Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État à la Justice, a remis le 3 novembre à Nicolas Sarkozy un rapport sur la prévention de la délinquance juvénile. Parmi les mesures proposées figure le «repérage précoce» des troubles du comportement de l'enfant dès l'âge de 2-3 ans. Cette recrue de l’ouverture estime que la «vulnérabilité pourrait être repérée chez les petits entre deux et trois ans». Il renouvelle ainsi son allégeance à l’être exceptionnel qui nous gouverne, chez lequel se conjuguent le respect des droits de l’homme et l’amour des beautés de la femme, celui que l’univers tout entier, et même la Chine, nous envie. Celui qui, sans défaillance, d’abord comme ministre de l’Intérieur puis comme chef suprême, lutte depuis huit ans, avec le succès que l’on sait, pour notre sécurité.
J’aurais aimé applaudir sans restriction à cette proposition. Malheureusement, le laxisme qui y préside m’en empêche. Cette détection à 2-3 ans me semble bien tardive. Il a été prouvé que, assez tôt au cours de la grossesse, le fœtus était sensible à des stimulations extérieures. On a ainsi déjà pu commencer l’éducation musicale de bébés bien avant leur naissance. Je crains donc que, même ainsi, on ne s’attaque au problème un peu tard. En fait, dès après la conception, il conviendrait de s’intéresser aux gènes de l’embryon pour voir s’il ne serait pas prédisposé à certaines déviances et, dans ce cas, l’éliminer sans faiblir. Il en va de notre sacro-sainte sécurité.
C’est cette même conception (si j’ose dire) génétique ou héréditaire de la nature humaine qui avait conduit notre Président bien-aimé à proposer l’accession de son fils cadet à la présidence de l’EPAD. Etant donné toutes ces qualités merveilleuses qui l’avaient conduit lui-même au sommet de l’Etat, il était de son devoir d’engager son fils à faire don de sa personne à La Défense.
Je crains aussi que, avec cette mesure, on ne reste à mi-chemin. Il convient de toute urgence de stimuler la recherche scientifique afin d’être en mesure de repérer avec certitude les embryons plus aptes au travail manuel ou bien ceux qui excelleraient dans les sciences ou les arts. Lorsque nous aurons atteint ce nirvana, plus besoin de sélection, ni même d’éducation, en particulier dans les disciplines du Droit, pas vrai cher prince Jean ? Nous conduirons jusqu’à leur éclosion des générations d’individus alphas, bêtas, gammas et deltas, les epsilons nous étant classiquement fournis par l’immigration. Nous jouirons alors enfin du meilleur des mondes.