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La pointe aux oiseaux de Latrabjarg

Publié le 10 novembre 2010 par Argoul

Quittant le ferry, nous avons longé le fjord sur la côte sud, apercevant de loin le Snaeffels dont le sommet émerge des nuages. Le ciel demeure voilé avec des coins d’un bleu pastel délicat, parfois un instant de plein soleil. Nous voici dans les fjords du nord-ouest, paradis des oiseaux marins

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Nous pique-niquons sur le sable d’une plage de la baie. C’est insolite, nous pourrions être en Bretagne sauf qu’il n’est pas question de nous baigner vu le vent et la température de l’eau à 8 ou 9°. C’est pourtant ce que font deux Allemandes, qui arrêtent leur voiture de location avant de s’avancer sur le sable, l’une en cape. Serait-elle nue dessous ? Presque, elle s’en est servi de drap de bain pour enfiler son maillot de bain deux pièces. Filmée par sa copine, elle ôte la cape et s’élance en courant dans les flots. Mais la pente est très douce et elle doit courir longuement avant d’avoir de l’eau à la taille. Elle se plonge une fois seulement avant de revenir. Interrogées par une qui parle allemand parce qu’Alsacienne, elles avouent habiter Bâle et Mulhouse. Elles passent trois semaines de vacances ensemble ici. La mulhousienne se baigne parce qu’il serait écrit dans leur guide teuton qu’il « faut » se baigner en Islande pour connaître vraiment le pays. Sauf qu’il y a aussi des sources chaudes, nettement plus confortables, où l’on peut se baigner en Islande… La vraie légende est que pour se dire « véritable Islandais », il faut être capable de nager nu de la côte vers l’île de Drangey, dans le Skajafjörd au nord de l’île, une torche à la main, tout en chantant l’hymne national !

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Nous campons ce soir à la plage de Breidavik, ce qui permettra aux tentes de sécher la pluie d’avant-hier. L’hôtel du camp était autrefois un centre de redressement pour jeunes délinquants, nous dit le guide. Il y a 50 ans, c’était la norme vile que des gamins livrés à eux-mêmes fassent l’objet “d’abus sexuels”, sans qu’on en précise la portée. Ce n’est que récemment que certains devenus adultes ont exumé ce scandale, s’apercevant que ce n’est pas bien, qu’il faut en parler, que tout le monde dénonce et que les médias adorent ça. De nombreux journalistes sont venus ici interroger la famille actuelle qui tient l’hôtel et qui n’a rien à voir avec ces affaires. Elle est lasse d’être associée aux turpitudes passées et d’être regardée avec une suspicion déplacée.

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Nous passons la fin d’après-midi à la pointe de Latrabjarg, sur les falaises hautes de 444 m et longues de 14 km, à observer les oiseaux. Le guide se croit obligé de nous faire un cours infantilisant sur l’absence de cordes de sécurité et de dangers non balisés. Va-t-il bientôt une aide psychologique à tout trek d’aventures adulte ? Il faut dire qu’il a été habitué par ses parents soixantuitards à ce que tout ce qui rompt les habitudes, dans le monde, devienne un Disneyland où tout est beau, et tout le monde gentil… Il reprend parfois avec un certain plaisir revanchard : « c’est une tourbière ici, pas un terrain de jeu ». Même chose pour le vide et la sécurité : il y a des règles à respecter ! Il est amusant de voir contester les ex-contestataires et rétablir des normes qu’on voulait hier jeter aux orties comme castratrices.

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Nous arpentons donc ce gigantesque roc à piafs. Nous ne sommes pas les seuls, le parking regorge de véhicules, un camion slovaque, une auto allemande, des motos italiennes et des 4×4 de location bourrés de Français et de Hollandais. Les Italiens ne sont pas dépaysés de voir des macareux nids. Il y en a partout, juste sous le rebord du sommet de falaise, entre la roche et la terre. Ces oiseaux ne sont pas farouches avec leur gros bec orange et ils se laissent observer aisément. Parfois, un visage se trouve à vingt centimètres d’un bec et les paires d’yeux se sondent, interloqués. C’est assez drôle pour un observateur extérieur.

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Toutes les sortes d’oiseaux vivent ici, les mouettes tridactyles, les goélands, les fulmars, les sternes arctiques, les guillemots pataud et raides comme des manchots, des pingouins torda dont c’est la plus grosse colonie au monde. Début XXe siècle, le sport local était d’aller dénicher les œufs sur la falaise. On estime à 44 000 par an le nombre d’œufs subtilisés !

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Nous restons une heure dans le vent et les plumes, avant de revenir au camp installer nos affaires et commencer à préparer le dîner. Il se compose d’un mélange de légumes émincés et cuits en poêle, et de pavés de cabillaud. Les légumes, poussés en serre hors sol, sont flotteux. Nous occupons la salle commune de façon un peu impérialiste pour ceux qui veulent gagner les couches en fond de pièce. Privilège exorbitant de tout groupe dont on ne prend pas toujours conscience. Le petit Hollandais est ainsi revenu en slip sur les bras de son père parce qu’il avait peur de traverser notre tablée bruyante d’adultes redoutables !

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Suivent quelques explications géologiques du guide, qui précise n’avoir jamais fait d’études sur le sujet, mais être entraîné pour être formateur Éducation nationale. L’éruption de Lakagigar, fin 1783, a affamé la population islandaise, la faisant baisser d’un cinquième, réduite à 38 000 habitants. Le nuage de cendres a en effet fait crever 200 000 moutons, 28 000 chevaux et 11 000 vaches. Il atteint le reste de l’Europe porté par les vents, jusqu’en Afrique ! Il serait à l’origine de cinq ans de refroidissement climatique dans l’hémisphère nord, avec son cortège de mauvaises récoltes. Exaspéré, le peuple se révolte. Dans une France minée par l’écart entre noblesse et tiers-état, les révoltes de famine conduisent à la Révolution…

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Avisant une mouche agaçante, Le guide lance cette question : « qu’est-ce qui passe par la tête d’une mouche quand elle s’écrase contre un pare-brise ? » Nul ne sait. Réponse : « son cul. » C’est tout lui.

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