neuf ici ? N'était-ce pas déjà le cas des fondateurs de la Croix Rouge ou des Restau du Coeur ? Les mêmes causes ont les mêmes effets ?
- Une thésarde, s’en remettant à Marcel Mauss, semble dire que l’économie sociale n’est pas qu’échange marchand, mais aussi échange de dons, ainsi elle crée un lien non monétaire - fort. (Intéressant : la théorie de Marcel Mauss vient des observations de Bronislaw Malinowski, qui observait que le don était l’agent de cohésion de groupes mélanésiens distants – le troc n’ayant qu’un rôle négligeable.)
- L’État désirerait définir ce qu’est l’Intérêt général et en charger l’économie sociale. Or, si les coopératives, par exemple, servent par nature les intérêts de leurs adhérents, elles véhiculent aussi les valeurs les plus profondes de la nation (un homme une voix, primat de l’éducation…). Elles contribuent donc à l’intérêt général. Les détourner de leur vocation pourrait-il les amener à ne plus remplir ce rôle et à appliquer une vision gouvernementale de l’intérêt général qui n’est pas dans notre intérêt ?
- La santé au travail et le dialogue social seraient de moins bonne qualité dans l’économie sociale que dans l’économie normale. Ce serait surtout le problème des associations. Faute de moyens, leurs employés vivent dans des conditions difficiles. Quant aux mutuelles et aux coopératives, les conditions de travail y seraient globalement bien meilleures que dans le privé. (L’étude a été faite sur des données d’avant crise.)
Contrairement aux organisateurs du colloque, qui semblaient croire à de «
nouvelles frontières », je me demande s’il n’y a pas retour aux origines. La dissolution de l’État ne serait-elle pas en train de recréer les conditions qui ont présidé à l’invention de l’économie sociale, au 19
ème siècle ?