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De la dérive mercantile des musées

Publié le 07 novembre 2010 par Edelit @TransacEDHEC

La dernière exposition du musée Carnavalet à Paris organisée du 13 octobre au 27 février prochain sur l’histoire de l’entreprise Louis Vuitton crée actuellement la polémique sur son intérêt culturel. Retour sur un phénomène récent : la dérive mercantile des musées nationaux, parisiens en particulier.

Depuis quelques années les musées nationaux ont développé de manière significative un commerce lié à la culture qu’ils véhiculent. Ceci passe par exemple par le boom des produits dérivés et des boutiques de musées : celle du Louvre enregistre en moyenne un chiffre d’affaire de 21 millions d’euros depuis les deux dernières années. Cela se manifeste aussi par l’augmentation de nombre de tournages de films faisant intervenir des musées prestigieux tels que Le Louvre qui a servi de décor à certaines scènes de l’adaptation cinématographique de Da Vinci Code de Dan Brown. L’émergence de ces derniers phénomènes n’affecte cependant pas les visiteurs si ce n’est qu’ils sont peut-être plus poussés à consommer dans des lieux qui, auparavant, étaient entièrement réservés à la sacro-sainte culture.

Mais le mouvement ne s’arrête pas là, au contraire. Les musées d’envergure mondiale se prêtent aujourd’hui entre eux de plus en plus de leurs œuvres pour des expositions temporaires, ce qui peut surprendre voire décevoir le visiteur lors de sa visite puisque cette information ne peut se trouver que sur place…  Les désagréments de ce type ne sont malheureusement pas les seuls que connait le public. Le prix du ticket d’entrée et les laissez-passer divers ont aussi été touchés par ce changement : au Louvre les droits d’entrée ont augmenté de 13% en 2004 par rapport à 2003 quand les étudiants étrangers ou âgés de plus de 26 ans, les artistes professionnels et les enseignants se sont vus retirer leur laissez-passer à l’entrée au début 2004.

Cette évolution mercantile des musées peut s’expliquer par le fait que les plus grands musées nationaux sont récemment devenus des marques et doivent donc défendre leurs valeurs et leur image au niveau mondial. Ainsi la marque Louvre prévoit d’ouvrir un musée à Abu Dhabi prochainement et certainement pour concurrencer la création du musée Guggenheim qui a ouvert ses portes à Bilbao en 1997. Cette opération de la marque française largement controversée lui rapportera environ 850 millions d’euros pour le développement de nouveaux départements et la restauration d’œuvres.

Cependant les opérations commerciales les plus spectaculaires des musées sont le mécénat qui les lient avec de grosses entreprises comme en témoignent la restauration de la Galerie des Glaces à Versailles financée par Vinci, la participation à la création du département des arts de l’islam et l’accompagnement à la réfection de la Galerie Apollon au Louvre par le groupe Total ou encore le don de collections par des entreprises telles que Samsung au Musée d’Orsay, par exemple, et dont le logo apparaît visiblement à côté de la description des œuvres. Mais la tendance actuelle en termes de mécénat semble être celle de l’exposition dédiée à l’histoire de l’entreprise plutôt qu’à la donation d’œuvres. L’impact auprès du consommateur-visiteur y est bien plus fort.

L’exposition ou publi-exposition, comme l’appellent certains historiens d’art dont Jean Clair, permet de réunir un ensemble d’œuvres aux traits communs, toutes les toiles d’un même peintre par exemple, ce qui augmente l’intérêt de venir au musée. De telles expositions posent la question de la frontière entre travail d’artisan et travail d’artiste et constituent aussi une véritable vitrine pour l’entreprise en question. Et cela, Louis Vuitton l’a bien compris pour l’exposition de ses œuvres – ou de ses produits ?-, au musée Carnavalet à Paris : les intérêts culturel et scientifique y sont réduits et l’histoire de la famille lissée de son passé trouble. On peut bien se demander alors, quels autres avantages que l’augmentation des entrées pendant la période de l’exposition le musée va-t-il retirer puisque Louis Vuitton ne lui a promis, à ce jour, aucun mécénat ? Et finalement, jusqu’à quel point un musée peut-il faire de la publicité à la manière d’une entreprise ?

M.F.


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