Et de trois. Le Grand-Paris semble devoir s’inviter dans les grands rendez-vous du Président de la République. Après le discours de Roissy en juin, l’inauguration de la cité de l’architecture en novembre, c’est la première conférence de presse de l’année qui donne à Nicolas Sarkozy l’occasion de préciser sa vision du Grand-Paris. Préciser n’est d’ailleurs peut-être pas le mot juste, car d’une déclaration à l’autre, l’approche varie sensiblement.
Le 26 juin Nicolas Sarkozy déclarait à Roissy « il faut enfin agir sur l’organisation des pouvoirs. Paris est la seule agglomération de France à ne pas avoir de communauté urbaine. Alors qu’elle est la plus grande et la plus stratégique des régions, l’intercommunalité y crée des périmètres sans substance réelle. Quant aux départements, qui peut comparer le rôle d’un département de petite couronne et celui d’un département rural, alors qu’ils ont les mêmes pouvoirs, la même fiscalité, la même structure ? » Aujourd’hui, 6 mois plus tard, il semble aborder de façon différente la question du Grand-Paris sur lequel la « réflexion ne doit pas être engagée d’abord sous l’angle des institutions, de la gouvernance, mais sous l’angle de l’urbanisme, de l’architecture, de la sociabilité, de la convivialité, de la qualité de vie, de la place de l’homme dans la ville ». Le but ultime : « Paris doit retrouver sa vitalité, son rayonnement, son attractivité, sa créativité. Paris doit redevenir pour le monde entier le symbole d’un art de vivre, de la plus belle ville du monde, que de nouveau elle étonne, elle fascine. »
Cette nouvelle approche est d’ailleurs assez cohérente avec le discours que le Président de la République avait annoncé qu’il souhaitait « qu’en concertation avec l’ensemble des collectivités concernées, à commencer par la ville de Paris, huit ou dix agences puissent travailler sur un diagnostic prospectif, urbanistique et paysager, sur le Grand Paris à l’horizon de 20, 30 ou 40 ans », le Président Sarkozy dénonçant à cette occasion le « scandale de l’abord des villes » où la laideur « n’est pas une fatalité ». Et effectivement, sur le site de l’EMOC, l’établissement public de maîtrise d’ouvrage des travaux culturels, on trouve un appel d’offre public lancé pour le Minsitère de la Culture et intitulé « Le grand pari de l’agglomération parisienne – consultation internationale de recherche et développement pour l’avenir du Paris métropolitain. » Un avis d’appel public à la concurrence a été publié le 27 décembre, date de remise le 2 février prochain. L’appel précise que « l’objectif est d’obtenir à l’issue de ces six mois un ensemble cohérent de productions à la fois théoriques et pratiques, conceptuelles et opérationnelles. Il s’agit d’organiser le dispositif efficace d’une dynamique collective permettant aux dix équipes sélectionnées de produire, au sein d’ateliers de recherche, le corpus d’une « pensée territoriale » consacrée l’avenir de la métropole du XXème siècle (sic) en général, et l’avenir de l’agglomération parisienne en particulier. »
Bref, tout cela paraît bien loin des questions de gouvernance qui agitent les milieux politiques petits et grands parisiens. Pourtant, lorsque Nicolas Sarkozy ajoute aujourd’hui dans sa conférence de presse que « la situation de l’agglomération parisienne est devenue inacceptable. La dureté de la vie que l’on impose à un trop grand nombre de ses habitants, les coûts humains, écologiques, sociaux qu’engendrent ces dysfonctionnements ne sont pas supportables… » de quoi parle-t-il vraiment ? D’urbanisme ou de l’impossibilité de gérer de façon cohérente l’agglomération en raison en premier lieu de l’incohérence et de la complexité du mille-feuilles institutionnel qui la gouverne ?
Et quand il annonce “Je vais m’impliquer personnellement dans ce dossier… Je ne laisserai pas ce projet s’enliser. Je ne laisserai personne le bloquer” en promettant que “tout sera fait en concertation, en association avec les Franciliens, leurs élus, les maires, les conseils généraux, le conseil régional“, on a l’impression de retomber dans la gouvernance et l’aspect politique de la question du Grand-Paris.
Et c’est bien dans le registre politique que Bertrand Delanoë, le maire de Paris réplique dans l’instant au Président de la République en faisant tout d’abord remarquer que si ce dernier a la « volonté de faire de l’agglomération parisienne un « laboratoire de la modernité humaine », lui ne « ne considère pas les Parisiens et les Franciliens comme les « cobayes » d’une politique ou d’un homme. »
Moins polémique et plus sérieusement, Bertrand Delanoë rappelle que depuis son arrivée à la mairie de Paris en 2001, le dialogue entre Paris et la banlieue est renoué, notamment avec « la mise en place de la Conférence métropolitaine en juillet 2006… étape décisive vers la création d’un cadre institutionnel, partant des élus eux-mêmes, et destiné à répondre concrètement aux grands enjeux qui se posent à notre agglomération. Ainsi, Paris Métropole pourra faire vivre une véritable solidarité, y compris fiscale entre toutes les collectivités qui la composeront. De même, cette instance devra dans toutes ces communes, garantir le respect de la loi – aujourd’hui bafoué - sur le logement social ainsi que sur l’hébergement d’urgence : comment l’ancien président du Conseil général des Hauts de Seine et ex maire de Neuilly pourrait-il ne pas adhérer à de tels objectifs ?… » Un partout la balle au centre pourrait-on dire.
Se refusant à rester dans le domaine urbanisme et beauté de la ville, le communiqué du maire de Paris poursuit « de même, l’enjeu des déplacements, de l’innovation et du développement économique et de l’environnement appelle la mise en œuvre d’une nouvelle ambition pour l’agglomération parisienne. Nous regrettons d’ailleurs que le Grenelle de l’environnement (fut-il enlisé) ait exclu l’Ile de France des mesures annoncées. » Avantage Delanoë ?
Bertrand Delanoë finit tout de même sur une note d’ouverture, en concluant qu’il est « donc disponible pour une véritable concertation. Je constate toutefois que depuis les premières annonces du Chef de l’Etat sur le sujet, en juin dernier, aucune initiative, aucun contact n’a été engagé en direction des élus franciliens. Pour notre part, lors de la dernière réunion de la conférence métropolitaine, le 5 décembre 2007, nous avons posé le cadre d’une telle concertation qui se traduira par la réunion d’assises de l’agglomération parisienne, dès après les élections municipales et en présence des élus légitimés par le suffrage universel. Il n’y a donc pas d’enlisement à un processus de concertation authentique auquel l’Etat ne s’est pas associé jusqu’à ce jour. »
Suite du match au prochain discours de Nicolas Sarkozy ? En tout cas à suivre…
Jean-Paul Chapon
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