Dans la vie, il y a ceux qui ont un revolver chargé et ceux qui creusent, et il y a les séries qui refusent de se boucler convenablement en surfant sur leur succès et celles dont les qualités sont éclipsées par leur faible score jusqu'à être évincées. Arrested Development appartient malheureusement à la seconde catégorie, en dépit d'un Golden Globe, de plusieurs Emmy Awards, d'une large fanbase, d'une aura culte et de critiques élogieuses.
A sa décharge, Arrested Development était une sitcom brillante mais ardue : un rythme effréné où sur vingt minutes s'accumulent les quiproquos, calembours, sous-entendus, silences et regards qui en disent long, références plus ou moins obscures et renvois aux épisodes précédents, une galerie de personnages pas sympathiques pour un sou auxquels aucune personne sensée ne saurait s'identifier, des intrigues multiples qui se croisent et se détournent, pas de rires enregistrés pour souligner les vannes et situations comiques, un humour qui se décline en des saillies non-sensiques, de grands moments d'absurdité et un peu de noirceur borderline (petites piques sur les asiatiques, les juifs, les homosexuels...)...
Reste qu'en deux saisons et demi, disponibles en DVD sans aucun bonus (sacrilège !), les créateurs de cette série diffusée par la Fox (et narrée en voix off par le réalisateur Ron Howard) ont pondu assez de matière pour que l'on y revienne quelques fois afin de saisir tout ce qui se passe dans cette épopée familiale où le dénommé Michael Bluth tente d'assurer la cohésion de sa famille suite à l'incarcération de son fraudeur de père. Il y a donc Michael, chic type qui en fait trop pour son fils, pour l'entreprise paternelle et a une gestion catastrophique de ses relations amoureuses ; son fils George Michael, influençable et attiré par sa cousine Maeby, petite peste qui passe son temps à vouloir mettre ses parents dans l'embarras ; Lindsay, soeur de Michael et mère de Maeby, la blondasse superficielle et nunuche ; l'impayable Tobias Fünke, psychologue incapable de se dénuder qui se rêve acteur de génie ; George Bluth, le patriarche derrière les barreaux qui poursuit ses magouilles ; Lucille, la mère acariâtre, manipulatrice et bourgeoise ; Gob, frère de Michael, coureur de jupons, magicien raté et idiot avéré et enfin Buster, second frère qui vit dans les jupes de sa mère, brave mais un rien attardé.
Points communs de ces personnages incarnés par des acteurs au poil dans leurs rôles respectifs : leur attachement au pognon, celui qu'ils estiment acquis ou veulent préserver dans le cas de Michael, ainsi que les liens qui les unissent malgré tout, mis en valeur dans des dialogues moralistes dont les séries américaines ont le secret (sur les relations père-fils, frère-soeur...), avant que les belles paroles ne soient agréablement oubliées ou torpillées par la contradiction dans les secondes qui suivent. Des interactions entre ces allumés (et avec leur environnement, peuplé d'autres allumés, de l'avocat homophobe/homosexuel refoulé à la secrétaire qui exhibe ses seins après les avoir fait gonfler) naissent ainsi une tétrachiée de vacheries et de situations rocambolesques difficilement oubliables, comme la séquence du deal d'herbe interrompue par des flics/strip-teasers (et un ouvrier de chantier) "convaincants" ou la tentative de vol de documents chez une procureur faussement aveugle.
Difficile de pointer plus de moments clefs au regard de la ribanbelle de séquences mémorables qui jalonnent la courte vie d'Arrested Development, série acérée et drolatique qui aurait mérité de durer plus longtemps. Pas trop non plus, la redite commençait déjà à guetter. Un peu, rien de grave. Selon l'expression consacrée, les meilleurs partent trop tôt. C'est souvent inexacte, pas ici, ce qui me permet de conclure sans trop d'efforts cette critique aussi bordélique que son sujet d'étude.
Arrested Development (Fox) - 2003-2006
Verdict du Père Siffleur