Étonnant roman que celui-ci :
"Couronné par le prix Pulitzer, un roman aussi puissant qu’élégant qui réinvente la destinée du célèbre père des Quatre Filles du docteur March. Des sphères intellectuelles vibrantes de la Nouvelle-Angleterre au Sud sensuel et violent de la guerre de Sécession, l’odyssée d’un idéaliste pris dans la tourmente de l’Histoire.
Dans le Massachusetts, à Concord, un homme quitte femme et enfants pour s’engager auprès des nordistes. Un père aimant, mari fidèle et abolitionniste convaincu : le docteur March.
Enrôlé comme aumônier, March va bientôt voir ses certitudes ébranlées par les atrocités commises sur le champ de bataille.
Mais rien n’aurait pu le préparer à retrouver celle qu’il n’a jamais réussi à oublier : la belle et douce Grace, une esclave rencontrée vingt ans plus tôt…
Entre attirance tragique et culpabilité dévorante, engagements humanistes et devoirs familiaux, lynchages publics et mise à sac de plantations, March va devoir affronter des épreuves qui le changeront à jamais. Seul face à lui-même, sur une terre où s’effacent les frontières entre le bien et le mal…"
Bien sûr, c'est encore l'esprit tout empli des soeurs March, Meg, Beth, Amy et, surtout, Jo, que je me suis plongée dans ce livre. Le choc n'en a été que plus brutal. Comme si, tout à coup, mes yeux se dessillaient, que je laissais derrière moi les crinolines d'Autant en emporte le vent et ses "Mame Scarlett" pour entrer dans une réalité beaucoup plus brutale : celle du vieux Sud esclavagiste et d'une guerre fratricide.
Car on est loin du romantisme avec ce roman : si l'histoire qu'a imaginée Geraldine BROOKS se glisse à merveille dans les interstices de celle de L. M. ALCOTT, car tout y est, depuis la ruine de la famille jusqu'à la maladie du père, c'est l'itinéraire d'un homme issu d'un milieu modeste, humaniste et humain, qui vient s'imposer et, à travers lui, l'histoire d'une nation pleine de déchirures.
Geraldine BROOKS a su admirablement décrire les ambiguïtés, les indécisions, les modes de vie et de pensée, la difficulté de s'arracher à son passé pour aller de l'avant et, également, les nécessités de la rupture. "Nous avons eu notre content de Blancs pour commander notre existence ! répliquera Grace au docteur March lui proposant de travailler avec eux après la guerre, pas mal d'hommes de ma race sont meilleurs coursiers que vous ne le serez jamais. Et il ne manque pas de pasteurs nègres pour connaître le vrai langage de nos âmes. Un peuple libre doit apprendre à décider de son destin."
La Solitude du Docteur March est un roman brutal, violent parfois, terrible souvent, mais qui ne saurait laisser indifférent. C'est une belle réussite.
La jeune femme m'emmena sur le côté de la maison aux murs de pierre, franchit un portillon et pénétra dans un jardin potager au cordeau, où les élégantes pointes violettes des asperges se dressaient telles des sentinelles et où des fraisiers croulaient précocement sous leurs fruits verts. Ici, on se régalerait de fraises avant que le sol eût dégelé chez nous. Je la suivis, frappé par sa démarche : parfaitement droite, mais non moins souple.
A la cuisine, les saines odeurs matinales des galettes de maïs grillées et d'un bon café parfumé me donnèrent des crampes d'estomac.
"Qui nous as-tu amené, Grace ?" s'enquit la cuisinière, une femme aux hanches pleines, au visage plat luisant de sueur.
Ma faim devait être criante, car d'autorité la cuisinière posa devant moi une écuelle de fer-blanc où s'empilaient des galettes, tout en me sermonnant sur les méchantes façons de mes congénères. Elle n'avait aucune indulgence pour ceux qui tentaient de la duper. Je hochais vigoureusement la tête en enfournant la nourriture.
"Il n'y a aucune sorte de noix de muscade dans mes bagages, affirmai-je. Seulement un assortiment d'articles plaisants et utiles destinés au confort du corps et de l'esprit.
- C'est vrai ? demanda-t-elle, les coins de sa grande bouche plissée vers le bas dans sa tentative outrée pour paraître menaçante. Alors vous avez intérêt à montrer vot' mercerie yankee à Annie, et vite, j'ai pas le temps de lambiner."
Geraldine BROOKS, La Solitude du Docteur March, 2010.
Lu dans la cadre de l'opération Masse critique - BABELIO
Étonnant roman que celui-ci :
"Couronné par le prix Pulitzer, un roman aussi puissant qu’élégant qui réinvente la destinée du célèbre père des Quatre Filles du docteur March. Des sphères intellectuelles vibrantes de la Nouvelle-Angleterre au Sud sensuel et violent de la guerre de Sécession, l’odyssée d’un idéaliste pris dans la tourmente de l’Histoire.
Dans le Massachusetts, à Concord, un homme quitte femme et enfants pour s’engager auprès des nordistes. Un père aimant, mari fidèle et abolitionniste convaincu : le docteur March.
Enrôlé comme aumônier, March va bientôt voir ses certitudes ébranlées par les atrocités commises sur le champ de bataille.
Mais rien n’aurait pu le préparer à retrouver celle qu’il n’a jamais réussi à oublier : la belle et douce Grace, une esclave rencontrée vingt ans plus tôt…
Entre attirance tragique et culpabilité dévorante, engagements humanistes et devoirs familiaux, lynchages publics et mise à sac de plantations, March va devoir affronter des épreuves qui le changeront à jamais. Seul face à lui-même, sur une terre où s’effacent les frontières entre le bien et le mal…"
Bien sûr, c'est encore l'esprit tout empli des soeurs March, Meg, Beth, Amy et, surtout, Jo, que je me suis plongée dans ce livre. Le choc n'en a été que plus brutal. Comme si, tout à coup, mes yeux se dessillaient, que je laissais derrière moi les crinolines d'Autant en emporte le vent et ses "Mame Scarlett" pour entrer dans une réalité beaucoup plus brutale : celle du vieux Sud esclavagiste et d'une guerre fratricide.
Car on est loin du romantisme avec ce roman : si l'histoire qu'a imaginée Geraldine BROOKS se glisse à merveille dans les interstices de celle de L. M. ALCOTT, car tout y est, depuis la ruine de la famille jusqu'à la maladie du père, c'est l'itinéraire d'un homme issu d'un milieu modeste, humaniste et humain, qui vient s'imposer et, à travers lui, l'histoire d'une nation pleine de déchirures.
Geraldine BROOKS a su admirablement décrire les ambiguïtés, les indécisions, les modes de vie et de pensée, la difficulté de s'arracher à son passé pour aller de l'avant et, également, les nécessités de la rupture. "Nous avons eu notre content de Blancs pour commander notre existence ! répliquera Grace au docteur March lui proposant de travailler avec eux après la guerre, pas mal d'hommes de ma race sont meilleurs coursiers que vous ne le serez jamais. Et il ne manque pas de pasteurs nègres pour connaître le vrai langage de nos âmes. Un peuple libre doit apprendre à décider de son destin."
La Solitude du Docteur March est un roman brutal, violent parfois, terrible souvent, mais qui ne saurait laisser indifférent. C'est une belle réussite.
La jeune femme m'emmena sur le côté de la maison aux murs de pierre, franchit un portillon et pénétra dans un jardin potager au cordeau, où les élégantes pointes violettes des asperges se dressaient telles des sentinelles et où des fraisiers croulaient précocement sous leurs fruits verts. Ici, on se régalerait de fraises avant que le sol eût dégelé chez nous. Je la suivis, frappé par sa démarche : parfaitement droite, mais non moins souple.
A la cuisine, les saines odeurs matinales des galettes de maïs grillées et d'un bon café parfumé me donnèrent des crampes d'estomac.
"Qui nous as-tu amené, Grace ?" s'enquit la cuisinière, une femme aux hanches pleines, au visage plat luisant de sueur.
Ma faim devait être criante, car d'autorité la cuisinière posa devant moi une écuelle de fer-blanc où s'empilaient des galettes, tout en me sermonnant sur les méchantes façons de mes congénères. Elle n'avait aucune indulgence pour ceux qui tentaient de la duper. Je hochais vigoureusement la tête en enfournant la nourriture.
"Il n'y a aucune sorte de noix de muscade dans mes bagages, affirmai-je. Seulement un assortiment d'articles plaisants et utiles destinés au confort du corps et de l'esprit.
- C'est vrai ? demanda-t-elle, les coins de sa grande bouche plissée vers le bas dans sa tentative outrée pour paraître menaçante. Alors vous avez intérêt à montrer vot' mercerie yankee à Annie, et vite, j'ai pas le temps de lambiner."
Geraldine BROOKS, La Solitude du Docteur March, 2010.
Lu dans la cadre de l'opération Masse critique - BABELIO