Les faux et les vrais débats

Publié le 10 novembre 2010 par Lomig

J’ai écouté hier soir le début de l’émission « On refait le monde » sur RTL. J’aime bien le concept, et comme Rioufol avait droit à un petit édito au début, je me suis laissé captiver.

Le premier débat portait sur le fait que Michel Druker, comme Laurent Ruquier, avait annoncé qu’ils ne recevraient pas Marine Le Pen dans leurs émissions. Normal, pas normal ? Les invités à l’émission devaient en débattre. Ménard, en premier, a dégainé avec un certain bon sens : non, ce n’est pas normal, et les journalistes qui se comportent comme cela, en s’imaginant faire preuve de « résistance » en ne recevant pas Le Pen fille, tout en servant la soupe à Besancenot et Mélenchon, sont pitoyables. Il rapprochait la chose, à juste titre d’ailleurs, de ces petits maîtres censeurs qui voulaient empêcher la venue de Le Pen père au CFJ (Centre de Formation des Journalistes).

Les autres intervenants étaient sur la même longueur pour certains, opposés pour d’autres (au titre que ces émissions de divertissement ne sont pas censées respecter l’équité demandée par le CSA aux émissions politiques.

J’ai été marqué par deux choses, pendant ces quelques minutes d’écoute attentive :

  • Tous les intervenants étaient doués pour argumenter et exposer leurs idées, mais on avait un sentiment de débat polémique sans fin (c’est le but de l’émission, je le sais bien), et d’échanges d’opinions
  • aucun intervenant ne prennait de recul par rapport à son propre avis, pour proposer un cadre de réflexion plus global. Ce que je pense est juste, point barre.

Il était pourtant facile à donner ce cadre plus global. Il suffit de parler de responsabilité. La responsabilité vient de la propriété (et de la définition claire des droits de propriétés). Le cadre est donc simple : auprès de qui sont responsables Drucker et Ruquier ? Chacun a bien le droit de penser ce qu’il veut de Marine Le Pen, ou de Besancenot, la question n’est pas là. A qui Drucker et Ruquier doivent-ils rendre des comptes concernant leurs choix ? Au patron de … France 2. C’est-à-dire une chaîne publique. C’est-à-dire en partie financée par les contribuables. Voilà ce qui est choquant dans cette histoire.

Ce n’est pas l’opinion de Drucker, celle de Le Pen, ou celle de Ménard qui sont le cœur du sujet. Il est bien temps, quand on a passé l’adolescence, de se rendre compte que les opinions sont variées, et que c’est tant mieux. Si une chaîne privée décide de faire des émissions d’opinions (comme c’est le cas aux USA, et comme l’a rappelée à juste titre une des intervenantes), où est le problème ?

Il n’y a donc que deux problèmes, en l’occurrence :

  • L’existence du CSA, qui bloque la liberté d’expression, et l’émergence de chaînes ouvertement d’opinions (à l’instar de Fox News, par exemple)
  • Le fait que des chaînes soient financées « de force » par le biais de l’impôt, alors qu’il semble assez évident que ce n’est pas une mission étatique naturelle, et que ce mélange des genres entre politique et médias est plutôt générateur de dérives.

Et si l’on veut parler des idées de Marine Le Pen, ou de celles de Mélenchon, faisons-le ! Mais pas en se demandant si on peut leur parler, ou si telle ou telle vedette a raison de faire la fine bouche.

Les esprits d’élite discutent des idées – les esprits moyens discutent des événements – les esprits médiocres discutent des personnes.

Jules ROMAINS

Article paru sur Expression Libre, membre du Reseau LHC.