Dans un « Livre vert », paru en juillet dernier, la Commission de Bruxelles a préconisé un recul général de l’âge de la retraite dans l’Union européenne : « En Europe, il est prévu que le nombre de personnes retraitées doublera d’ici à 2060 par rapport au nombre de celles qui financent leurs retraites : la situation actuelle n’est tout simplement pas viable. », peut-on y lire ; ce qui est affirmé dans ce rapport, certes, n’est pas faux.
Mais que dire de la retraite des hauts fonctionnaires bruxellois ? Ils ont un statut qui n’existe nulle part ailleurs en Europe et probablement au monde ! A l’origine, ces conditions ne concernaient que les commissaires européens proprement dits, au motif que leur situation était précaire puisque le gouvernement qui les nomme peut aussi les récuser. Puis ces dispositions avantageuses ont été étendues à presque tous les hauts fonctionnaires et notamment aux magistrats de la Haute cour de justice.
Première caractéristique déjà exorbitante : ils ne paient aucune cotisation, alors que les fonctionnaires européens de rang plus modeste s’acquittent d’une cotisation de 11% sur leur traitement. Pour ce prix-là – si j’ose dire ! – nos hauts fonctionnaires touchent jusqu’à 70% de leur salaire mensuel antérieur, sachant que celui-ci tourne autour de 22 000 €, cela leur fait une retraite de 14 000 €. Et au bout de combien de temps de service, me direz-vous ? 42 ans ? 40 ans ? Vous n’y êtes pas ! 16 ans ! Cela dit, ceux qui n’arrivent pas à tenir 16 ans n’auront pas tout perdu ; ils jouiront d’une retraite au prorata temporis qui reste sans commune mesure avec ce que nous connaissons. Ainsi, Jacques Barrot, vice-président de la commission chargée des transports, au terme de seulement cinq ans de mandat, a eu droit, en octobre, à une pension de 4728,20 €. Depuis lors, il a été nommé au Conseil constitutionnel et, à ce titre, il aura droit à 13 000 € mensuels qui s’ajouteront à sa retraite de parlementaire. Le pôvre !
Ceux qui partent avant l’âge de la retraite bénéficient d’une sorte de parachute doré sous forme « d’indemnité de déménagement » sachant que tous les coûts (transports, assurances…) sont, en plus, pris en charge par l’Union. S’ajoute une « indemnité de transition » servie mensuellement pendant trois ans en proportion du salaire de base et de la durée du mandat effectué (40 % pour moins de deux ans, jusqu’à 65 % au-delà de 15 ans). Au total, en cumulant les deux indemnités, les partants peuvent espérer toucher entre 300 000 et 500 000 € !
Ces dispositions, arrêtées en 1967, n’ont jamais été réformées depuis, si ce n’est en y ajoutant de nouveaux bénéficiaires du régime de retraite. La décence, à défaut du sens de la justice, aurait dû inciter la Commission de Bruxelles à revoir à la baisse tous ces privilèges, au moment où elle demandait aux gouvernements nationaux de résorber le déficit des caisses en reculant l’âge du départ à la retraite. Mais non, rien ! La crise, on ne connaît pas à Bruxelles, sauf pour demander aux Européens de se serrer la ceinture. Même les parlementaires français ont mis fin à leur très avantageux régime de retraite en l’alignant sur celui de la fonction publique, qui n’est pas, loin de là il est vrai, le plus mauvais…
Article paru dans le Bulletin d’André Noël n° 2211 du 8 au 14 novembre 2010
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