Éditions Fides
373 pages
Résumé:
En cette année 1910, à la suite de la publication de Guerre et Paix et d’Anna Karénine, Léon Tolstoï est l’écrivain le plus célèbre au monde. Mais la notoriété a un prix. Déchiré entre ses exigences ascétiques et le luxe dans lequel il vit, le comte cherche la paix, loin de ses treize enfants et des discordes qu’attisent sa femme Sophia et son disciple Tchertkov. Il s’enfuit donc, ultime étape d’une quête vécue comme un chemin de croix qui s'achèvera dans la petite gare d'Astapovo, envahie le temps d'une agonie par une meute de journalistes.
Mon commentaire:
Une année dans la vie de Tolstoï est un roman merveilleusement bien écrit. L'auteur, Jay Parini, explique dans la postface, l'essence même de son travail. Il a d'abord lu le journal de Valentin Boulgakov, ancien secrétaire de Tolstoï, avant de se pencher sur les journaux des proches du grand écrivain. Il a alors eu l'impression de voir les mêmes scènes à travers un kaléidoscope. C'est un peu la forme que prend Une année dans la vie de Tolstoï.
Chaque chapitre fait intervenir un différent personnage. Tantôt récriminations, narrations, événements, lettres, poèmes, extraits, ce sont différents aspects de la dernière année de vie de Léon Tolstoï qui est est racontée par petites touches. Certains chapitres intitulés L.N. sont des réflexions ou des lettres de Tolstoï, alors que d'autres marqués J.P. me semble être des textes issus de la création de Jay Parini, excellents poèmes d'ailleurs.
La forme que prend le roman et l'écriture rappelle beaucoup l'univers de Tolstoï. On a le sentiment d'ailleurs qu'il hante ces pages. Les scènes de vie quotidienne sont souvent difficiles en cette dernière année, les époux Léon et Sophie se déchirent constamment. Intervient un nouveau secrétaire qui entre dans les bonnes grâces de Tolstoï, Valentin Boulgakov. Cet événement du roman de Jay Parini a d'ailleurs fait l'objet d'une adaptation cinématographique (The last station) que je n'ai pas encore eu la chance de voir.
Comme dans plusieurs oeuvres tournant autour de la vie de Léon Tolstoï, ce dernier ne donnait pas l'impression d'être un homme facile à vivre. Sa femme ne devait pas l'être non plus et la folie transparaît beaucoup dans les différents chapitres du roman. Même s'il s'agit d'une fiction, si on connaît un peu l'univers de Tolstoï, je trouve sincèrement que ce roman aide à mettre en lumière le Tolstoïsme et sa façon de le vivre, ainsi que les idées que véhiculaient Tolstoï et ses disciples. L'écriture contemporaine nous fait voir d'un autre oeil la façon dont on pouvait vivre à Iasnaïa Poliana. On ressent facilement l'atmosphère particulière dans laquelle baignait le Comte et sa famille.
Sans cesse, on ressent ce tiraillement constant de Tolstoï entre ses convictions et son mode de vie. Si on a lu les journaux des Tolstoï ou du moins des extraits, on retrouvera dans le roman l'essence même de ces écrits. La construction du livre est un collage de toutes sortes d'éléments qui ont été la dernière année de Tolstoï.
Une année dans la vie de Tolstoï est un roman que j'ai vraiment apprécié, il est intéressant car il reprend beaucoup de choses de la vie et des écrits de Léon Tolstoï et de ses intimes. L'auteur a travaillé afin d'être le plus près possible de la réalité, même s'il s'agit d'un roman. L'écriture est parfaite et c'est la structure éclatée du roman qui est la plus intéressante. Jay Parini est une belle découverte pour moi et son roman, Une année dans la vie de Tolstoï, devrait plaire à ceux qui s'intéressent à la vie du Comte Léon Tolstoï. Une excellente lecture.
Quelques extraits:
"Il écrivait Guerre et Paix et, chaque jour, m'apportait des pages à recopier. Je ne crois pas avoir jamais été plus heureuse, tandis que ma main noircissait ces pages d'une encre de Chine qui suscitait la vision la plus pure et sacrée qu'on ait contemplée ou rêvée. Liovotchka lui-même n'a jamais été plus heureux. C'est dans son travail qu'il a toujours trouvé le plus grand bonheur, rêvant ses rêves les plus grandioses et les plus doux." p.13
"L'esprit est le don le plus grand, le feu prométhéen offert aux hommes par les dieux. Voilà pourquoi Léon Nikolaïevitch attache tant d'importance à l'étude, à la contemplation. Ma grand-mère me disait toujours de prier sans y penser. Mais penser est le seul moyen de donner un sens à la vie, d'apprendre à vivre face à la mort, à notre disparition possible." p. 111
En complément:
Un petit mot sur la couverture que je trouve magnifique. Il s'agit d'une reproduction d'un tableau de Ilya Repine datant de 1891, intitulé Léon Tolstoï à sa table de travail. On aperçoit Tolstoï concentré, écrivant dans la chambre voûtée, chambre qui servit de cabinet de travail à Tolstoï pendant de nombreuses années. C'est dans cette pièce qu'il écrivit La sonate à Kreutzer.