Ip Man - In the last great war one man defied an empire

Par Ashtraygirl

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Second dvd reçu pour cette 3ème édition de DvdTrafic, Ip Man me fait cette fois lorgner du côté du film d'arts martiaux hongkongais. Un genre plutôt éloigné de ceux que je côtoie d'ordinaire. Mais qu'importe! Là est tout l'intérêt de participer à ce programme: visionner certains de ces films qu'on n'aurait pas forcément eu l'idée d'aborder en temps normal. Et si Ip Man a retenu mon attention, c'est sans doute parce que, mise en condition par le récent - et excellent - remake de Karate Kid, renouer immédiatement après avec un peu de kung-fu me bottait plutôt bien. De plus, découvrir le personnage de Ip Man, celui qui a inspiré et formé la légende Bruce Lee, m'intriguait au plus haut point.

L'aspect qui a le plus retenu mon attention ici, est moins le côté film de kung-fu que celui de biopic d'une figure emblématique en Chine. En réalité, je m'attendais d'avantage à un film retraçant l'ensemble de la vie du maître, et se concentrant peut-être sur sa parenthèse avec celui qui devint une légende mondiale: Bruce Lee. Mais, en définitive, ce biopic-ci se concentre sur une période bien précise de la vie de Ip Man, dans un contexte houleux de l'histoire chinoise, méconnue des occidentaux que nous sommes: celle de l'occupation japonaise qui dura huit ans et mit le pays à feu et à sang dans les années 30.

Le film débute en douceur, à Foshan, fief des meilleures écoles de kung-fu du sud de la Chine, durant une période prospère. C'est là que vit paisiblement Ip Man (Donnie Yen, magistral), jeune lettré aisé et génie du wing chun, respecté et aimé de tous. Déjà à l'époque, il est une légende à l'échelle du canton. Tous sollicitent la faveur d'être formé par lui aux secrets du wing-chun. Mais Ip Man refuse d'enseigner son art, par humilité et souci de se préserver, sa famille et lui.

 

Wilson Yip ancre d'abord le personnage dans ses habitudes quotidiennes, déployant peu à peu son aura qui suscite l'admiration, à travers la maîtrise de soi, la pondération, la finesse d'esprit et l'élégance d'un homme qui vit en parfaite harmonie avec son art, auquel il consacre tout ou presque. Plus qu'un art martial, le wing chun est dans la première partie dépeint comme une attitude, un mode de vie, une ligne de conduite de laquelle il ne faut pas dévoyer sous peine de perdre en maîtrise, en technicité et en puissance... une puissance contrôlée, apprivoisée, et humble, qui n'appelle pas la violence ni la haine, mais le respect de soi et d'autrui. D'adversaire en adversaire, Ip Man consolide sa réputation, jamais vaincu, jamais dépassé, jamais hors de ses gonds, toujours égal et modéré. Wilson Yip insinue alors, en parallèle, le revers de la médaille: le poids de la notoriété, les jalousies parfois, les commérages toujours, et l'esprit de compétition pas toujours sportif que suscite le maître chez les pratiquants des environs.

La première partie du film restitue également le faste charmant des années 30, distillant une certaine douceur de vivre, notamment à travers la reconstitution de la demeure d'Ip Man, opulente sans ostentation. Une ère prospère, lumineuse, restituée par une photographie brillante.

Puis l'on aborde la seconde partie du film, beaucoup plus sombre, et bien plus dramatique: celle de l'occupation japonaise de Foshan. La population, opprimée, crevant la faim, dépossédée de ses droits et de ses biens, vit sous le joug violent des japonais. Ip Man et les siens, déchus de leur ancien statut, se retrouvent dans la même situation que leurs compatriotes. Ip Man abandonne le wing chun, contraint de travailler pour la première fois de sa vie, afin de subsister. Un changement radical de vie, qu'il accueille avec philosophie, comme toujours. Mais lorsqu'il apprend que les japonnais organisent des combats de kung-fu entre soldats de l'empire et civils chinois, les principes d'antan de Ip Man vont peu à peu vaciller. Confronté à ceux qui tyrannisent son peuple, il va devoir sortir de sa légendaire réserve pour venger ses compatriotes, et redonner foi aux habitants de Foshan. Dés lors, la carapace du maître se craquelle, et l'on prend conscience de ses doutes, et d'un sentiment d'inadéquation par rapport à un monde qui va à l'encontre de ses aspirations profondes.

La seconde partie du film est l'exacte opposée de la première: tumultueuse, violente, cruelle, sombre et désespérée. Wilson Yip joue beaucoup sur la haine irraisonnée des japonais à l'encontre des chinois, qui renforce encore notre empathie à leur égard. L'opposition entre la philosophie incarnée par Ip Man et celle symbolisée par les japonais est aussi criante que celle divisant le film en deux parties bien distinctes, renforcée par une photographie ternie, tendant vers le sepia, occultant les couleurs, éteignant la luminosité des plans, comme pour mieux en souligner l'amertume.

Ip Man, lui, au lieu de choir de son piédestal, alimente encore un peu plus sa légende, dans sa constance et son patriotisme acharné. Au lieu de le briser, cet épisode douloureux de son existence le sublime tant dans son wing chun, à son apogée, que dans son humanité devant laquelle on ne peut que s'incliner.

Les combats, superbement chorégraphiés et à la fois poétiques et humoristiques dans la première moitié du film, se font plus brutaux et plus techniques dans la seconde, révélant toute leur force dans deux affrontements époustouflants, impressionnants de maîtrise et de rage contenue. Car c'est sans doute le plus "frappant" dans ces combats: le refus constant du maître de se laisser déborder par ses émotions, et de céder à la haine pure. Un exemple de sagesse remarquable, qui impose le respect.

Biopic sublime, qui nous prend aux tripes, ce Ip Man permet de faire connaissance avec la légende qui en a forgé une autre, bien des années plus tard, à travers le portrait d'un homme à la droiture exemplaire, dont les principes ne se sont jamais démentis et qui, de par le monde, a suscité bien des vocations.

Le portrait superbement réalisé par Wilson Yip se poursuit au travers des interviews passionnantes de l'équipe du film (Donnie Yen est intarrissable), un making-of et quelques scènes coupées, qui éclairent sur certains passages ou suites cohérentes du film, passées sous silence dans sa version définitive.

Ip Man est indéniablement un incontournable pour qui se passionne pour le kung-fu et ses maîtres, et un film édifiant pour tous les autres. Magnifique.


*Indice de satisfaction:

*1h45 - chinois - by Wilson Yip - 2008

*Cast: Donnie Yen, Simon Yam, Siu-Wong Fan, Yu Xing, Hiroyuki Hikeuchi...

*Les + : Un biopic fascinant, une photographie superbe, des combats époustouflants, qui rendent justice à une figure légendaire.

*Les - : Une fin un peu abrupte peut-être? Et un film un peu court...

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