Délocalisez, licenciez, gagnez des millions, mais n’allez pas vous embêter avec des salariés en lutte !
« Le tribunal de commerce de Paris a prononcé, hier, la liquidation judiciaire de la SARL Molex Automotive installée à Villemur-sur-Tarn (Haute-Garonne) qui a fermé ses portes fin 2009, laissant sur le carreau 288 salariés, annonce ce matin La dépêche. Malgré tout, la question du paiement des salaires et du financement de la cellule de reclassement reste d’actualité. Molex, qui doit encore 4 millions d’euros, a en effet mis un terme au plan social pour «punir» 190 salariés qui avaient saisi le tribunal de prud’hommes pour contester leur licenciement. »
L’avocat de Molex France, Jean-Philippe Lambert, était l’invité de La controverse d’Audrey Pulvar, émission animée par la journaliste sur France Inter dans la tranche du 7/9. Voici comment il justifie l’attitude de la direction américaine :
« Ce qu’il faut juste comprendre, c’est que la direction du groupe Molex a été parfaitement exaspérée par ce que j’appelle le folklore du droit social français. On demande des indemnités absolument mirobolantes puisqu’il faut bien comprendre qu’on demande actuellement à peu près dix ans de salaire. Donc c’est beaucoup. (…) [L'indemnité] représente à peu près 150 000 euros par salarié, ce en plus des sommes qui ont été octroyées au titre du plan social et je rappelle que le coût moyen par salarié au titre du plan social était de 100 000 euros, ce qui était le plan social le plus généreux qui avait jamais été octroyé. »
Pertinente intervention d’Audrey Pulvar : « Et par rapport à ce que va verser Molex à ses actionnaires cette année, ça représente quoi ? »
L’avocat ne se hasardera pas à répondre, il est des ordres de grandeur qui fâchent, livrés par le Nouvel Observateur : « Les revenus et le bénéfice par action ont atteint un record absolu en septembre »PDG Martin Slark, cité dans un communiqué. « Compte tenu de ces revenus et profits record, couplés à une organisation plus efficace qui résulte de la restructuration, nous augmentons le dividende de 14,8%. »
Restructuration, le mot est lâché. « La situation financière du groupe Molex dans son ensemble s’améliore grâce à la reprise économique en Asie et grâce au plan d’économies qu’il a mis en place et qui s’est traduit par des fermetures d’usines », explique l’hebdomadaire, précisant qu’il s’agit là du point de vue de la vice-présidente de Molex, Ana Rodriguez. Que reprend naturellement Jean-Philippe Lambert sur Inter : « La raison pour laquelle Molex verse des dividendes à ses actionnaires, c’est qu’elle a fait un plan de restructuration qui était extrêmement difficile – plus de 40 usines fermées, 14 dans le secteur de l’automobile – et puis elle a investi également beaucoup en Asie, comme vous le savez, et ces opérations asiatiques lui ont permis de financer notamment une partie du plan social de Molex (…). »
Magistrale reprise de volée d’Audrey Pulvar : « Ce que vous appelez des investissements en Asie sont des délocalisations. 40 fermetures d’usine, ça a été plutôt profitable pour Molex, hein, parce qu’ils sont passés en deux ans d’un million et demi, je crois, de bénéfices nets à 75 millions. Moralité : fermez des usines, licenciez des gens, délocalisez, ça sera profitable… » Lambert biaisera avec les difficultés du secteur de l’automobile, et patati et patata, ajoutant que les activités françaises étaient déficitaires.
Comme Ana Rodriguez : « Concernant la situation de l’usine Molex de Villemur-sur-Tarn (Haute-Garonne), fermée en 2009, « elle n’était pas rentable », a fait valoir la dirigeante du groupe américain », rapporte L’Obs. Mais la chronologie de toute l’affaire de l’hebdomadaire mentionne au 16 mai 2009 : « Selon le rapport du cabinet d’expertise comptable Syndex, dévoilé par le comité d’entreprise (CE) l’usine est économiquement viable. »
L’histoire s’achève aujourd’hui avec un numéro du ministre de l’Industrie qui fait mine de monter sur ses grands chevaux : « L’annonce ce matin du fait que Molex ait dégagé 75 millions de bénéfices dont 15% seront redistribués à leurs actionnaires est une démarche de mépris la plus totale, que ce soit à l’égard des salariés de Molex mais aussi du gouvernement français et de la justice de la France, proteste Christian Estrosi. J’ai demandé ce matin à Renault et à PSA de cesser toute commande à l’égard de Molex et qu’il n’y ait plus le moindre échange commercial entre (…) nos deux constructeurs et Molex qui méprise les institutions de notre pays, le respect de leurs engagements dans le domaine social. Il est temps de mettre fin à ce genre de comportements. »
Cause toujours, tu veux pas moraliser le capitalisme, tant que t’y es ? Il se contentera en fait d’un pur effet d’annonce : avec ses 15 et 3% du capital respectivement détenus dans ceux de Renault et PSA, ce n’est pas l’Etat qui commande, comme l’illustre un reportage de BFM TV, ajoutant qu’en pratique, de telles annulations de contrats sont inenvisageables.
Restera le souvenir d’une belle et grande lutte « des Molex », qui ont montré que, quand on se bat, on peut gagner. Comme « les Conti ». Pas éviter le licenciement, mais au moins obtenir des indemnités substantielles. Et garder sa dignité, au lieu de servir de paillasson aux prédateurs du capitalisme libéral mondialisé.
Par Olivier Bonnet pour « plume de presse »
Merci à Section du Parti socialiste de l'île de ré