Il existe une liste où sont recensés plus de 5000 « dissidents » de la physique qui proposent a peu près tous des théories alternatives d’une très grande diversité.
Cette prolifération est toute à la fois rassurante et inquiétante. Rassurante car elle témoigne de la vitalité imaginative dans les sciences, inquiétante car elle est le symptôme d’une pathologie particulière en physique.
Ce phénomène est assez unique car ce type de contestation ne se rencontre dans nulle autre science. Cette situation rappelle l’époque de la réforme protestante qui a vu un foisonnement d’interprétations du livre sacré, chacun étant invité à formuler sa propre conception de « la parole de Dieu ».
Car c’est bien de cela dont il s’agit lorsqu’on aborde les questions de cosmologie et de genèse de l’univers. Nous avons le sentiment de pénétrer là dans un domaine où nous touchons à l’essence du sacré, et qu’il nous est donné à nous pauvres humains de dévoiler voire de violer les secrets les plus intimes de la divinité. On comprend le vertige qui doit saisir ces esprits côtoyant les cimes, au contact des mystères de la création, touchant du doigt et des équations le mode même du fonctionnement de la matérialité physique.
Découvrant ces vérités qui nous semblent à nous seuls confiés, comme des prophètes élus, il est tentant de parcourir les rues et de crier « j’ai la vérité, j’ai la vérité, ohé braves gens, l’humanité est sauvée », ainsi que le proclamait le Zarathoustra de Nietzsche.
Les scientifiques professionnels du « milieu » sont accablés par cette abondance théorique d’une nuée d’amateurs qui ne respectent pas le conformisme en usage ni n’ont suivi le cursus obligé, arguant même que ces transgressions sont les conditions d’une sortie du cadre standard pour opérer un véritable renouveau. Le fin du fin est de mettre à bas la citadelle du Dieu Einstein, maître de la discipline et archétype de l’intelligence suprême.
Mais cette prolifération de théories a tout aussi cours dans la communauté scientifique et semble plus particulièrement marquée en cosmophysique où un nombre incalculable de thèses s’affrontent. On constate une coupure de ces experts avec leur public profane qui ne parvient pas à se laisser persuadé par l’ésotérisme des mathématiques, ni de l’évidence du big bang, de l’expansion de l’univers , de la matière noire et autres inventions qui relèvent parfois de la véritable science fiction. En physique des particules, la théorie de la grande unification est loin de faire l’unanimité et le boson de Higgs, particule de Dieu pour certains et devant parachever le Grand Œuvre n’est toujours pas sorti des entrailles du créateur.
Cette situation de grande confusion dans les espaces de la reine des sciences explique aisément que tout un chacun puisse tenter sa chance au loto de la découverte que viendrait récompenser le sacre d’un Nobel !
Mais, y aurait-il motifs à se plaindre ? Ce temps de la recherche collective est celui d’une grande passion, et nous pouvons envier l’époque Renaissante où un monde nouveau se mettait en place sur les ruines d’une civilisation ancienne. Notre post modernité se cherche des substituts au discours théologiques de la genèse et la cosmologie scientifique a désormais la prétention d’offrir en remplacement un « système du Tout », englobant les physiques microscopique et macroscopique. La révélation de l’ultime vérité n’appartient plus aux théologiens mais aux scientifiques : voici venu le temps d’un nouveau type de prophète.