Écrit par Le Jour
Mardi, 09 Novembre 2010 19:11
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Lors de vos tournées en Europe et aux Etats-Unis, votre public est-il constitué uniquement de Camerounais, ou est-il mixte ?
Mon public est très varié. Il y a certes de nombreux Camerounais, mais il y a aussi des Tchadiens, des Sénégalais, des Ivoiriens, etc. Je dois d'ailleurs vous dire que j'ai été nominée au Sénégal pour le prix du meilleur artiste africain de l'année. C'est vous dire que ma musique n'est pas appréciée que par des Camerounais. J'ai eu une chance extraordinaire d'être entourée par des aînés qui avaient déjà mis le bikutsi à un niveau très élevé et ils m'ont permis d'avancer pour aller plus loin que les frontières de l'Afrique centrale. Mon objectif est que ma musique aille au-delà de l'Afrique. Qu'elle soit écoutée en Europe et même aux Etats-Unis. Les Congolais ont réussi ce pari et je pense que nous aussi, nous le pouvons. Un seul artiste congolais fait le plein du Zénith. Pourquoi pas moi ?
Dans une interview de vous que nous avons lue sur Internet, vous estimez que la ministre camerounaise de la Culture est « une complexée ». Pourquoi ?
J'ai effectivement accordé cette interview, mais les propos rapportés ont été déformés. Le journaliste en question m'a posé des questions sur le fonctionnement du ministère de la Culture et sur le Cinquantenaire. Je lui ai dit, et je le maintiens, que les cadres du ministère de la Culture sont des complexés. Je m'explique : quand un artiste du terroir va demander à rencontrer le ministre, il traîne des jours pour rien. Mais, quand c'est un artiste de la diaspora, les fonctionnaires du Mincult se plient en quatre. Pendant le Cinquantenaire, les artistes locaux ont été méprisés, tout comme les animateurs. Or ceux de la diaspora, sans être forcément plus talentueux, étaient choyés, couvés de cadeaux, payés à des montants exorbitants. Alors que nous autres n'avions même pas le droit de négocier nos contrats. Je n'ai à aucun moment cité le nom du ministre.
Etes-vous d'accord avec le fonctionnement de la Socam ?
Si je vous disais oui, je vous mentirais. Moi je n'ai jamais vu la nécessité de créer une autre société de droit d'auteur alors que la Cmc existait déjà et marchait bien. Il fallait juste passer au vote pour désigner d'autres dirigeants. Je pense que les artistes doivent se mettre ensemble pour faire fonctionner la Socam. Ce n'est pas la propriété d'Odile Ngaska et elle ne peut rien faire toute seule. La Socam ne fonctionne pas. Ça fait longtemps qu'on n'a plus payé les artistes. J'ai sorti mon premier album (Le ventre et le bas-ventre) sous la Cmc. Tous les trois mois, je percevais quelque chose, tout comme les autres artistes. Ce sont les dirigeants de la Cmc qui m'appelaient pour me demander de venir percevoir mon dû. Les choses marchaient très bien. Depuis des mois, je n'ai rien perçu à la Socam, même pas mes droits mécaniques. Je laisse les droits d'auteurs. Il est hors de question que mes droits mécaniques ne soient pas payés. C'est du vol. je dois dire à tous les artistes qu'ils peuvent saisir un avocat pour exiger le payement de ces droits. Quand Odile Ngaska a commencé, tout allait bien. Elle a exigé qu'on nous paie par la banque et j'ai été la première à aller la féliciter dans son bureau. Mais aujourd'hui, on est totalement perdu. La Socam fonctionne mal. Ce n'est pas un problème personnel avec Mme Ngaska. C'est un problème entre les artistes et la Socam. Il faut arranger cette société.
Parlons de vos débuts dans la musique : avez-vous été danseuse de K-Tino ?
Tout ça me fait rigoler. Je n'ai aucun rapport personnel avec K-Tino. Je la connais comme une grande chanteuse, de la même manière que Grace Decca, Petit Pays, etc. Je ne peux pas vous dire que j'ai déjà échangé cinq minutes avec K-Tino. Je vous mentirai. Par contre, Grace Decca et Petit Pays ont déjà partagé des podiums avec moi. Tout ce que je sais de K-Tino c'est qu'elle est une grande artiste que je respecte et vénère. Elle a mis la musique camerounaise à un niveau respectable et j'essaie de continuer. Une autre viendra après moi poursuivre et ainsi de suite. Je n'ai jamais été danseuse de ma vie. Je n'ai même jamais fais des cabarets de bikutsi. Je suis entrée pour la première fois à Carrousel quand j'étais déjà une star. K-Tino, je ne la connais pas. On s'est parlé au téléphone plusieurs fois, quand j'ai donné un spectacle au Gabon elle a invité mes danseurs à dîner. C'est une grande artiste, une dame respectable. Les artistes qui m'ont pris par la main c'est Josco, Ahidjo Mamadou, Ama Pierrot, Bisso Solo. Ils sont venus vers moi dès mon premier album. Je suis arrivée au bikutsi par hasard. Cela ne faisait pas partie de mes préférences musicales. Mais aujourd'hui, je dis merci à Dieu.
On vous a entendu tempêter sur les antennes de Magic Fm jeudi dernier. Quel était votre problème ?
Je tiens à dire que les animateurs doivent arrêter de nuire aux artistes. Leur rôle c'est de vendre le rêve et pas de nous détruire. Entre les artistes et les animateurs, il doit régner de l'harmonie et pas une guerre permanente et inutile. Un animateur est libre de ne pas diffuser les chansons d'un artiste. Mais, pas de s'attaquer à la vie privée d'un artiste. A cause de certains animateurs, j'ai dû déménager mes enfants de Yaoundé. Tout simplement parce que je n'arrive plus à écouter la radio devant mes enfants. On ne se cultive plus à Yaoundé en écoutant la radio. Mon fils aime écouter la radio, mais je le lui ai interdit. Parce que j'ai peur qu'il écoute des injures, des propos discourtois et toutes sortes de grossièreté venant des animateurs. Je ne comprends pas que les promoteurs de ces radios investissent des millions pour les laisser entre les mains des gens qui n'ont de talent que pour insulter et dénigrer d'honnêtes gens, sans preuve. C'est pathétique. Que ces promoteurs se mettent un peu à la place des victimes qui ont des enfants et des amis qui écoutent chaque jour comment on les détruit à la radio. Il faut que ça cesse. Le Cameroun a des gens intelligents. Il faut faire confiance à ceux-là. Quand je suis arrivée en Europe pour la première fois, je n'ai pas été impressionnée par les gens. Parce que ici, nous avons des valeurs. De grâce, que nos animateurs nous soutiennent, dénoncent nos frasques, mais, qu'ils le fassent avec classe. A cause d'eux, les artistes ne font plus rêver. Allez au Congo, en Cote d'Ivoire et voyez comment les artistes sont traités.
Qu'est ce que vous avez prévu pour les fêtes de fin d'année qui approchent ?
Je suis en studio en ce moment. Je travaille sur mon prochain album, mais la sortie n'est pas pour demain. Je vais passer tout le mois de décembre ici. J'ai des spectacles en vue. J'ai beaucoup de contacts dans ce sens, mais je n'ai plus envie de faire des play-back. Si je fais un spectacle au Cameroun, il faut que ce soit quelque chose de grandiose. La place que mes fans m'ont donnée dans ce pays ne m'autorise plus à faire du n'importe quoi.
Vous êtes propriétaire depuis quelque temps d'un cabaret, la Ponce attitude...
C'est un cabaret que j'ai fait pour mes danseuses. J'ai constaté que je voyageais beaucoup et chaque fois que j'étais absente, mes danseuses souffraient beaucoup. Elles ont été avec moi dès mes débuts et je ne supporte pas de les voir en difficulté. C'est vrai que je leur donne des miettes chaque fois que je suis de retour d'une tournée, mais ce n'est pas suffisant. On dit qu'au lieu d'offrir du poisson à un enfant, il vaut mieux lui apprendre à pêcher. J'ai donc créé ce cabaret pour elles et je leur ai demandé d'aller en studio pour préparer leurs albums à elles. Quand je ne suis pas là, le revenu qu'elles reçoivent au cabaret leur permet de vivre, au moins de payer leurs loyers.