Etat chronique de poésie 1050

Publié le 07 novembre 2010 par Xavierlaine081

1050 

Ils regardaient passer, à la terrasse de leur café matinal, le train des jeunes qui vociféraient leur refus. Derrière les termes de manipulations qu’ils proclamaient, on pouvait lire l’intégralité des informations télévisuelles de la veille. Preuve s’il en fallait du niveau de nivellement des consciences entrepris par le pouvoir en place. 

Les mêmes, sans aucun doute, auront applaudi aux lacrymogènes et autres flash-balls qui attendaient le sang neuf, au détour des faubourgs parisiens. Ils furent en leur temps les farouches partisans d’une autre révolte qu’ils arborent comme d’autres avant eux leurs médailles de la grande guerre. Ils rejettent l’histoire à venir sous les traits de la jeunesse, en regrettant le temps qui fut le leur. 

Chacun, à sa porte, ne regarde que le bout de son nez. 

Ceux qui gouvernent se frottent les mains, non à cause des premiers frimas, mais d’aise : leurs portefeuilles sont pour longtemps à l’abri des intempéries, tant qu’il s’en trouvera pour cracher dans la soupe de l’avenir. 

Devenus notables en ayant pris de l’âge, les bourgeois ventripotents ont aujourd’hui la cinquantaine arrogante et cynique. Fiers d’avoir survécu aux crises pétrolières, aux dérives financières de leurs aînés, ils marchent au pas chaloupé des pavés disparus. 

Ils fréquentent les plages sur des îles que leurs successeurs ne pourront jamais entrevoir. Ils ferment la porte derrière eux, comme Papa le leur a appris, et se méfient de tout ce qui peut leur paraître louche, chevelu, et immature. 

Ils cachent sous leur refus, leur propre défaut d’évolution, tombent en amours débridées au premier plat mannequin entrevu. 

Ils sont les soutiers des dictateurs d’hier. Ils ont oublié avoir vociféré dans leur propre insouciance, contre un Pinochet criminel. 

Ils soutiennent aujourd’hui, du haut de leur fatalisme repus, les nouveaux totalitaires qui n’ont du Beaujolais, que le goût du vinaigre. 

Ils ont pignon sur rue, sont commerçants ou artisans, chercheurs d’une science au service de la technique. Ils se croient moderne quand leur modernité ne fait que sentir le rance. 

Ils émargent parfois, pour la bienséance, aux bénévoles des restaurants du cœur. 

S’ils ne fréquentent aucune église, ils ont besoin de leur coach, non pour confesser des fautes dont ils se croient indemnes, mais pour s’assurer à grands frais, d’être dans une vérité immuable. 

Regardez-les bien : ils sont la lie de ce monde qui s’écroule, tant l’immobilisme le gangrène. 

A eux et à leur « expertise » les honneurs médiatiques, aux autres, ceux qui galèrent, dans la fabrique d’une histoire incertaine, l’insulte et le mépris. 

Triste monde en vérité 

Que celui qui se croit parvenu quelque part 

Tristes êtres 

Que ceux qui de leur haute indifférence 

De leur souverain mépris 

Le confortent en ses errements 

Je te le dis : 

Rien de pire que ton visage atterré 

Devant le séisme intérieur 

Vie éparpillée 

Aux tempêtes d’égoïsmes 

Qu’une nuit vienne 

D’étoiles bienveillantes 

L’aube les remercie 

De sa clarté éphémère 

Manosque, 15 octobre 2010 

©CopyrightDepot.co 000455677