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Sorties en salles : "Le commissariat"

Par Vierasouto



Pitch.
La vie d'un commissariat d'une ville de province, face à face entre les policiers les habitants et, par là, miroir de la ville...

"Commissariat" est le second documentaire d'un diptyque sur le milieu de la police, le premier "Flics" se passant dans une école de police. C'est justement en suivant les élèves de cette école qui, après 9 mois d'enseignement théorique, partent faire un stage de trois mois dans un commissariat, que les deux réal ont l'idée de faire une suite. Affectés au commissariat d'Elbeuf, non loin de Rouen où est située l'école, c'est donc d'Elbeuf qu'on va parler, une ville de province comme beaucoup d'autres mais pas toujours perçue comme telle. Il semble qu'Elbeuf ressemble à un croisement entre une zone rurale et une banlieue : "des champs à l'abandon au pied des grandes tours" des cités. Beaucoup de gens sans travail, d'oisiveté forcée, une multitude de problèmes de voisinage qui en disent long sur le moral, l'humeur, des habitants.

photo Pelléas

Le film débute la nuit dans la voiture d'une patrouille de police avec la banalité d'une conversation entre deux collègues entrecoupée par des appels radio, pendant tout le film, ce sont surtout les propos qu'ils tiennent qui vont définir les gens et leurs précoccupations. Car le bureau des flics où l'on reçoit untel pour l'interroger ressemble souvent à celui de l'assistante sociale. Un SDF a été interpellé parce qu'un voisin lui a donné un fusil pour se défendre. De quoi? des projectiles qu'on lance sur lui... Parce qu'il est alcoolique, drogué, et fiche la pagaille dans la cité...
Le commissaire se fâche, c'est pas malin de donner une arme à un paumé alcoolique qui ne sait pas ce qu'il fait. Mais le voisin explique qu'il faut qu'il se défende et ça fait mal au coeur d'entendre comment le SDF est devenu la tête de turc de l'immeuble. Suit une femme qui affirme que cet homme ne vit pas chez elle alors qu'il y possède toutes ses affaires, sa voiture garée devant la porte, le commissaire s'emporte : c'est pour toucher ses allocations qu'elle ment? et il la somme d'aller déclarer sa nouvelle situation de famille! Le commissaire est un vrai acteur de chez Pagnol, il compatit, s'emporte, comprend, gronde, puis retourne à sa position de flic qui prend une déclaration et rien de plus. C'est ce qui frappe, ce rappel soudain qu'ils ne sont pas là pour compatir mais pour agir, agacés d'avoir été touchés par des hommes et des femmes qui crèvent de solitude, avouent combien ça va mal, car, en dernier lieu, il ne peuvent en fait pas faire grand chose pour les aider... Dichotomie entre l'homme qui compatit et le flic qui sévit en même temps qu'une  fraternité spontanée avec ces gens qui pourraient être eux, avec la même origine sociale modeste, les mêmes problèmes sociétaux, si, à la différence de leurs interlocuteurs, eux n'avaient pas choisi "le droit chemin", le bon côté de la rue, ce qui fait leur fierté.

photo Pelléas

Le film, immergé dans le quotidien autant qu'il est possible de l'être, nous invite dans ce commissariat et ses antennes (les fourgons, voitures de police) avec des images d'un dénuement absolu, ce qui peut décourager, à première vue, mais on est vite ému par ce qu'on entend... Une jeune fille vient retirer sa plainte, violée, pas violée, c'est compliqué, fortement malmenée en tout cas par son mec qui lui impose certaines pratiques sexuelles, ne veut plus d'elle, préfère sa cousine... Ces traitements médicaux substitutifs qu'on ne prend pas, le spectre de l'hospitalisation, rassurant pour certains, de la prison, redoutée, on en sort encore pire qu'on y est entré. On assiste à ce paradoxe d'hommes qui sont acculés à parler puisqu'interrogés par les flics, alors, tout se déverse, ils racontent leurs malheurs, leur mal-être, mais, au final, c'est la justice qui tranche, impitoyable, cet espoir de solution, qu'a eu à moment donné celui qui s'épanchait, disparaît...
Sobre et efficace, un peu terne, mais émouvant souvent ; un film discret (trop?), dépouillé, anti-spectaculaire, pas politique non plus mais factuel, qui en dit long pourtant sur une ville, et l'extension de la détresse dans tout un pays.

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