Me voici donc, bientôt rejoint par la demoiselle en question, à attendre une heure devant l’Action Christine, calé sous mon parapluie, premier des spectateurs arrivé. Une heure sous la pluie, ça peut être long, mais lorsque après avoir déjà couvert le festival l’année dernière, après quelques années à fréquenter le Centre Culturel Coréen de Paris, et après avoir assisté à toutes les projections de films coréens qui se font de temps en temps ici ou là à Paris, l’attente est émaillée de retrouvailles diverses et variées avec des têtes connues. Voici l’un des charmes non dissimulés du Festival Franco-Coréen de Paris : coréens et parisiens s’y côtoient joyeusement et amicalement. De temps en temps, je discute un peu avec les des membres du staff, prenant des nouvelles sur les possibilités de voir mon amie participer à l’ouverture avec moi. « Allez, dites-moi que vous aurez assez de place pour elle ».
Une semaine qui commençait donc par The man from nowhere. Un titre international à portée énigmatique visant à l’évidence à étoffer un titre original plus simple mais parfaitement évocateur, 아저씨 (prononcez « ajeochi »), “monsieur” en coréen. Le « monsieur » en question est un prêteur sur gages vivant dans un immeuble populaire de Seoul. Peu bavard, notre héros a pour voisine une danseuse toxicomane, fricotant avec le milieu interlope du quartier mais prenant peu soin de sa fille. Celle-ci, une dizaine d’années, aime la compagnie de son voisin mutique et mystérieux. Mais les mauvaises fréquentations de sa mère vont bientôt l’arracher à son quotidien. La danseuse a doublé une bande de malfrats dans un trafic de drogues, et ceux-ci ne tardent pas à mettre la main sur elle et sa fille. Le prêteur sur gages, qui n’apprécie pas du tout que des truands s’en prennent à la petite, va tout mettre en œuvre pour sauver celle-ci.
Le fait que l’on soit dans un film coréen et non hollywoodien apporte quelques charmes de plus. Notamment cette propension à tisser des personnages dans l’excès total. Pas notre homme bien sûr, mais ceux qui se mettent en travers de sa route, qui confèrent parfois au grand-guignolesque pour notre plus grand plaisir. Le film a des travers, tout de même. Non les filles, je ne dirai pas du mal de Won Bin, l’idole des coréennes (« Pas que !! » me diraient certaines amies j’en suis sûr), qui se révèle convaincant sous les traits du protagoniste et fait le grand écart après son excellente interprétation du fils suspect dans le Mother de Bong Joon Ho.
La lumière rallumée, il était évident que le film d’ouverture avait plu. De l’action, du frisson, des sentiments, et un Won Bin comblant probablement les attentes des spectatrices qui attendaient de le voir sur grand écran. L’année dernière, le Festival Franco-Coréen du Film avait dégainé son meilleur film dès l’ouverture. Cette année, le premier film a fait son effet tout en promettant que finalement, le meilleur est certainement à venir. Et c’est très bien ainsi.