Répéter des pas entre les lignes près de cet embarcadère où mon père s'est mis à danser avec une allégresse inconnue de son vivant. Avec des fraises sur les pages, j'en voudrais des montagnes aux yeux injectés de jervine, pendant que Mamie examine des sandwichs voguants sur la Liffey un homme s'avance, il vit vers moi, s'abattre un égarement. Plusieurs fois j'étais passé sur le pont mécanique, plus rien n'indiquait alors la librairie. L'autre monde en quelque sorte. Alors j'ai demandé à l'intrus où est-ce que je me trouvais et non pas comme j'aurais du où est ce que je voulais me rendre. Il à commencé par décrire des arcs de cercles immenses avec ses bras compas de couleurs, mais il ne produisait aucun son, lui aussi semblait mal fonctionner. Pour passer inaperçu je me suis mis à tourner avec lui, nous étions les nouveaux moulins sur la passerelle, les éoliennes de l'errance prête à tout pour rabattre les vents dans nos échos portuaires. D'abord un bras ensuite une aile
et enfin lorsque nous avons accumulés suffisamment d'électricité dans nos cylindres, la machine eût l'air penchée de reprendre le cours normal de la chose vécue. Panoplie éclectique enfin reconnue de tous, il me demande illico ce que je cherche. A savoir ou je suis lui dis-je. C'est dans un livre enfermé à la mezzanine de la librairie "Chapters", plus loin, vers l'endroit où vous trouviez ce matin, près du musée de l'écriture, mais plus bas encore, c'est là-bas que vous êtes. Puis il disparut en marchant à reculons, simulant des bruits de machines agricoles en train de manoeuvrer. Quoi qu'il ait pu m'en dire, je n'étais qu'a quelques pas de la grande harpe blanche enjambant la rivière, je savais que je n'étais pas sur cette mezzanine et donc à l'évidence je pouvais, me rendre où je me trouvais alors sans déplier la moindre carte, sans avoir besoin de scruter ce brouillard en plomb afin d'y retrouver le sémaphore. Le matin était à jeun comme un cierge de Pâques, du bout du quai j'avais pu voir New-York abandonnant ses tours dans l'océan de la croyance pour tous. Je la trouverai sa librairie, c'était une promesse enfermée dans un silo, un matin d'épais brouillard dans le ventre de Dublin la borgnesse. Cherchant au fond des docks des squelettes d'entrepôts encore non réhabilités j'ai pris sous le bras mon boucan de neuf heures, trois virgules plus loin étalé en tache molle sur le carreau du temple je retrouvais l'homme tracteur ravalant pour le jour ses dernières scories, naufragé sur un banc, enfin en paix dans son sommeil invisible. Je remonte le quai, j'enfourche un échafaudage sous lequel des passants chétifs poursuivis de rayons diffractés invoquent une menace exophtalmique. Il reste quelques rues à rattraper entre deux masses de brouillard bien dodu, mais le froid rompt la dérive et s'insinue en gifle sur les joues, inoculant les gestes de son humidité perfide aux corps encore grippés des miasmes de la nuit. J'entrevois un îlot ouvert, j'y entre immédiat et rafraichit, commande un grand café à l'eau et un scone à la farine. J'y regarde passer la rue, une heure durant. La librairie est maintenant en contrebas du ventre éthéré de cette bouillie ectoplasmique, c'est ce que m'a dit la dame dans le tambour chaleureux du salon de thé. J'y entre sans regarder, comme on entre au supermarché lorsqu'on y va et me dirige vers l'escalier, pour atteindre l'étage sous le plafond. Voici maintenant la mezzanine décrite par l'homme tracteur, je vais y lire quelques pages en attendant le retour de Dublin.
Balder