Nous consacrons un long article à Tagore (Rabindranath Thâkur, dit Tagore, 1861 – 1941) qui est une figure indienne marquante. Il n’est pas seulement le seul Lauréat indien du Prix Nobel de Littérature (en 1913), il est aussi un poète, écrivain, dramaturge, peintre et philosophe qui a marqué son temps et ses contemporains. Tagore fut aussi l’un des intellectuels indiens qui, par sa pensée et ses écrits, prépara les esprits au mouvement d’indépendance. À sa naissance, son père déclara magnifiquement et prophétiquement: « Il s'appellera Robindra, le soleil. Comme lui, il ira par le monde et le monde sera illuminé ».
Jeunes années (1861-1901)
Tagore est le plus jeune des treize enfants survivants de Debendranath Tagore et Sarada Devde. Il voit le jour à la résidence familiale de Jorasanko à Calcutta. Fils d'un des fondateurs du mouvement Brahmo Samaj (mouvement de réforme religieuse), et Tagore a été élevé dans une famille d'artistes et de réformateurs sociaux et religieux opposés au système des castes et favorables à une amélioration de la condition de la femme indienne. Bien que profondément ancrée dans les traditions hindoues et musulmanes, la famille de Tagore contribua généreusement à l'introduction en Inde d'un enseignement de type occidental, en particulier à la création d'établissements où l'on pouvait étudier les sciences et la médecine. Toutes ces circonstances expliquent l'attitude qui devait être celle de Rabindranath Tagore à l'égard de la vie : respect de la tradition et goût de l'innovation.
A l'âge de 11 ans, Tagore et son père quittent Calcutta le 14 février 1873 pour un voyage de plusieurs mois en Inde. Ils visitent le domaine paternel de Santiniketan et Amritsar avant de gagner Dalhousie, au pied de l'Himalaya. Là, Tagore lit des biographies, étudie l'histoire, l'astronomie, la science moderne et le sanscrit, et se plonge dans les poèmes classiques.
Envisageant de devenir avocat, Tagore s'inscrit en 1878 dans un établissement secondaire privé de Brighton en Angleterre. Il étudie le droit à l'University College de Londres, mais rentre au Bengale en 1880 avant d'avoir obtenu son diplôme. Le 9 décembre 1883, il épouse Mrinalini Devi (née Bhabatarini, 1873–1902). De cette union naîtront cinq enfants, dont deux mourront avant d'atteindre l'âge adulte. En 1890, Tagore commence à administrer le domaine familial de Shilaidaha (une zone qui appartient désormais au Bangladesh). Il y est rejoint par sa femme et ses enfants en 1898. Tagore vit sur la luxueuse péniche familiale, la Padma, et parcourt le grand domaine pour collecter les redevances (essentiellement des gages) des paysans et se consacrer à eux. En retour, les villageois organisent des fêtes en son honneur. Ces années, qui constituent la période Sadhana de Tagore (de 1891 à 1895), ainsi baptisée d'après un de ses magazines, sont parmi ses plus fécondes sur le plan littéraire. Il y écrit plus de la moitié des 84 histoires de son ouvrage Galpaguchchha en trois tomes. Elles dépeignent avec ironie et émotion un large éventail de modes de vies, en particulier des villageois.
Santiniketan (1901–1932)
En 1901, Tagore quitte Shilaidaha et déménage à Santiniketan (Bengale Occidental) pour fonder un ashram, qui par la suite prendra de l'importance. C'est là que meurent la femme de Tagore ainsi que deux de ses enfants. Son père meurt le 19 janvier 1905. Ses travaux lui valent un large soutien des lecteurs bengalis aussi bien qu'à l'étranger. Il publie ainsi Naivedya en 1901 et Kheya en 1906, tout en traduisant ses poèmes. Le 14 novembre 1913, Tagore apprend qu'il a remporté le prix Nobel de littérature. Ce prix lui a été attribué pour le caractère idéaliste - et accessible aux lecteurs occidentaux - d'une petite partie de son œuvre traduite, dont Gitanjali (L'offrande lyrique) parue en 1912 (traduite en français par André Gide).
En 1921, Tagore et l'économiste agricole Leonard Elmhirst fondent l'Institut pour la reconstruction
rurale (qui sera par la suite renommé par Tagore en Maison de la Paix), à Surul, un village voisin de l'ashram de Santiniketan. Par ce moyen, Tagore pense procurer une alternative au
symbole du mouvement de Gandhi, basé sur la revendication, qu'il désapprouve. Il recrute des spécialistes, des donateurs et des soutiens officiels de nombreux pays pour aider l'institut à mettre
en œuvre la scolarisation comme moyen de "libération des villages des fers de l'impuissance et de l'ignorance" en "revitalisant le savoir".
Au début des années 1930, il se préoccupe davantage de "l'anormale conscience de caste" en Inde et du sort des intouchables, faisant des cours sur ces maux, écrivant des poèmes et des drames avec
des protagonistes intouchables et appelant les autorités du temple de Gurovayoor à admettre les Dalits (intouchables).
A SUIVRE