Cela faisait un moment que je ne m’étais pas autant sentie portée par un récit. Je ne peux pas vivre sans toi / Bu neng mei you ni (2009), premier essai de Leon Dai, se révèle être une œuvre bouleversante, percutante, d’un esthétisme déconcertant (un sublime noir et blanc).
Li élève seul sa fille Mei. Depuis le départ de sa mère, ce dernier tente de mener une vie descente en cumulant les petits boulots. Un jour, les services de police lui rendent visite et lui conseillent de scolariser la fillette. C’est alors le début d’un long calvaire administratif...
Je ne peux pas vivre sans toi c’est d’abord le portrait touchant de cette relation père/fille. Une relation qui s’illustre par un environnement rustre mais qui parvient à vivre par la seule force d’un amour sans borne, moteur et essentiel pour les deux protagonistes. Et malgré la pudeur se dessine à travers de brèves échanges, de brefs regards, une infime tendresse. Une complicité et une délicatesse que Leon Dai réussit à sublimer par des instants justement saisis et des dialogues intelligents.
Si cette beauté - celle des sentiments - est la première qui marque, il y a dans ce premier long métrage une facette bien plus sombre, résultant de ce qui pourrait s'apparenter à une aberration administrative. A l’instant où monsieur Li voudra inscrire Mei, il se verra confronter à de multiples obstacles et regards méprisants. Car monsieur Li est un “père célibataire”, qui a élevé seul son enfant “non déclaré” et qui n’a par conséquent aucun pouvoir légal. Des coups d’épée dans l’eau, c’est ce que va connaître ce père qui n’a d’autre désire que de vivre paisiblement avec sa fille. De là, va naître une incompréhension grandissante, une colère refoulée puis un acte de folie comme unique cri de détresse. Car ce père aimant ne parvient pas à comprendre la rudesse de cette administration, qui le balade de service en service, de ville en ville. Il comprend encore moins pourquoi ce système souhaite lui enlever ce qu’il a de plus cher, alors que paradoxalement la fillette n’a nul attache que lui-même. Du cadre légitime à la raison, le faussé est parfois profond semble nous suggérer le cinéaste. Finalement, la logique n’existe pas, tant que l’on ne rentre pas dans le cadre administratif prédéfini. Peu importe les raisons et les situation invoquées, les exceptions n’existent pas et les manquements aux règles ne sont pas admis. Leon Dai dresse un portrait critique qui interpelle et marque, non pas par la colère première qu’elle pourrait susciter mais sa grande sensibilité. Avec un style épuré et sans artifice, l’auteur tente d’être au plus proche de ses sujets et parvient ainsi à communiquer une émotion juste.
Je ne peux pas vivre sans toi est une très belle découverte tant sur le plan visuel (Il y avait longtemps que je n’avais pas autant apprécié un noir et blanc) qu'émotionnel. Avec une aisance et une simplicité déconcertante, Leon Dai nous plonge dans les travers d’une administration vécus par un père courage (formidable Chen Wen-pin). Je ne peux pas vivre sans toi est une remarquable variation.
Diana
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