Sabre au clair. Ou plutôt “sulfateuse” à la main DDV, dans un registre lyrique et soigné, a étrillé tout au long de l’émission de Jean-Pierre Elkabbach le chef de l’Etat. Surfant sur la vague d’anti-sarkozysme parfois primaire, l’ancien locataire de Matignon a fait de Nicolas Sarkozy le bouc émissaire des maux de la société française de 2010.
Général sans troupes, lâché par la plupart de ses amis d’hier effrayé par la perspective de s’attacher les foudres vengeresses de l’Elysée, DDV est un homme dont la solitude est à peine masquée par l’embryon de mouvement qu’il a créé, République Solidaire.
Peu importe. Inconsciemment ou non, l’ancien condisciple de François Hollande et Ségolène Royal à l’ENA rejoue l’appel du 18 juin, habité, comme Jeanne d’Arc et de nombreux postulants à la magistrature suprême, par la conviction d’avoir un destin à accomplir.
L’essai qu’il publie ces jours-ci (De l’esprit de cour. La malédiction française-Perrin ) offre un éclairage sur la pensée Villepiniste : “Avant de devenir un sauveur, le passeur est toujours considéré comme un fou, un original ou un incontrôlable.”
Du côté de l’Elysée on estime justement que les trois derniers adjectifs qualifient bien l’ancien Premier ministre. Et comme au château on aime bien les éléments de langage, le sujet a été théorisé et formalisé depuis plusieurs mois. En février de cette année, Jean-François Kahn faisait état de l’argumentaire développé par l’Elysée sur la folie de Dominique de Villepin pour contrer son ouvrage à charge, La verticale du fou.L’ancien directeur de Marianne faisait état des pressions en provenance des proches de Nicolas Sarkozy pour faire adhérer les journalistes à leur thèse que, Villepin est fou.
Autant dire qu’au Château on n’a pas eu besoin de fouiller dans les cartons pour ressortir l’argument en réplique à l’entretien sur Europe 1. Le Parisien rapporte des propos qu’aurait tenu lundi Nicolas Sarkozy aux dirigeants de l’UMP réunis à l’Elysée : “Ne vous en occupez pas, il est devenu fou!“. Une théorie reprise aussitôt par un François Fillon candidat à sa propre succession à Matignon : “J’ai un setter irlandais. Il est beau, il est grand, mais il est complètement fou!”
L’actuel Premier ministre a sans doute encore en travers de la gorge la leçon faite par media interposé de son prédécesseur. DDV au micro d’Europe 1 s’était félicité de l’émancipation tardive de François Fillon qui “n’a plus peur de dire au Chef de l’Etat certaines vérités” pour mieux pointer un manque de courage : “ce qui est curieux, c’est que François Fillon ne le fait pas en face de Nicolas Sarkozy mais devant les Français“.
Acide, DDV souligne la dérive d’un régime de cour, reprochant à Nicolas Sarkozy “de ne pas avoir atterri depuis qu’il est à l’Elysée“. L’ancien secrétaire général de l’Elysée dénonce “la primauté donnée à l’air de plaire sur la capacité de faire“, n’hésitant pas à décrocher des flèches assassines aux membres du gouvernement lorsqu’il évoque “le spectacle hallucinant de la compétition entre ministres qui s’essayent à ramper sur la moquette des palais nationaux “.
“Je suis le seul dans la majorité à dire que la politique qui est menée n’est pas bonne pour les Français” clame DDV qui reproche au Chef de l’Etat au-delà “d’avoir fait prospéré une cour de perroquets apeurés“, “de ne pas changer sa politique qui a été définie avant la crise“.
Son invitation est simple à l’adresse de l’Elysée : “il vaut mieux faire preuve d’humilité et être capable de se remettre en cause et de s’adapter aux réalités.”
Mais l’attaque la plus virulente n’est pas là. Dominique de Villepin estime que “la France prend l’eau“, que le pays est “à l’envers” et qu’en conséquence, “la parenthèse que nous vivons doit être refermée“, la faute à un Chef de l’Etat qui ne défend pas les intérêts de la nation : “Quand Nicolas Sarkozy se lève le matin, est-ce qu’il se pose la question de l’intérêt général du pays ou est-ce qu’il se pose la question de l’intérêt de l’UMP, de son intérêt personnel ? Je pense que s’il se posait la question de l’intérêt général du pays, il ne prendrait pas les mêmes décisions.”
A gauche, on se frotte les mains devant cet affrontement sans merci à droite, digne du registre Abel contre Caïn. Pierre Moscovici incarne bien le sentiment dominant de nombreux socialistes lorsqu’il juge que la démarche de DDV n’est qu’à moitié courageuse, qu’il tape juste contre Sarkozy, mais qu’il oublie d’où il vient. “juste, parce que Nicolas Sarkozy par son style, par sa manie de cliver, pas sa brutalité, par sa violence, par le fait de ne pas incarner la fonction présidentielle, est un problème pour notre pays“, estime le député du Doubs qui relève toutefois que l’ancien secrétaire général de l’Elysée “est un homme de droite, voire un homme très à droite”.
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