Après un dernier trimestre particulièrement négatif pour les marchés actions, quelles sont les chances de rebond en 2008 ? Sommes-nous à l'aube d'une nouvelle phase de baisse des marchés, motivée par une récession économique aux Etats-Unis ? A l'inverse, le pire étant envisagé par les investisseurs, le rebond serait-il imminent ? Christian Dargnat, directeur des gestions chez BNP Paribas Asset Management, nous livre son analyse de la situation.
Capital.fr : Les inquiétudes macro-économiques sur une éventuelle récession américaine en 2008 sont-elles justifiées?
Christian Dargnat : Pour nous, le marché pêche par excès de pessimisme. Depuis trois ans, la croissance mondiale est de plus en plus tirée par les pays émergents (Chine, Inde, Russie). 50% de la progression du PIB mondiale leur est dû en 2007 et cette contribution à la croissance pourrait être de l`ordre de 80% en 2008 ! Ces pays sont peu exposés à la crise financière actuelle et ils bénéficient en outre d'une demande intérieure qui prend le relais des exportations. Leur croissance domestique va rester soutenue, quelle que soit notre santé économique. C'est un élément de soutien fort pour nos économies occidentales : en 2007, un quart des bénéfices des entreprises du CAC 40 est issue des pays asiatiques…
Capital.fr : Croyez-vous à une entrée en récession de l'économie américaine ?
Christian Dargnat : Nous pensons qu'il est préférable de parler de "trou d'air". Malgré le ralentissement de la croissance attendue au dernier trimestre 2007 et au premier trimestre 2008, de nombreux facteurs plaident pour un rebond. Le premier est l'emploi : l'économie américaine continue à créer des emplois. A un rythme moins soutenu, certes, mais elle en crée. La balance commerciale qui a occulté 1% de croissance annuelle ces dernières années, va enfin contribuer positivement en 2007 et en 2008. Le dollar faible stimule les exportations. Enfin, nous avons vu dernièrement que les Etats-Unis disposaient d'une marge de manœuvre budgétaire et d'une capacité à assouplir encore leur politique monétaire si la situation le justifiait.
Capital.fr : Et l'inflation ? Ne faut-il pas s'inquiéter des nouvelles tensions induites par la flambée des prix des matières premières agricoles après celle de l'énergie ?
Christian Dargnat : On ne peut pas nier le regain inflationniste. Nous sommes en train de sortir d'un cycle de vingt années de désinflation. Les raisons sont multiples, mais il est selon nous prématuré d'anticiper un retour de l'inflation à deux chiffres ! Nous pensons que les tensions sont fortes à court terme, mais que l'inflation se stabilisera dans le courant de l'année 2008. Nous allons notamment bénéficier d'un effet de base favorable sur les prix. Sa progression sera donc plus modérée au deuxième trimestre.
Capital.fr : La crise financière peut-elle encore faire plonger les marchés actions ?
Christian Dargnat : Nous sommes dans une crise de confiance. Nous assistons à un dysfonctionnement du système financier car chacun regarde son voisin avec méfiance. C'est le syndrome de l'automobiliste dans le brouillard. Dans le doute, il ralentit et tous les autres le suivent. Chez BNP Paribas Asset Management, nous sommes moins pessimistes que le consensus. Dès que les résultats des banques des quatrième trimestre 2007 et premier trimestre 2008 auront été dévoilés, le brouillard se lèvera.Les grands argentiers ont en outre pris toute la mesure du danger. Leurs interventions massives le prouvent. Nous avons aussi la chance de pouvoir compter sur de nouveaux investisseurs, les fonds souverains, qui jouent en quelque sorte un rôle de "ré-assureur". Leur intervention au capital de grandes banques internationales est un élément rassurant à court terme, qu'elle qu'en soient les conséquences capitalistiques à plus long terme. Au final, nous pensons que la confiance va revenir d'ici au printemps prochain.
Capital.fr : C'est donc le moment de revenir sur les actions?
Christian Dargnat : Dans notre politique d'investissement, nous pensons effectivement qu'il faut privilégier les actions pour le début de l'année 2008. Nous pensons que les investisseurs commenceront à anticiper une amélioration du système financier au cours de ce premier trimestre.
Capital.fr : Quels sont les secteurs à privilégier ?
Christian Dargnat : Nous développons une approche thématique plutôt que sectorielle. Notre stratégie consiste à privilégier les valeurs qui profitent de la croissance des pays émergents. Il s'agit du luxe bien entendu, des banques, de la distribution, des sociétés bénéficiant de la demande en infrastructure…Nous sommes plus vigilants sur le secteur pétrolier car nous estimons que la dynamique de hausse des cours du pétrole s'essouffle. Il est préférable de miser sur quelques sociétés para-pétrolières.
Capital.fr : Les bancaires ont beaucoup souffert. Quels sont vos titres préférés ?
Christian Dargnat : Il est délicat de donner des noms car les choses peuvent évoluer très vite et nos avis peuvent être réajustés à tout moment. Cela étant dit, il peut être intéressant de considérer les valeurs bancaires françaises excessivement vendues ces dernières semaines comme BNP Paribas ou Société Générale. Nous regardons également les banques italiennes comme Banca Intesa San Paolo. En revanche, nous sommes plus réservés sur les banques allemandes et britanniques.
Propos recueillis par Yannick Roudaut