D’un mal, la crise économique, sortira peut-être un bien : une mutualisation plus poussée entre deux anciennes grandes puissances militaires longtemps rivales. L’ultra rigueur décrétée en Grande-Bretagne, et l’austérité cachée des finances publiques françaises ont conduit les dirigeants des deux rives du Channel à trouver des solutions innovantes, notamment en termes d’économies d’échelle, pour ne pas abaisseur leur garde en dessous d’un seuil critique. L’exercice n’est pas nouveau : essayer de faire aussi bien avec beaucoup moins par la coordination et la coopération.
Le premier traité touche à ce qui est le plus symbolique, l’arme nucléaire. Le texte prévoit que les deux pays pourront simuler à partir de 2014 le fonctionnement de leur arsenal nucléaire dans une installation commune en Bourgogne. Le nouveau laboratoire sera complété par un centre de recherche franco- britannique commun qui sera, lui, implanté à Aldermaston, dans le sud-est de l’Angleterre.
Le second traité porte sur la création d’une force militaire expéditionnaire conjointe indispensable à la protection des ressortissants des deux pays à travers le monde. Une force « coup de poing », capable de «mener des opérations de haute intensité», selon les termes de la présidence française.
Des esprits chagrins voient dans cet accord de coopération bilatérale la fin de l’Europe de la Défense. L’éditorialiste d’El País raille non sans une pointe de jalousie les « Superpuissances de poche » et s’indigne, que l’accord « oublie » de faire référence à la politique européenne de sécurité et de défense.
Il est vrai que ce double accord marque la résignation de Nicolas Sarkozy à voir émerger un embryon d’Europe de la défense, contrairement, aux espérances qui étaient les siennes en 2008 lorsqu’il avait entériné la réintégration de la France dans le commandement intégré de l’Otan.
Jean-Marc Trappler, éditeur du site Armées.com rappelle que ce type d’accord franco-britannique n’est pas une première mais, s’inscrit dans une longue tradition de coopération militaire tant industrielle qu’opérationnelle. Un lien particulier qui s’explique par le fait que les deux signataires se distinguent dans l’union européenne par la possession de l’arme nucléaire qui exige des compétences et un savoir-faire particuliers.
De son côté, le journaliste de Libération Jean-Dominique Merchet, évoque sur son blog, Secret Défense, le dépit d’Hervé Morin à l’issue du dernier sommet européen des ministres de la Défense à Gand. Le ministre français lui avait alors confié son incompréhension face l’absence de volonté de ses collègues d’accroître leur coopération et leurs efforts et estimé que par cette attitude, ils renonçaient à faire de l’Europe un acteur majeur sur la scène internationale.
La position de l’union européenne manque singulièrement de cohérence. Alors que l’UE déploie d’importants efforts pour se doter d’un réseau diplomatique afin de faire entendre sa voix, elle fait de la défense le cadet de ses soucis, comme si le soft power pouvait suffire à en faire un acteur crédible sur la scène internationale.
Un décrochage d’autant plus incompréhensible que depuis l’effondrement du bloc soviétique, l’Oncle Sam tendance à se détourner d’un continent fragmenté et anarchique pour s’intéresser à l’Asie, nouveau centre du monde.
A cet égard, la décision franco-britannique doit être replacée dans un contexte mondial saisissant. Alors qu’une majorité de pays européens consacre 1,5% de son PIB à la défense, les grandes puissances du moment, ou les émergentes, poussent leur effort jusqu’à 4%. La raréfaction des ressources , les bouleversements climatiques seront pourtant à court terme, différents rapports en témoignent, des sources importantes de tensions internationales.
Pour la France enfin, il convient de rappeler que, le théâtre Afghan a constitué un choc en pointant cruellement la vétusté de certains de nos matériels et le manque de certains équipements pour des conflits de type asymétrique . Une inadaptation payée au prix fort en vies humaines.