Quasiment coup sur coup, la même année, nos cinéastes se plongent dans les affres de cette déportation avec une sensibilité extrême que ce soit chez Roselyne Bosch (« La rafle » sorti en mars dernier, voir dans ce blog), ou encore plus accentuée dans le regard sans complaisance de Gilles Paquet-Brenner.
La famille de Sarah, parquée comme tant d'autres au Vélodrome d'Hiver
Dès ses premières images, il donne le ton d’un récit éminemment poignant, qu’il pousse dans ses retranchements pour dire l’indicible, et dénoncer toute l’horreur des situations engrangées par la lâcheté et l’ignominie. La vision du Vel d’Hiv qui ouvre le film est insoutenable, plongée dans un réalisme sans partage : au milieu des excréments et des malades, des hommes, des femmes, des enfants, se serrent, hagards, fatigués, déjà morts.
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Le réalisateur a déjà dépassé le confinement extrême évoqué par « La rafle », pour raconter la même histoire, mais cette fois, d’après le roman de Tatiana de Rosnay , dont le décor inattendu est celui d’un appartement du Marais à Paris, où une famille polonaise habitait autrefois. En 2009, le fils du propriétaire décide de le rénover, quand son épouse, une journaliste comprend le drame qui s’y est déroulé en 1942.
Le film suit alors les deux périodes, et les deux familles, pour les rapprocher au fur et à mesure que la vérité voit le jour et que certains témoins de l’époque tentent encore d’en dissimuler l’existence.
En s'échappant du camp, Sarah est recueillie par un paysan bourru mais aimant ( Niels Arestrup)
C’est peut-être là l’aspect le plus poignant du film, car cette fois le réalisateur conduit sans lourdeur son récit, sans l’insistance des images qui généralement en font des tonnes. Je vous assure que la reconstitution du Vel d’Hiv ne laisse aucun échappatoire et vous glace le sang. D’autres séquences sont du même acabit et bien que le propos ne doit pas être édulcoré, doit-on le surligner à ce point ?
Le jeu des comédiens ne suit heureusement pas cette direction, la jeunesse et la grâce de la petite fille du couple, Sarah (Mélusine Mayance) la préservant d’un tel emballement. Son interprétation est poignante, sincère, sans détour. Plus apprêtée, mais toujours aussi juste, Kristin Scott Thomas assume parfaitement son rôle d’enquêtrice , qui empiétant sur sa vie privée , en vient à chambouler toute son organisation familiale et professionnelle . Au drame de l’Histoire s’ajoute son mélodrame personnel, qui frise le pathos.
Gilles Paquet-Brenner assure qu’il a voulu «faire un beau film du samedi soir, accessible et populaire, mais qui puisse susciter une réflexion». Je ne sais pas ce qu’est un film du samedi soir (le vendredi soir ce n’est pas le même ?) mais pour la réflexion, nul doute l’objectif est atteint.De l’arrestation massive lancée par la préfecture de police à la reconnaissance par Jacques Chirac du rôle de Vichy dans l’extermination des Juifs, ce film demeure nécessaire pour la grande histoire. Mais la manière de conduire cette même époque dans « La rafle » me semble plus pertinente. Une leçon d’instruction civique, que je ne retrouve pas ici.