Hier dans le RER, quelqu'un s'est jeté sur les rails et a rejoint le ciel. Ce n'était pas la façon la plus douce pour s'envoler mais sans doute était-il un peu trop pressé... Autour de moi, tout le monde en parlait même si personne n'avait rien vu. Ils sont comme ça les gens, ils aiment parler de ce qu'ils ne savent pas...
Les trains n'ont plus fonctionné. La voie devait être libre : l'ange passait.
Lorsqu'un homme s'envole, un ange, toujours, passe.
À la gare de Val de Fontenay, j'ai dû prendre une navette pour rentrer chez moi. Il y avait tellement de monde qui poussait que pour franchir la porte du véhicule, je n'ai eu qu'à me laisser emporter... J'ai repensé à la personne trop pressée de retrouver ses aïeux et à l'ange qui lui indiquait le chemin.
À quelques rangées de moi étaient installés trois bonzes. Je ne saurais dire si c'était leur robe orange éclatant - le même orange éclatant que mes capucines - ou leur paisible sourire, mais il y avait en eux quelque chose d'extraordinairement radieux.
Ce n'était pas un hasard. Après l'envol d'un homme, croiser des moines bouddhistes n'est jamais un hasard. Je m'étais dit que notre homme avait dû cultiver énormément de lotus. Sinon, nos bonzes n'auraient pas été là.
Je décidai de l'appeler Siddhartha.
Alors que Siddhartha continuait sa route vers les cieux, je continuais péniblement la mienne jusqu'à Noisiel.
Dans la navette, j'ai fini par m'endormir.
L'ange avait la peau cristalline. De sa voix androgyne, il lui demanda pourquoi il aimait tant les fleurs de lotus. Et Siddhartha de répondre : "Parce qu'elles ont la couleur de l'éternité..."