Si vous gambadez sur les nombreuses petites routes de la campagne gersoise, sans doute tomberez-vous sur le nom de "bastide" associé à tel ou tel toponyme. Ainsi peut-être visiterez-vous la bastide de Mirande, celle de Fourcès ou encore celle de Jegun et tant d'autres encore !
Maison à colombages dans la bastide de Bretagne d'Armagnac
Le mot "bastide" est apparu simultanément avec la création des bastides. Aurait-il été créé à l'occasion ? Il viendrait de l'ancien provençal (d'autres diraient de l'occitan, mais l'occitan ce n'est pas que le provençal …) "bastida" issu du verbe "bastir" qui venait directement du franc. Il désignait au départ un "ouvrage fortifié" et en ancien français il a très vite pris le sens de "ville nouvelle". Quelques siècles plus tard, pendant que "bastide" en terres provençales désignait une "petite maison de campagne", il a, en Gascogne, bel et bien conservé son sens de "ville neuve" et désigne aujourd'hui ce type de villes et villages que le Gers entre autres a vu pousser comme des cèpes en saison entre 1255 et 1330. Mais attention, pas n'importe où, pas n'importe comment car n'est pas bastide quelle ville veut !
La bastide de Tillac
En moins d'un siècle à peine donc, le Sud-Ouest tout entier a vu ces fameuses bastides érigées, aujourd'hui encore pleine de charme, sous l'impulsion des rois de France, des seigneurs locaux et des rois d'Angleterre. Ces nouvelles communautés furent parfois construites à proximité d'abbayes ou de monastères qui offraient les terrains moyennant des avantages financiers. C'est le cas de la bastide de Valence-sur-Baïse construite tout à côté de la très célèbre abbaye de Flaran.
La place de la bastide de Valence sur Baïse
Ce n'était pas non plus sur n'importe quel terrain que tout cela se faisait. C'est qu'en plus , on était exigeant ! On choisissait des terrains secs ou alors boisés que l'on défrichait. Je pense d'ailleurs que la construction des bastides a dû probablement faire du mal à la forêt gersoise. Il arrivait également que la bastide soit fondée autour d'un bourg existant ou autour d'une église, d'un château, d'un groupuscule de maisons…
La bastide de Villefranche d'Astarac
Il fallait d’abord que deux chartes soient signées. Une charte de paréage annonçait la construction de la bastide et la répartition des revenus de la commune entre les fondateurs, seigneurs, donnateurs ..cette charte devait obligatoirement contenir le terme « bastida » pour que la ville en question soit considérée comme bastide. Une seconde charte déterminait principalement les règles, les droits et devoirs des habitants et les lois de la communauté. Il ne reste que très peu d’exemplaire de ces contrats qui étaient rédigés en latin ou en gascon.
La Halle de la bastide de Bassoues
La construction de la bastide était annoncée par un rituel particulier : la plantation du pal ou « fixatio pali ». Ce pal était un pieu, relativement long, sur lequel était représentées les armoiries du seigneur fondateur, le tout en présence de notables hauts placés. La cérémonie était aussi ponctuée par la proclamation de cette création dans les environs.
La bastide de Barran
Des officiers royaux ou des arpenteurs s’occupaient du tracé de la ville nouvelle en commençant par l’enceinte, puis en positionnant l’église, la place et les rues principales et secondaires. Ils terminaient par quadriller les emplacements des maisons…pour des communes qui devaient abriter 100 à 2000 personnes.
La bastide de Fleurance
Les bastides avaient parfois des « formes » très particulières. Certaines ont un aspect géométrique clairement visible : carré, rectangle, polygone, rond, ovale, en long, avec des rues bien perpendiculaires et bien parallèles, avec parfois une place centrale, en rectangle. Mais il n’y a pas de règle fixe, beaucoup de bastide ne répondent pas à cette esthétique géométrique probablement en raison du besoin d’adaptation à l’environnement vallonné, aux terres…
La bastide circulaire de Fourcès
A peu près faciles à reconnaitre, on y trouve, une place avec des couverts, assez souvent une halle et des maisons que l’on appelle aujourd’hui maison de village. C’est d’un charme exceptionnel, surtout quand s’y mêle vieille pierre, colombage et couleurs…
La bastide de Miélan
Mais pourquoi, tout à coup, en si peu de temps, a-t-on vu pousser ces bastides dans le Sud-Ouest ? Tout d’abord pour des raisons politiques avec notamment une rivalité Franco-anglaise qui a nourri cette poussée urbaine mais aussi le besoin des seigneurs locaux d’assouvir leur besoin de pouvoir ou d’affirmer leur autorité. Les motivations étaient également économiques puisque les donateurs de terrains touchaient les revenus de ce que rapportaient les bastides et les fondateurs également par toute une série d’impôts…
Les bastides ont répondu également à une démographie sans cesse croissante : elles permettaient d’offrir de nouvelles perspectives d’installation et de travail aux familles nombreuses des environs qui connaissaient la précarité. Elles ont aussi été une réponse positive à l’insécurité ambiante à une époque où des groupes de bandits cachés dans les forêts attaquaient les voyageurs, saccageaient les terres et pillaient les habitations. Construire ces nouvelles villes sur des terrains boisés a été l’occasion de déloger et chasser les brigands et comme elles étaient fortifiées par des enceintes, les habitants s’y sentaient d’autant plus protégés. Et pas que des brigands ! Car la période était propice aux conflits et comprenait une partie de la guerre de 100 ans, les bastides étaient des lieux sûrs, plus à l’abri des faits guerriers.
La halle de la bastide de Gimont
Quant à leur nom ? Soit ils s'inspirait du lieu où la bastide était implantée, soit il affirmait leur statut de bastide (labastide-savès), soit il prenait des noms de grandes villes prestigieuses de l'époque comme Pavie, Milan pour mielan, Florence pour Fleurance ...
La place centrale de la bastide de Mirande
Il me reste beaucoup à apprendre sur les bastides et il m’en reste beaucoup à visiter ! Comme pour le moment je ne suis pas en mesure de partir à leur découverte, je vais me plonger dans le livre L’aventure des bastides de Gilles Bernard qui va probablement me donner beaucoup plus de précisions sur le sujet !