Le genre du polar historique, semble-t-il, est en pleine essor, grâce à des auteurs comme Anne Perry ou Danila Comastri Montanari. Il faudra désormais compter avec Jean-Louis Marteil, auteur de La chair et la salamandre aux éditions La Louve.
Et quand l'architecte incompétent qui l'a conçu est retrouvé étranglé et noyé, il se murmure que l'eau a tué. Qui donc peut en vouloir à Bertrand de Vers au point d'organiser ces mises en scène macabres? C'est dans un Moyen-âge impitoyable et prompt à la bagarre que notre héros mène l'enquête, avec son fidèle bras droit Domenc.
C'est un livre remarquable que nous propose Jean-Louis Marteil, et sur plusieurs aspects. Doit-on en priorité mettre en avant la précision historique, et la peinture réaliste d'une époque difficile, ou l'aspect policier de l'histoire? Difficile question, tant les deux sont liés dans ce roman.
Car effectivement, c'est un roman historique, et malgré la prospérité de la famille de Vers, le lecteur réalise sans peine à quel point la vie au Moyen-âge était difficile : c'était une époque rude, où les bagarres étaient monnaie courante (on en trouve de nombreuses occurrences dans ce roman), où la mort laissait indifférent pourvu que le mort ne soit pas trop puissant, où les embuscades et les viols étaient des choses communes. Jean-Louis Marteil décrit tout cela avec précision à tel point que l'on s'y croirait.
Mais c'est également un roman policier : l'on nous propose une intrigue bien ficelée, avec un suspense indéniable. L'on soupsonne tour à tour divers personnages, sans jamais approcher la vérité. La fin est évidemment des plus surprenantes.
Un des grands atouts du roman est sans doute les divers personnages : certains effrayants, d'autres grotesques, ils évoluent dans un univers parfois absurdes. Ils font rire, mais rire jaune. Que ce soient les hommes de main violents, avinés et bêtes comme leurs pieds, ou le vieux Matteo Conti qui essaie désespérément de trouver une femme pour son benêt de neveu, ils sont tous nécessaires à l'action. Jean-Louis Marteil brille particulièrement lorsqu'il s'agit de créer des personnages ridicules, pitoyables. Un exemple frappant est probablement Giovanni, le fameux neveu, qui est à la fois très laid et très bête, et fantasme sans vergogne sur les filles de Bertrand de Vers. Ou encore le capitaine Mord-Boeuf, qui, chargé de la protection de la maison de Bertrand, s'endort et empêche les autres d'en faire autant en ronflant tant que la fille de la maison hésite à lui renverser son pot de chambre sur la tête. Ces personnages de farce se retrouvent souvent dans des situations burlesques et empêchent le roman d'être véritablement sombre. L'humour est en effet omniprésent, bien que ce soit un humour indéniablement noir.
C'est un roman qui se lit vite, et bien, et le style, je crois, y est pour beaucoup. Soutenu sans être lourd, il utilise des mots de l'époque, où dont le sens s'est plus ou moins perdu de nos jours : toutefois, la compréhension du lecteur n'est jamais entravée par ces effets, qui apporte beaucoup à l'ambiance : ainsi, on constate l'emploi du verbe "espérer" à la place du verbe "attendre", un verbe qui a perdu son sens premier au fil du temps. Ce n'est qu'un exemple parmi d'autres !
C'est donc un roman historique que je conseille vivement aux amateurs du genre, et aux autres, pourquoi pas ! Je remercie vivement les éditions La Louve et Livraddict de m'avoir permis de lire ce livre.