J’avais d’abord écrit ce billet d’humeur pour me payer la tête à vent de toutes ces nénettes qui s’affichent comme des « bloggeuses-mode-influentes-parisiennes ». Parce qu’elles sont d’un narcissisme exaspérant. Je suis narcissique pourtant. Mais je n’exhibe pas mes tenues quotidiennes pour dire « regardez comme je suis jolie ». Seuls mes connaissances directes et les ouvriers qui sifflent parfois au coin de la rue peuvent les commenter.
Et puis, cherchant des exemples, je suis allée sur le blog de « Miss Pandora » aka Louise Ebel (une compatriote polonaise), petite étudiante bloggeuse parisienne, tellement « célèbre » qu’elle fait même de la pub pour Comptoir des Cotonniers, avec cette campagne insupportable du style « I hate les lundis matins », ou « I love les grasses matinées ». Baselines tout à fait fascinantes, qui sont sensées traduire l’état d’esprit de cette avant-garde féministe et précieuse (pour les cinéphiles qui comme moi se souviennent que la seule et unique Pandora se nomme Ava Gardner, ça fait mal là où le soleil ne brille pas). Sa maman est également directrice de l’Institut français de la Mode. Est-ce que ça aide ? En tout cas, pour être en affiche 4×3 dans les rues de Paris avec sa fille, sûrement.
J’ai donc lu son « A propos ». Et j’ai éprouvé soudainement une tendre pitié.
Miss Pandora, ou comment je me créé un personnage pour avoir confiance en moi. C'est beau.
Non seulement elle est vraiment jolie, avec son air de tableau pré-raphaélite et sa chevelure rousse qu’aurait adoré Dante Rossetti (pour la minute culture, c’est par ici : http://fr.wikipedia.org/wiki/Dante_Gabriel_Rossetti), mais elle a cet aveu touchant : non, elle n’est pas du tout narcissique. Elle est même archi timide, gauche, presque stupide, a des dents de lapin, est myope comme une taupe, et s’est tout simplement créé un personnage pour pouvoir gagner un peu de cette confiance en elle qui lui manque tant. Croyez-le ou pas, j’ai presque eu honte de mon papier.
Et puis, vous me direz : après tout, où est le mal? Les femmes ont de tout temps aimé parler chiffons. C’est vrai. Les femmes ont toujours aimé les modistes, les causeuses, les têtes à vent. Elles en font partie pour la plupart. C’est vrai. Si les femmes sont assez bêtes pour dépenser tout leur fric en accessoires de mode, elles ont le droit. Nous ne sommes pas en Arabie Saoudite. C’est vrai. Si elles veulent continuer à passer pour de ravissantes idiotes auprès des hommes, elles le peuvent. Les médias, la pub, les femmes elles-mêmes (qui sont leurs pires ennemis)… On leur donne toutes les clés pour. C’est vrai.
Mais c’est tellement triste.
Formatage et jambes en dedans
Pour une fille qui dit ne pas être fascinée par la mode mais par l’art (ce que je veux bien croire, ses photos ressemblent à des tableaux, et ses références vont chercher très loin dans le temps) – mais qui fait quand même de la pub pour la marque totem des bobos, pas mal pour le gain de confiance en soi et l’ego !— combien d’autres envahissent la Toile depuis 2005 et se posent en nouvelles précieuses ?
Vous avez remarqué comme les blogs de nanas sont tous faits sur le même style ? Incroyable. Très étonnant même, puisque le souci premier est de se démarquer de la voisine geekette. Pourtant, elles finissent toutes par enfiler le même uniforme graphique et vestimentaire : décor soigné, féminin, photos et diaporamas à faire ranger leur Reflex aux meilleurs pros, petits dessins accrocheurs qui fidélisent et rendent la visite sympathique… Elles finissent toutes aussi par ressembler à une armée de mannequins frustrées qui espèrent ainsi devenir les Carla Bruni de demain. Charmante petite communauté parisiano-bobo qui se « linke » entre membres et se pique de donner le bon ton.
Notez qu’elles ont la touch. On ne sait par quel miracle, elles savent toutes poser (même une belle fille peut ne pas être à l’aise devant un appareil photo), semblent toutes avoir un petit ami photographe professionnel (les photos pourraient passer dans Elle), sont jeunes et ont des métiers qui leur permettent aisément de dépenser l’équivalent d’un Smic en fringues. Ou alors, elles ont des parents friqués qui sponsorisent, l’œil mouillé de tendresse, l’envol vers la féminité assumée de leur insupportable canari frivole. Ou pire : des mères aussi superficielles qui les accompagnent dans leurs virées shopping, retrouvant ainsi par procuration un peu de leur jeunesse perdue. En tout cas, aucun doute sur leurs lectures de chevet.
La bloggeuse mode influente parisienne doit avoir des chaussures importables et les jambes en dedans. C'est comme ça.
Un défaut étrange cependant : sur leurs photos, elles ont toutes les jambes en dedans. Je ne sais pas si c’est là un effet d’une malnutrition ou d’un abus de Star Academy à un âge trop précoce. Je ne savais pas non plus que cela était esthétique. Elles ont également toutes le même look. Bohème-hippie-chic-rock-grunge-destroy-mais-toujours-savamment-coiffée-maquillée-parfumée-par-Jo-Malone-sponsorisée-par-the-Kooples. A la mode quoi. Pardon, LEUR mode.
A ce propos, cette excellente parodie parle d’elle-même :
Dangers anatomiques
En tout cas, je le confirme après avoir traîné 10 minutes sur le blog de Betty : toutes ces filles sont dangereuses. Si si. Car elles sont efficaces. Bien sûr qu’elles sont bien sapées. Bien sûr qu’on aimerait aller au taff habillées comme elles (parfois). Bien sûr qu’on aimerait avoir leur compte en banque. Ceci cependant, est vite oublié, l’attrait du miroir aux alouettes étant souvent le plus fort. Et les plus faibles d’entre nous, après consultation de ces blogs, foncent sans doute direct rue des Francs-Bourgeois où se trouvent toutes les enseignes chéries de ces porte-manteaux providentiels (les marques n’ont même plus besoin de se payer des mannequins), afin de vider leur maigre salaire pour ressembler à leurs égéries. Les liens faits entre les blogs et les sites de vente on-line des dites marques me font légèrement soupçonner quelque échange de bons procédés entre les intéressés…
Cela va loin au point que sur Ebay, vous voyez des annonces du type « robe Liberty machin chose VUE BLOG DE BETTY ». Valeur marchande presque aussi forte que « vu à la télé » !
Toutes ces filles ont plusieurs points communs, et l’un non des moindres : elles ont une cervelle de piaf. Non, d’ailleurs, j’ai tort : elles sont très futées. En démarrant cette folie des blogs d’abord « dressing » (où l’on fourguait ses fringues), puis « look book » (où on expose son look du jour à la foule des admiratrices internautes forcément ignares et forcément fascinées par tant de classe et d’élégance, qui voudraient bien vivre les mêmes aventures de petite fille riche façon Tout ce qui brille) dès 2005, elles ont véritablement lancé une tendance qui a généré du buzz dans tous les torchons féminins de France et d’ailleurs. Trop ravis, d’ailleurs, de trouver là un peu de nouveauté au milieu des marronniers de la sexualité au bureau et de l’éloge de l’adultère. Elles arrivent même à en faire un business, bannières publicitaires à l’appui. Pratique pour aller s’acheter les dernières Gucci.
Synthèse fictionnelle de tout ça : la série Gossip Girl. Ou le récit même pas picaresque de gamines sur-friquées de l’Upper East Side new-yorkais, dont chaque apparition ressemble plus à du placement de produit qu’à du jeu de comédienne. Quand les médias commencent à ériger une telle vacuité au rang de programme pour la jeunesse, il est temps de s’inquiéter.
Back to the 80’s
Savent-elles seulement à quel point elles sont assommantes avec leur futilité ? Mais puisque l’on parle de mode… Ah… à quand le retour à la mode qui était de ne pas en avoir ? Celle que chacun/chacune se faisait par références à ses mythes personnels, à des musiciens ou des films (Thelma et Louise, une nuit en Enfer, Patti Smith, les Beatles et Keith Richards, par exemple). OK, dans les années 80, le dernier chic était d’avoir des costards brillants comme Don Johnson, des choucroutes comme Traci Lords dans New Wave Hooker, et de porter du fluo. Mais on en faisait pas une image de marque sur Internet. Fort heureusement, nous connaissons tous des gens intelligents qui ignorent jusqu’à l’existence de ces précieuses ridicules.
La classe ultime, non ? ;o)
D’ailleurs, mon mouvement de pitié s’est bien vite évanoui : la demoiselle Pandora a aussi un T-Shirt à son effigie créé par Pepe Jeans. D’après les commentaires, cela ne serait pas de son fait, ce serait un vulgaire plagiat de son esthétique, et elle n’est pas la seule « victime ». Suggestion pleine d’à-propos d’une internaute : « vous devriez vous réunir entre bloggeuses, avec Betty par exemple, qui comme tu le sais a eu le même problème… C’est inadmissible, il faut que ça cesse. »
Hypocrisie, quel beau manteau tu fais.
Et puis oui, il faut que ça cesse : j’ai mal à la tête.