Article de FRÉDÉRIC SOURICE paru sur le site de la voix du nord
La famille Ruyant traverse un océan d'espoirs, de craintes et de fierté mêlés.
La Voix du Nord
Thomas Ruyant pointe en tête de sa catégorie (class 40), sur la Route du Rhum.
Le Dunkerquois pourrait aller au bout d'un exploit retentissant, dans une semaine, en Guadeloupe.
À terre, la famille Ruyant vit aussi une odyssée.
Intense.
PHOTO JEAN-CHARLES BAYON
C'était à Saint-Malo, le 31 octobre. La famille Ruyant vivait, dans l'intimité, le proche départ de son marin.
Thomas était déjà sur son bateau.
On ne sait si c'est parce que tout commence nécessairement en chanson, à Dunkerque.
Ou si c'était pour se donner du courage.
Mais les Ruyant se sont mis à chanter les refrains qui rendent « joyeux comme des cigales ».
« On voulait que Thomas sorte son chapeau de carnaval, qu'il emmène toujours avec lui sur son bateau, sourit Anne-Marie, la maman.
Il nous a répondu : "non, vous ne le verrez pas. Il faudra venir en Guadeloupe si vous voulez le voir..."
Depuis, les journées d'Anne-Marie Ruyant débutent par une quête.
Celle de l'information. « À 5 h, je commence à tourner dans mon lit, avoue-t-elle. Le premier geste, c'est de voir s'il y a une vacation de Thomas, sur le site Internet de l'épreuve. »
Histoire d'entendre la voix du fiston.
De connaître sa position.
Et de savoir s'il mène toujours la flotte, en class 40.
Peur de la casse
Depuis le départ, la famille Ruyant vit l'aventure de Thomas au rythme des nouvelles qui s'égrènent sur Internet.
« Les classements sont donnés toutes les 4 heures. Une demi-heure avant, à chaque fois, j'y pense », raconte Marie, la plus jeune des trois soeurs du skipper.
Rémy, le papa : « Je suis moins préoccupé dans la journée. Ce sont les clients qui me donnent des nouvelles », sourit cet homme qui travaille dans une concession automobile.
La famille Ruyant, jusqu'aux deux grand-pères, vit intensément la trajectoire de Thomas.
Tous les gens qui gravitent autour d'eux les ramènent à la course.
Bref, même s'ils voulaient s'en échapper, ils sont en mode « Route du Rhum » de manière continue...
Sur cette épreuve, les moyens de communication sont autorisés.
Anne-Marie Ruyant a ainsi pu discuter quelques minutes, avec son fils, vendredi.
« Il avait certainement envie de parler. Il allait arriver sur du vent au portant et ne plus pouvoir lâcher souvent la barre pendant 36 h. »
À dire vrai, le week-end s'est étiré mollement.
La famille nordiste savait que Thomas faisait face à un front dans lequel la casse mécanique a plus de risques de se produire.
« Je n'ai pas peur pour lui. J'ai plus peur qu'une pièce maîtresse de son bateau se brise. C'est ce qui est arrivé à Bernard Stamm (l'un des adversaires du Dunkerquois). On sait que si ça casse, on va le ramasser à la petite cuillère... », craint le papa.
Averti des choses de la voile, le couple Ruyant vogue de surprises en surprises depuis quelques années.
« Un jour, Thomas m'a placée devant le site de la Mini-Transat.
Il m'a dit : "maman, c'est ce que je veux faire."
Mon sang n'a fait qu'un tour, se souvient Anne-Marie Ruyant. Je me suis dit que cela allait peut-être lui passer. »
Perdu. Le Dunkerquois donna corps à son rêve, termina au-delà de la 20 e place en 2007, au Brésil, pour sa première participation.
« Il était tout fou, il est revenu calmé. Thomas était quelqu'un de distrait, pétillant de vie, petit. La façon dont il a évolué, s'est posé... », s'étonne le papa, un peu bluffé.
« Il a foncé »
L'an passé, Thomas Ruyant est revenu résolu, sur la Mini-Transat.
Et victorieux à Salvador de Bahia.
C'était l'heure de s'attaquer au Rhum.
« Dès qu'il a eu l'opportunité de signer pour ce bateau, il a signé. Il a foncé. Il n'avait pourtant pas tous les partenariats... »
Le Dunkerquois a su s'entourer, réunir les conditions pour ne pas faire de la figuration.
« Aujourd'hui, le principal, c'est qu'il ne casse pas. Honnêtement, je le voyais dans le Top 5. Mais pas tirer le troupeau comme ça... », avoue le père.
S'il gagne à Pointe-à-Pitre, Thomas Ruyant va changer de dimension dans le monde de la voile.
Susciter des intérêts, peut-être participer à des épreuves en double avec de grands noms de la discipline.
Mais en Guadeloupe, Rémy, et peut-être sa femme, si cette professeure au lycée Vauban peut s'absenter professionnellement, n'iront pas accueillir un marin.
Mais un fils, coiffé d'un chapeau si ça se trouve.
« Quand il a gagné au Brésil, la Mini-Transat, on a manqué son arrivée à deux heures près.
On était encore à l'aéroport de Rio... J'en ai pleuré. Sa copine, Anne-Laure, n'avait pas pu se libérer.
Thomas m'a dit : "C'était les deux plus belles heures de ma vie et je n'ai pas pu croiser le regard de mes proches". »
Alors imaginez, lors des retrouvailles, après plus de deux semaines d'attente, ce que les regards vont exprimer.
Comment les âmes et les corps vont frissonner.
Merci à FRÉDÉRIC SOURICE de la Voix du Nord pour ce très bel article..
Allez au plaisir de vous lire...